Made in banlieue

periferias 4 | école publique: puissainces et défis

Andrio Candido

Culture ouvrière et poétique

Amauri Eugênio Jr.

| Brésil |

traduit par Déborah Spatz

Définir l’artiste et l’homme Andrio Candido est une tâche des plus difficiles, pour ne pas dire impossible, quand celle-ci est vue avec un regard d’inattention. Une des parties fondamentales de cela, c’est la conséquence du profil multitâches, puisqu’il milite dans différents domaines. Mais la partie la plus importante de l’équation pour comprendre Andrio se trouve dans la manière dont il se définie. « Je suis un ouvrier de la culture. En tant qu’artiste, je dialogue entre l’écrit et l’interprétation, [en tant qu’] acteur et écrivain]. En tant qu’agent culturel, je produis, je m’occupe de l’audio, je suis art-éducateur, éducateur social, professeur d’histoire, un homme noir et père de Loren. »

Même de cette manière, plus que d’être un ouvrier de la culture, les racines d’Andrio sont une partie fondamentale pour comprendre qui il est. D’accord, il lui est arrivé de flirter avec la verve du théâtre marginal des années 1970, on se souvient de l’œuvre de Plínio Marco (1935-1999), et il a tenté de chercher des références à l’étranger - Charles Bukowski (1920-1994) e Tennessee Williams (1911-1983), peuvent s’en souvenir. 

Cependant, ce qui l’a fixé, c’est la littérature périphérique, à commencer par le saut de perspective que ce style littéraire a rendu possible dans sa carrière, ça vaut comme signe d’auto-identification jusqu’à comme instrument de travail. « [La littérature périphérique] traite de moi, de nous. C’est ça le triomphe. C’est à cause de l’influence [qu’elle a eu] sur la trajectoire, l’amour propre, et par conséquente, la construction de l’identité. C’est à propos de nous, pas sur les rêveries de la vie bourgeoise que nous ne connaissons pas, ou des passés qui excluent, pervers et castrateurs. C’est le maintenant, c’est à propos de moi et c’est libérateur. C’est le printemps. »

Andrio Candido

L’homme multitâche

Avoir découvert la littérature périphérique et s’être découvert grâce à elle, ont été les aspects fondamentaux pour  qu’Andrio Candido devienne un homme multitâches – ou, reprenant la manière dont il se définit, « un ouvrier de la culture ». Son texte, dont les caractéristiques qui sautent immédiatement aux yeux sont la fluidité, l’agilité et l’identification instantanée avec le contexte décrit dans les lignes écrites par lui. 

La fluidité et l’agilité sont directement connectés à sa trajectoire, qui est loin d’être linaire – vous en comprendrez la raison dans les prochaines lignes. Il suffit de dire que l’intérêt pour la lecture est apparu quand il était très jeune, il a débuté avec des mangas et des jeux de réalité virtuelle, dont les narratives ont servi de source d’inspiration pour les brouillons de ses premières histoires. 

Si la réalité virtuelle a été importante pour qu’Andrio fasse les premiers pas littéraires, la poésie est arrivée plus tard, elle s’est révélée comme le chemin à être suivi : les rondes poétiques sont apparus dans sa vie quand il avait déjà 22 ans et il faisait déjà partie du monde théâtral, au point de poursuivre, en parallèle, la carrière de comédien. Mais la passion n’a pas d’âge : ça a été un coup de foudre. « Ma trajectoire n’a pas été linéaire, ni séquentiel : elle a été pleine d’obstacles surmontés avec beaucoup de détermination et de dévouement. Ceci s’est reflété dans mes œuvres, puisque mes textes, en prose, ne sont jamais linéaires, il me faut du temps pour les terminer. La poésie, d’un autre côté, malgré le fait qu’elle se construise relativement rapidement, elle a besoin d’être organique. J’ai besoin de la sentir et de la vivre, d’une certaine forme, que ce soit par des traumatismes, des difficultés ou des extases. »  

Un œil sur l’écran…

Le rythme absolument pas linéaire du chemin d’Andrio a donné naissance à certains croisements de ses travaux, dans des domaines aux dynamiques différentes mais complémentaires. En plus d’avoir remporté le prix du meilleur acteur lors du Premier Festival Étudiant de Théâtre de Caraguatatuba, en 2002, il a également participé aux séries Turma do Gueto, CarandiruOutras Histórias et Antonias. En plus de ça, l’artiste multitâche a aussi participé à des films tels que Boleiros 2, de Ugo Giorgetti, ainsi que Os 12 Trabalhos, de Ricardo Elias. 

Malgré cela, l’essence absolument pas linéaire de son chemin, le vaste arrière plan ainsi que la volonté de montrer sa valeur ont parlé plus fort – beaucoup plus fort. Le long métrage Um Salve Doutor, dirigé par Rodrigo de Sousa & Sousa, est un exemple classique cela : il a écrit le script et a été protagoniste de l’œuvre, dans laquelle KPG, un jeune qui a passé trois ans dans un centre de rétention pour jeunes, dans lequel il purgeait une peine socio-éducative, tente de donner un nouveau sens à sa vie et passe par une série de renversements de situation lorsqu’il tombe amoureux d’une jeune fille d’une classe sociale différente de la sienne.

Le scénario de Um Salve Doutor, a été, selon Candido, un mélange de processus – « ça a été une purge, un accouchement, [ça a été] douloureux et important. » La motivation ? L’absence ? « L’absence d’opportunités dans l’audiovisuel, l’absence de paternité dans ceux qui m’ont élevé et la présence oppressive de l’état dans ces espaces. En même temps, je vivais un printemps, je vivais fondamentalement du travail avec la culture, je venais de découvrir les rondes poétiques et les slams et je venais de construire, récemment, un collectif qui est rapidement devenu une référence dans la périphérie. [Le résultat a été] ce mélange dramatique de coups et de baisers, de violences… », décrit-il.

… Un autre sur le papier

Si, d’un côté, Andrio a un côté théâtrale palpitant,  le rythme littéraire coule dans ses veines. Et il n’est pas exagéré de dire que les deux s’alimentent l’un l’autre et ont pour résultat la poésie.  

L’œuvre Dente de Leão, lancé en 2017, a été son premier vol solo dans le monde poétique – ou, comme il l’a expliqué lui-même dans la description générale de l’œuvre, « la poésie volante ». Et vous pensiez qu’il s’arrêterait par ici ? Vous vous trompiez. Andrio a, récemment, lancé un livre en prose Corre !, par la Fondation Educar DPaschoal, tourné vers le public infanto-juvénile. Dans la trame, le jeune garçon, Bruno, protagoniste de l’œuvre, va avoir 18 ans et vit une vie d’adolescent autour de chez lui. Malgré qu’il soit occupé par le baccalauréat, il vit sans grande préoccupation et passe son temps à jouer au football, ainsi qu’à se divertir avec des jeux vidéo. Ceci jusqu’au jour où il atteint la majorité et lors d’un événement familial, le sens de la responsabilité naît chez lui – ou le fait courir [corre !] vers l’évolution.

Même s’il y a un élément autobiographique par-ci, par-là, les éléments externes ont une influence importante dans ce scénario. « Bruno assume les espaces d’Andrio, comme la famille, les amis, les fêtes et la culture de la rue. Mais la trajectoire et la motivation ont été créées à cause de l’identification avec le public infanto-juvénile de la périphérie. » Et, en fin de compte, quels sont les éléments externes qui ont aidé à la construction de l’œuvre ? Le regard sur la vie ? « [Corre !] vient de l’observation de mes élèves en tant que professeur d’écoles publiques, des centres de détention pour jeunes et des abris juvéniles. Mon observation et mon écoute, dans les endroits où j’ai enseigné et été éducateur m’ont influencé directement dans la composition de cette œuvre. »

Et, c’est le regard vers la vie qui fait d’Andrio Candido un être humain agité et polyvalent. C’est ce regard qui lui permet de parler de réalité virtuelle, de Bukowski, de manga, de rondes poétiques, de littérature périphérique, de cinéma, de théâtre et de poésie avec naturalité. C’est ce regard qui lui permet d’être un ouvrier de la culture. « J’observe beaucoup loin et autour de moi, et j’établis des relations avec mon monde interne. Les animaux, les plantes, la mer et la ville créent des relations avec ce que je ressens ou avec ce que je vis à ce moment-là. [ce qui] varie d’un sentiment à l’autre. Mais je réussi, souvent, à le corréler avec l’extérieur qui m’entoure.


 

Amauri Eugênio Jr. | São Paulo, Brésil |

Journaliste. Cinéphile, critique culturel wannabe et intéressé par les sujets liés aux droits de l’Homme et des minorités. Analyste de communication à la Fondation Tide Setubal

amauri@ftas.org.br

Éditions Antérieures

Abonnez-vous à la newsletter