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periferias 4 | école publique: puissainces et défis

illustration: Juliana Barbosa

Est-il possible de construire un autre paradigme intellectuel pour entrer et sortir des universités ?

Les expériences des Pays Africains de Langue officielle Portugaise (PALOP) dans l’ère de la globalisation et de la mondialisation

Filomeno Lopes

| Guinée Bissau |

traduit par Déborah Spatz

Résumé

Cet article propose une brève réflexion sur l’importance de faire à nouveau le processus d’entrée et de sortie de nos espaces universitaires véritables « lieux épistémologiques », dans lesquels le mot d’ordre est « penser pour mieux agir et agir pour mieux penser » (Cabral). Cela comme une forme de sortie de l’actuel dilemme dans lequel nous sommes plongés, du point de vue épistémologique et par conséquent, anthropologique : être un continent dans lequel on pense à ce qu’on ne vit pas et où on vit ce qu’on ne pense pas. Ceci nous mène à être les éternels consommateurs de ce que nous ne produisons pas (en thermes de connaissances et de production économique), et les producteurs de ce que nous ne consommons pas (du point de vue économique et de la production du savoir endogène). D’où l’importance de représenter la question des paradigmes éducationnels pour former à récupérer cette dimension libératrice de l’éducation élaborée par Paulo Freire et Cheikh Anta Diop, comme une forme de reconstruire le rêve de la lutte pour la libération des PALOP : santé et capacitation, les présupposés pour la construction de la paix, du progrès, de la joie de nos peuples.

« L’éducation », disait Paulo Freire, « est un acte d’amour et, par conséquent, un acte de courage. Il ne faut pas avoir peur du débat. L’analyse de la réalité. Il ne faut pas fuir face à la discussion créatrice, sous peine d’être une farce. » C’est parce que, pour Paulo Freire, « exister est un concept dynamique. Il implique un dialogue éternel de l’homme avec l’homme. De l’homme avec son Créateur. C’est ce dialogue permanent de l’homme et de la femme à propos de son entourage et même à propos des défis et des problèmes qui le rend historique » (Freire, 2011). L’histoire, disait Engelbert Myeng, est, de fait, le lieu de la remise en question permanente. Dans cette perspective existentielle qui s’ouvre à l’histoire, s’élimine, depuis le début, une possible notion de liberté, conçue comme une manière d’être le destin de l’homme et de la femme, qui ne peut qu’avoir du sens dans l’histoire que les hommes et les femmes vivent au quotidien. Dieu aime, l’homme lutte et attend et Dieu libère : enfin la liberté est le visage éthique de l’espoir d’un peuple. Il s’agit moins d’un axiome pédagogique que d’un défi de l’histoire présente. C’est donc l’éducation comme pratique de la liberté et de la libération, comme un acte et un facteur de culture éducative. 

Selon un proverbe des peuples bambara du Mali, « Mama a donné la vie ne signifie pas que Mama en a fini ». De-là la question : pourquoi et qu’est-ce qui manque ? Après l’accouchement, répond Joseph Kizerbo, débute la difficile tâche de l’éducation : éduquer ou périr ! C’est dans ces termes que – selon l’historien burkinabé – se pose aujourd’hui l’interrogatif à propos du futur non seulement de l’Afrique, mais aussi de tous les peuples qui se sont trouvés sous le joug colonial. De ce point de vue, l’éducation comme paradigme pour la réhabilitation des jeunes en Afrique dans la conjoncture géopolitique mondiale et internationale d’aujourd’hui, doit constituer avant tout autre chose, le problème prioritaire des africains puisque le moment de nous mobiliser vigoureusement est arrivé, pour prendre en mains, nous-mêmes, le destin de tous nos pays et du continent dans sa globalité. L’éducation est fondamentalement le problème anthropologique et épistémologique en même temps. C’est fondamentalement, une question du savoir. Mais le savoir, disait Tierno Bokar, est une lumière qui habite à l’intérieur de chaque être humain ; c’est l’héritage de tout ce que nos ancêtres ont réussi à connaître et à nous transmettre comme patrimoine que généralement, nous avons l’habitude d’appeler Tradition et que les humanistes ont appelé « les classiques grecques et latins » ou simples les « humanités ». Ceci nous mène à comprendre que le savoir et, par conséquent, tout type d’éducation est, avant tout autre chose, un savoir historique. Et en Afrique, par exemple, on a l’habitude de dire que tout est histoire : l’histoire des terres et des eaux, l’histoire des végétaux, l’histoire des astres, etc. ; mais, la plus grande et plus sublime de toutes les histoires, c’est l’histoire du muntu, cela signifie, de l’être humain, du sujet et de l’objet du savoir et, ainsi, éducateur-éduqué. Le savoir hérité se développe là où existent des centres d’initiation, des écoles, des université et là où se trouvent des jeunes motivés à recevoir cette même formation et à la mettre en pratique. 

Amilcar Cabral | Illustration: Juliana Barbosa

II
La construction d’une pensée historique et collective : l’expérience éducationnelle dans les PALOP

Amilcar Cabral1Amilcar Cabral était un homme politique, ingénieur agronome, écrivain et intellectuel important pour la défense du continent africain contre le colonialisme. Il est considéré comme un idéologue de l’indépendance du Cap-Vert de la Guinée-Bissau, des colonies portugaises, à l’époque. disait que nous devons être tous les jours plus capables de beaucoup penser à propos de nos problèmes pour que nous puissions bien agir et agir beaucoup pour penser toujours plus. Il s’agit, en d’autres termes, de l’imprévoyante nécessité et obligation que nous avons aujourd’hui dans les PALOP2 Pays africain de langue officielle portugaise, quarante ans après les indépendances de nos pays respectifs, de tenter une réflexion qui soit « une pensée pour mieux agir » : penser à notre passé et à notre présent historique, indiquant des pistes pour un futur « agissement communicatif endogène » dans cette aventure pérenne de recherche de la vérité et de meilleures conditions de vie, de progrès, de développement, de paix et de joie pour nos pays et pour nos peuples. Enfin de compte, c’était le principal objectif de lutte pour la libration entreprise par les mouvements de libération des PALOP et qui, pour cela même, leur a valu le soutien inconditionnel du monde politique structurel progressiste et, principalement, celui du Pape Paul VI. Ce soutien a été exprimé de manière concrète dans l’histoire de l’audience accordée par le Pape Montini aux leaders de ces mouvements (Agostinho Neto, Amilcar Cabral e Marcelino dos Santos), au Vatican, le 1er juillet 1970. À la sortie de cette rencontre, Cabral, qui était à la tête de la délégation, a dit : « Nous avons obtenu une grande victoire que jamais nous n’aurions obtenue avec la force des armes ». Cabral avait très bien remarqué que ce moment avait dicté pour toujours la fin de la résistance armée et ouvert de nouvelles perspectives, de nouveaux paradigmes dans le processus intégral de lutte de libération des PALOP. C’était la victoire de la raison de l’intelligence, du savoir sur la force, l’ignorance et l’obscurantisme caractéristique de l’agissement communicatif de l’empire colonial, à ce moment-là. C’était vraiment la victoire de l’élément principal du paradigme libérateur qui, en fin de compte, depuis toujours était à la base de tout ce processus de lutte pour la libération et que Amilcar Cabral lui-même a présenté sous l’expression « santé et capacité » : la santé, considérée comme étant « la plus grande richesse de notre peuple » et par conséquent, l’éducation et la culture comme pratique de la capacitation du peuple à se garantir une « santé intégrale » permanente et vivre comme un peuple libre et responsable de son destin et du destin de l’humanité. Il s’agit de restituer et permettre encore plus la « santé globale » ou intégrale des nouveaux pays. C’est de là que les éléments qui faisaient partie du paradigme de la lutte pour la liberté dans son intégralité et qui était la résistance politique, économique, culturelle et la résistance armée ont tous toujours été considérés comme des actes et des facteurs de culture. Cela signifie que la révolution entreprise par les PALOP a été essentiellement un processus éducatif et d’éducation culturelle avec pour objectif la formation du nouvel homme, capable de vivre avec « la santé et la capacitation » dans le nouveau contexte géopolitique mondial et international que les “encontro-recontro” (Aimé Césaire) entre l’Europe et l’Afrique impliquait pour nos pays et nos peuple. Sur les sentiers de Cheikh Hamidou Kane, les mouvements de libération ont très bien été compris, les « écoles des nouveaux arrivés » et par conséquent la pensée européenne, fruit de l’histoire et de la culture européenne, était, dorénavant, « le plus grand défi pour les peuples dialobés (Africains) » et que dans ce processus de lutte qui était en train d’être mis en place, il était impératif d’envoyer les meilleurs fils, les seuls qui, à cette époque, était scolarisés. À « l’école des nouveaux arrivés », là-bas, « ils ont appris le même art de gagner sans avoir raison » et d’être capable de mettre ce savoir au service de la production de la « santé intégrale » de leurs pays et de leurs peuples. Beaucoup de jeunes ont ainsi été envoyé, tout de suite après les indépendances, vers plusieurs coins de l’Europe de l’Est, de l’Afrique et de l’Amérique Latine, pour recevoir une formation. Des écoles Pilotes ont été crées en Guinée-Bissau, elles étaient d’authentiques foyers d’inter-culturation du processus éducatif mené par le PAIGC3Parti Africain de l’Indépendance de la Guinée et du Cap Vert, fondé par Amilcar Cabral 1956. durant toute la phase de lutte de libération, dans les zones libérées. Tout ce processus éducatif avait un seul objectif : garantir la formation des nouveaux hommes et des nouvelles femmes et les former avec les instruments éducatifs et culturels adéquats pour qu’ils apprennent à « penser avec leur propre tête et à partir de la leur propre réalité » (Cabral), les meilleures conditions de possibilité pour la construction effective de la paix, du progrès, du développement intégral et de la joie des propres peuples comme l’espérait le programme de la CONCP (Conférence des Organisations Nationalistes des Colonies Portugaises). 

Dans le cadre de l’exemplaire lutte commune mise en place, ainsi, par les PALOP, les objectifs étaient clairement définis. Et, à ce propos, Amilcar Cabral a clairement dit : « Nous, membre de la CONCP, nous engageons avec nos peuples, mais nous ne luttons pas simplement pour mettre un drapeau dans nos pays et pour avoir un hymne. Nous, membre de CONCP, voulons que nos pays martyrisés durant des siècles, humiliés, insultés, que, dans nos pays, jamais ne puissent régner l’insulte et que plus jamais nos peuples ne soient exploités ; (…) nous ne voulons plus l’exploration de nos pays, même celle-ci faite par des noirs. Nous luttons pour construire, dans nos pays, en Angola, au Mozambique, en Guinée, dans les Îles du Cap-Vert, à Sao Tomé-et-Principe, une vie joyeuse, une vie où chaque homme respectera tous les hommes, où la discipline ne sera pas imposée, où il ne manquera de travail à personne, où les salaires seront justes, où chacun aura de largent pour tout ce que l’homme aura construit, créé, pour la joie des hommes. Et c’est pour cela que nous luttons. Si nous n’y parvenons pas, nous aurons échoué face à nos devoirs, nous n’aurons pas atteint l’objectif de notre lutte » (Cabral, 1977). Ne pas atteindre l’objectif de la lutte signifie manquer aux intérêts de nos peuples respectifs. Cabral souligne encore avec force que « si demain, nous trahissons les intérêts de nos peuples » et de nos pays, ça ne sera certainement pas « parce que n’avons pas su, ça sera parce que nous aurons voulu trahir et nous n’aurons donc aucune excuse ». 

Cependant, quarante-cinq ans après les indépendances des PALOP, quel bilan pouvons nous faire à propos de la réalisation effective de cet engagement et de l’inquiétude que constituait le principal objectif de la lutte pour notre autodétermination avec les Nations et les États libres et indépendants, au sein de la grande famille des nations unies ? Plus que cela, quel bilan pouvons nous établir aujourd’hui quant aux impératifs catégoriques de la lutte : celui de toujours penser à un meilleur agissement et toujours agir pour mieux penser ; et apprendre a toujours penser avec notre tête et à partir de notre réalité historique et culturelle bien précise, même si le regard et l’esprit toujours ouverts au reste du monde ? En fin de compte, les universités sont, avant tout, des lieux de production et d’acquisition du savoir libérateur, puisqu’elles sont orientées pour « générer » de nouveaux hommes et de nouvelles femmes ; en deuxième lieu, les former avec des instruments pédagogiques vitaux, en termes de pensée endogène, pour le service de la production de la santé intégrale pour les pays et peuples respectifs. Servir, les pays et les peuples, ou encore, la primauté du service au pays et au peuple est l’essence de l’éthique de l’éducation produite durant la lutte de libération. 

Durant ces quarante-cinq premières années d’indépendance des PALOP, il y a certainement eu une grande massification de l’éducation scolaire, qui va de la moitié des années 70 à la fin des années 80 et qui s’est terminée à l’époque des programmes d’Ajustement structurels du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) auxquels les pays africains ont totalement adhéré, au point de perdre dans cette bataille interculturelle, non seulement « le chapeau, mais aussi la tête » (Ki-Zerbo), en termes de production et d’acquisition du savoir. Les africains ont donc abdiqué de penser avec leur propre tête et à partir de la propre réalité historique et culturelle, l’éducation comme pratique de liberté et de développement intégral des peuples dans l’ère de la globalisation et de la mondialisation. De la recherche d’un développement « clé en tête » (Ki-Zerbp), nous sommes simplement passés à l’éducation comme pratique de mimétisme de la pensée euro-nord-occidentale et dévalorisant presque tout ce qui est global et périphérique. Les universités se sont ainsi transformées en de simples lieux d’acquisition d’un savoir mimétique et, à part quelques exceptions, ont réussi à se transformer également et fondamentalement en des lieux de production du savoir, même si celui-ci était évidemment euro-centré. C’est dans ce contexte qu’est né un phénomène actuel de prolifération des universités dans beaucoup de pays africains et dans les PALOP, d’ailleurs. Nous avons ainsi des universités dans lesquels 80% du savoir acquis et enseigné est produit en-dehors du continent africain. C’est dans ce contexte que je pense qu’il faut poser la question de savoir comment et pourquoi entrer et sortir, aujourd’hui, de l’université dans les PALOP, particulièrement, et en Afrique, de manière générale, dans cette ère de la globalisation et de mondialisation. 

Des intellectuels de renoms, tels que James Aggrey, Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-zerbo, Stanislav Adotevi, Paulo Freire, Jean-Marc Ela, Aminata Traoré, Fabien Eboussi-Boulaga, Carlos Lopes, Paulin Hountondji, Ebénézer Njoh Mouelle, Théophile Obenga, Achille Mbembe, Patrícia Godinho Gomes, José Castiano, Severino Ngoenha et bien d’autres intellectuels africains et africanistes, se sont penchés sur cette question de l’éducation en Afrique, sur ses apories et principalement sur les universités africaines depuis l’indépendance, pour cela, tout en conseillant la lecture des textes de ces auteurs, je voudrais simplement, sur les traces de la pensée de Amilcar Cabral et des autres, rendre un petit et modeste hommage à l’importance et à la valeur de l’étude et de la pensée endogène dans le processus de développement intégral des peuples, comprenant, dans ce sens, l’université comme un lieu pour l’excellente de la production du savoir endogène, des « humanités classiques africaines » (Cheikh Anta Diop) dans cette ère de la globalisation et la mondialisation. Enfin, j’appelle à la nécessité de garantir toujours aux jeunes universitaires, une formation et une spiritualité humaniste dans l’optique de Maat et Ubuntu : cela signifie, la vie, notre vie, ce sont toujours les autres. L’éducation comme un parcours d’apprentissage du savoir vivre signifie fondamentalement l’ouverture, l’attention, le service aux autres, spécialement aux plus démunis. À partir de là, développer une spiritualité de l’homme et de la nouvelle femme, du XXIe siècle signifie, développer la culture de la disponibilité (Cheikh Hamidou Kane) inconditionnelle à la primauté du service à nos pays et à nos peuples, spécialement des rejetés par notre système-monde (Dussel). Je suis convaincu que cet aspect est celui qui a principalement manqué durant ces quarante-cinq ans de vie sociale et politiques des PALOP. La femme et le nouvel homme pensés par Cabral à l’époque de la lutte de libération, ne sont jamais sortis des plaines de Madina de Boé et, par conséquent, ne sont jamais parvenus) à faire partie d’aucune législature qui a gouverné le pays, durant ces quarante-cinq années postindépendance, étant à l’origine, dans cette perspective, d’une crise de conscience historique étonnante : celle d’un pays et d’un peuple, miroir et réflexe d’une révolution africaine exemplaire dans le monde entier, pour une représentation actuelle d’un pays et d’un peuple exemple classique de la pauvreté anthropologique et structurelle qui se vit à l’échelle continentale et mondiale, dans cette ère de la globalisation. 

Illustration: Juliana Barbosa

III

Construire la connaissance, déplacer les paradigmes euro-centriques et coloniaux pour la transformation d’une Université plurielle 

Depuis le début de la lutte de libération, l’importance et la valeur de l’étude permanente pour la vie des militants, des combattants, des cadres et des dirigeants des mouvements de libération des PALOP a toujours été soulignée. Ainsi, durant les séminaires réalisés en 1969 dans les zones libérées de Guinée, Amilcar Cabral, rappelle aux personnes présentes l’importance de ce moment d’étude, il dit: « nous sommes à ce séminaire pour travailler, et maintenant, des camarades à nous, avec plusieurs types d’armes à la main, attaquent les colonialistes portugais dans leur casernes. (…) Les colonialistes ont peur de l’action de nos combattants, une action qui est fondamentale, et même décisive, pour l’avancée de la lutte de libération nationale. Mais les camarades peuvent avoir la certitude que, si certains chefs colonialistes portugais avaient l’opportunité d’arriver jusqu’à cette salle et de nous voir assis dans le séminaire, avec le nombre de travaux que nous venons d’approuver, je vous promets qu’ils auraient encore plus peur de nos bazookas, nos canons, nos faibles armes et de nos combattants » (Cabral, 2014). Cabral explique que la nature et les raisons de ces possibles craintes des dirigeants et des responsables colonialistes et poursuit : « Les colonialistes portugais savent très bien ce qui se passent. Nous pouvons être têtus mais pas stupides » (ceux qui ne savent pas, ignorant). Mais nous pourrions demander qu’est-ce qu’ils savent et que les combattants eux-mêmes, en grande majorité le propre peuple de Guinée-Bissau et du Cap-Vert, privés de processus d’éducation durant l’époque coloniale, ne savaient pas ? « Ils savent, dit Cabral, que les combattants et les armes peuvent gagner une guerre, mais que cela ne garantit par la libération d’un peuple. En réalité, l’utilisation des armes pour gagner la guerre, même pour la progression d’un peuple, est possible, mais ce qui est décisif, c’est l’homme ! Ce qui vaut, c’est la conscience de l’homme ! Les colonialistes portugais savent que plus notre conscience est grande, plus chacun de nous saura clairement ce que nous voulons, d’où nous venons et où nous allons, plus il sera difficile pour eux de continuer à dominer notre peuple. Et pour nous, il sera plus facile ou moins difficile de gagner la guerre de libération nationale et de garantir la vie de travail, de dignité et de justice à notre peuple » (Idem, p. 25), principal objectif de la propre révolution mise en avant par le mouvement de libération des PALOP. Les chefs colonialistes portugais non seulement savaient, mais ils avaient également conscience de tout cela, puisqu’ils l’ont appris à l’école, ils possédaient ainsi un savoir qui était en même temps producteur de conscience de la valeur de « l’arme de la théorie », cela signifie, de la valeur de la force propulsive de la pensée dans la vie des peuples. Paraphrasant Jean-Marc Ela, je dirais que la lutte, la guerre, la liberté et la libération, le développement, l’éducation, la culture humaine, etc., est, avant toute autre chose, ce qui se passe dans la tête et dans le cœur des hommes et des femmes de chaque époque de l’humanité. Pour dominer un peuple, il était nécessaire d’introduire un savoir, une pensée et de l’inculquer dans l’esprit des dominés et de continuer assidûment l’étude de la vie de la société des dominés. C’est exactement pour cela que les chefs colonialistes connaissaient très bien la force et l’importance, la grandeur et la valeur inestimable de « l’arme de la théorie » dans le vie d’un peuple. Ils savaient très bien, souligne Amilcar Cabral que : « la valeur d’un homme ou d’une femme se mesure par l’ensemble des idées, par la force des idées qu’ils ont en tête » et qu’ils protègent jalousement dans l’intime de la caverne de leurs cavernes de leurs cœurs et de leurs esprits. Ils savaient, ainsi, qu’un séminaire, une école supérieure, une université, etc., était pour leur système colonial, une garantie de complications, puisqu’il « renforceraient la connaissance que les propres Africains étaient en train de suivre et chercher dans leur long cheminement vers la liberté, où ils se trouvaient et vers où ils allaient ». Mais, principalement, ajoute Cabral, « en plus de nous permettre de mieux connaître la situation concrète de la lutte, la situation de notre peuple, la situation en Afrique et dans le monde ainsi que la situation de l’ennemi, le séminaire – et par conséquent le savoir, l’éducation, l’école, l’université – renforcera toujours plus dans la tête, l’esprit des camarades, leur situation de donner la vie pour la cause de notre pays et de notre peuple. « Ça, a encore ajouté Cabral, est une chose qui peut faire peur aux colonialistes portugais. »

Mais pour Amilcar Cabral, il y a une chose encore plus importante que tout cela et qui peut servir, je pense, d’exemple pour n’importe quel étudiant universitaire : « les colonialistes ont eu peur lorsqu’ils ont vu le sérieux dans lequel se déroule ces séminaires, la détermination dans le visage de nos camarades, la volonté clairement exprimée dans chacun de comprendre pour servir de la meilleure manière » : sérieux, détermination et recherche pérenne de compréhension dans les études et promptitude à servir ! C’est donc ainsi que sur les traces de Cabral, j’exprime mes vœux pour que l’entrée et la sortie de nos jeunes universitaires dans les diverses universités des PALOP, qu’elles puissent être toujours vues comme « un événement qui marque un état donné de l’évolution de votre vie et de la vie de nos peuples et de nos pays, de l’avancement, de la même lutte de liberté et libération débutée il y a plusieurs siècles, par nos peuples depuis la lutte contre l’esclavage et la traite négrière ; une lutte héritée par les mouvements de libération des PALOP et qui a triomphé, en partie, avec la proclamation de l’indépendance de nos pays et de nos peuples. Que tous soient capables de profiter au maximum de l’entrée dans les universités parce que comme à l’époque, l’entrée à l’université, aujourd’hui, doit constituer une nécessité de lutte pour nos pays et nos peuples. L’étude reste toujours, de fait, l’aspect le plus décisif de notre lutte pour réaliser la libération, la paix, la réconciliation, le progrès et la joie de nos peuples. D’où la nécessité d’étudier chaque jour plus avec sérieux et détermination, les documents, les livres, tout ce que l’université et les professeurs seront capables de mettre à disposition ; chercher à améliorer toujours l’humanité présente dans chacun d’entre nous, améliorer constamment l’homme et la femme qui habite dans chacun d’entre nous pour sortir des universités, avant tout chose, comme des hommes et des femmes nouveaux, des hommes et des femmes intègres, capables de consentir à ce que notre continent africain soit réellement le continent du XXIe siècle.

Tout comme l’exhorte Cabral, un militant et, par conséquent, un universitaire qui veut servir son pays et son peuple, doit avoir toujours du temps pour étudier. Il doit, pour cela, éviter de perdre du temps avec des conversations futiles, dans les bavardages africains, les ragots, les blagues de mauvais goût, dans les fêtes universitaires, etc. Que chacun fasse toujours l’effort de s’améliorer chaque jour dans tout ce qui est utile ou dans ce qu’il entend faire. Comme l’enseigne Amilcar Cabral, une chose est certaine : si un peuple veut avancer, ses enfants, les militants de ses partis, les responsables et les dirigeants, les gouvernants, etc., doivent, eux-mêmes, être capables d’avancer chacune jour un peu plus. Puisque les exigences de luttes sont chaque jour plus grande, que ça ne s’est pas terminé quand nous avons couru des trafiquants d’être humains à l’époque de l’esclavage et de la traite Négrière et des colonialistes, ni quand nous avons complètement pris nos terres. Au contraire et c’est à partir de là que la lutte à commencé dans le difficile progrès et la joie de notre peuple. Des personnes comme nous, étudiants et professeurs, ne peuvent jamais arrêter d’apprendre, chaque jour qui passe, puisque les exigences sont toujours plus grandes. C’est, ainsi, ce vœux, que je fais, sur les traces de Cabral, à tous : « apprenons dans la pratique de la vie, apprenons dans la théorie, apprenons avec l’expérience de nos peuples. Mais n’arrêtons jamais d’apprendre ». Cela est, avertit Cabral, très important pour garantir des instruments suffisants pour contribuer de manière efficace à la difficile tâche pour laquelle les universités nous prépare : la tâche de contribuer au triomphe de la vie sur la mort de nos pays respectifs. 

En sortant des universités, chacun aura certainement conquis un chemin dans sa vie et aura la certitude que « en ne déviant pas de ce chemin, tu peux aller là ou ta capacité te mène. Personne ne pourra plus limiter tes pas ». Celui ou celle qui est entré à l’université a déjà conquis, de facto, ses droits d’homme et de femme avec dignité. Tout ne dépend plus que de sa volonté d’avancer ou de rester en retrait. En sortant de l’université, « chaque homme ou femme aura son destin dans la paume de la main » (Cabral). Il pourra le lever bien haut et se montrer un fils/une fille valeureux/se dans nos pays et devant nos peuples, dans les PALOP, pour mieux servir nos pays et nos peuples. « Mais il pourra également prendre son destin et lui donner un coup de pied, comme n’importe quel enfant qui joue au ballon ». Chacun aura un chemin ouvert pour avancer, d’un côté ou de l’autre, selon sa conscience, selon son travail. « Il pourra choisir d’être une canaille ou, il pourra être un homme ou une femme de valeur » (Idem). Mais n’oublions pas que tout comme dans le passé, notre lutte pour le triomphe de la vie sur la mort dans les PALOP et en Afrique, en général, doit être le fruit de notre travail conjoint : apprenons, pour cela, à travailler en équipe, de forme interdisciplinaire et interculturelle. La culture, de fait, est une force, « une force séminale » qui survit aux évènements de l’histoire, pour la simple raison qu’elle ne naît jamais sur le même terrain que les puissances qui la menacent. Cela étant dit, faisons d’un trésor le proverbe qui dit que « on ne mesure pas la profondeur d’une rivière avec nos propres pieds ». La rivière que nous sommes en train de traverser avec notre entrée à l’université est très profonde ; il ne s’agit pas simplement de tenter de traverser la rivière de la dette économique des PALOP, qui n’est qu’un simple symptôme d’un mal plus profond qui atteint les pays et les peuples, notre continent africain dans sa globalité. Dans cette traversée, pour éviter la possibilité de perdre le chemin, soyons capables de garder nos pieds endogènes bien enfoncés dans notre Terre-Mère. Mais avant de nous engager dans cette aventure, soyons capables de traduire en pratique l’enseignement du proverbe qui nous met en garde sur un principe important : « traversez la rivière en masse et vous n’aurez pas à avoir peur du crocodile ». Les PALOP ont prouvé au monde c’est seulement par l’union (CONCP) qu’on gagne intégralement. 

Oui, le développement endogène auquel nous aspirons pour nos pays et nos peuples et qui constitue la principale raison de l’entrée et de la sortie des universités, sera unitaire ou simplement ne sera jamais. Apprenez, ainsi, à partir de votre temps en tant qu’étudiants universitaires, à travailler ensemble, dans le dialogue interdisciplinaire, interculturel et principalement, également, inter-périphérique (Lopes, 1997). 

Je me réjouis de penser que l’université que chacun et chacune choisit est simplement une bouteille qui doit être lancée à la mer. Elle n’est pas, assurément, l’océan de mer liquide, que j’imagine être si distant de vos universités ; mais en réalité, il s’agit de l’océan de temps qui a, à partir de maintenant, la nécessité et l’obligation d’assumer mais aussi de dépasser le jour de votre sortie de cette université, marquant une différence où que vous viviez et travailliez pour le triomphe de la vie dans les PALOP, sur le reste du continent africain et dans le monde entier de manière générale. Ainsi, comme l’enseigne le proverbe, « il est toujours nécessaire de creuser les puis d’aujourd’hui pour la soif de demain ». Quand, de fait, la tortue sort de son nid, elle sait très bien que son destin est l’océan et non pas la terre aride sur laquelle elle se trouve. Mais cette terre aride reste l’unique parcours qu’elle doit traverser si elle veut arriver à son destin qu’est l’océan. Que l’université de chacun et de chacune a choisi de fréquenter soit, donc, l’occasion de transit dans l’apprentissage du savoir vivre intégral en tant qu’hommes et femmes livres et responsables, fier(e)s de l’Afrique du XXIe siècle. 

Paulo Freire | Illustration: Juliana Barbosa

IV

Réflexions à propos du paradigme de l’éducation en tant qu’acteur et facteur de culture éducative intégrale

Un proverbe Igbo du Nigéria dit que « celui qui ne sait pas où la pluie a mouillé ne sait pas non plus quelle partie de son corps doit être séchée ». La tâche d’un humaniste, d’un philosophe de l’éducation et d’un pédagogue, est précisément de dire à son audience et au monde « où la pluie a mouillé » et, pour cela, quelle partie de son corps doit être séchée. C’est ce qu’à fait le grand pédagogue Paulo Freire et tant d’autres, comme réponse effective à la restitution de la dignité humaine des peuples opprimés du monde, de façon particulière en Amérique Latine, dans les PALOP, les convoquant à se lever et à reprendre leur espoir et à être capable de vivre pleinement comme chaque homme et chaque femme qu’on attend dans ce monde. 

Cependant, chaque génération, disait Frantz Fanon, doit, dans une relative opacité, être capable de découvrir sa mission, la réaliser ou la trahir. Nous pouvons ainsi nous demander quelle est notre mission, aujourd’hui, en tant qu’ « humanistes », en d’autres termes, des personnes doctas, de culture, professeurs et professeures, appelé à transmettre un savoir capable de « produire » des hommes et des femmes intègres et authentiques responsables des autres, plus démunis, plus nécessiteux, plus indigents dans notre monde marqué par le zèle de l’égoïsme et par l’indifférence civilisée ? Quelle est notre mission aujourd’hui, en tant que professeurs et professeures, cela signifie, en tant que médiateurs entre la vérité et les étudiants, au moment où individué « quelle partie de notre corps » et du corps de notre société et du monde en général, dans lequel nous vivons aujourd’hui, mais principalement quelle partie du corps de la jeunesse actuelle « la pluie a mouillé » et a besoin d’être séchée avec les « classiques » humanistes pour faire des PALOP et du continent africain, le continent du XXIe siècle en termes de développement intégral des peuples respectifs ? Sommes-nous capables aujourd’hui, cependant, de créer une pensée scientifique « les pieds sur terre » à propos de l’éducation, après Freire, nous sommes capables de répondre à ce même défi, en prenant en compte une grande variété culturelle de peuple qui vivent, que ce soit dans les PALOP ou sur le contient africain dans sa globalité et dans une perspective moins euro-centrée, comme l’est aujourd’hui la pensée qui est produite « à partir » des PALOP, en général ?

En paraphrasant Fanon, on peut affirmer que « si notre tâche d’éducateurs, de professeurs, de doctos, de personnes cultes, etc., est de transformer les PALOP ou l’Afrique, en une nouvelle Europe, il vaut donc mieux continuer d’attribuer à l’Europe, le destin de l’Éducation de notre jeunesse et de nos peuples. Puisque, mieux que nous, les européens sont plus préparés épistémologiquement et culturellement à construire le paradigme « Europe » pour nous, dans les PALOP. Mais si en pensant au processus éducatif en termes d’humanisme, nous voulons avec ça, faire avancer l’humanité et donc, comme le dit Fanon, nous avons besoin de « changer de peau », d’inventer une nouvelle pensée humaniste panafricaine « les pieds sur terre ». 

De fait, l’idée que la crise à laquelle les pays d’Afrique sont confrontés aujourd’hui depuis la période postindépendance et qui explique la raison du mimétisme absolu pratiqué au niveau politique, culturel, économique et éducationnel, est presque unanime est précisément à cause de la crise, ou plutôt, à cause de l’absence d’une pensée endogène qui, dans la continuité historique importante, qui soit, cependant, capable d’être une réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans la conjoncture géopolitique mondiale et internationale actuelle.  

Une réponse à cette question cruciale pour le thème de l’éducation doit contenir également l’exhortation de Cheikh Anta Diop, le père de la notion de Renaissance Africaine, lorsqu’il dit que même dans nos pays, nous continuerons à réfléchir et à analyser nos mondes (passé, présent et futur), nous maintenant prisonniers du paradigme euro-nord-occidental, nous ne connaîtrons jamais la vraie exaltation de notre liberté et de notre libération, tant désirée. Ceci parce que, même si nous tous, en tant qu’être humains, sommes dotés d’intelligence et sommes ainsi capables de produire de nouvelles idées à propos de notre humanité, il y a, cependant, toujours un élément qui nous différencie dans les idées que nous produisons à propos du monde et à propos de nous-mêmes : c’est le paradigme intellectuel (Lopes, 2016). Et par paradigme, Diop entend un cadre psychologique de réflexion composé par un ensemble de valeurs spirituelles, culturelles et philosophiques qui sont derrière un idéal philosophique résultant des mythes historiques que les individus appartenant à un peuple déterminé utilisaient pour tenter d’appréhender le propre monde. Cela signifie qu’il est toujours impossible d’analyser un problème ou d’appréhender le propre monde sans un cadre de référence intellectuelle, cela étant, le système référentiel d’idées qui s’utilisent pour tenter de lire et de comprendre une réalité déterminée ou un problème qui peut être la clé du développement et de l’éducation comme pratiquement de développement humaine ou de l’humanisme intégral ; l’éducation comme un acte et un facteur de culture. Le paradigme concerne, donc, l’ensemble des idées, des pratiques, des règles et des valeurs culturelles et méthodologiques qui sont utilisées comme des modèles ou un guide, consciemment ou inconsciemment, quand nous analysons un problème déterminé et ainsi, même quand nous parlons de nous-mêmes aux autres. Cet ensemble de règles résulte toujours en le fruit de l’influence culturelle et des valeurs d’une société déterminée et qui concerne notre éducation, formation, nos idées reçues, valeurs, intentions, désirs, aspirations, notre conscience, etc. 

Mais de quelle façon, en se basant sur quels critères et paradigmes, les PALOP, l’Afrique d’aujourd’hui parlent-ils d’éducation, de développement, d’humanisme ? Avec quels critères et paradigmes communiquons-nous aujourd’hui avec les autres dans cette conjoncture internationale et mondiale de l’ère de la mondialisation, principalement en matière d’éducation ? Quels paradigmes éducatifs utilisons-nous aujourd’hui dans l’éducation des enfants et des jeunes qui soient capables de leur permettre de se connaître mieux, de comprendre notre histoire et l’histoire de l’humanité dans sa globalité, d’interpréter notre réalité, notre condition et situation spécifique d’africains et de PALOP ? Quelles sont les idées qui orientent notre pensée quand nous parlons du système d’éducation de la jeunesse ? A quels jugements esthétiques et de valeurs sont soumis notre réflexion, notre être et agissement communicatif dans et hors du continent africain ? Pouvons-nous aujourd’hui débuter un discours à propos de l’éducation comme pratique de l’humanisme intégral, nous tournant, avant toute chose, vers un discours interne à l’Afrique et aux PALOP et être capables de nous mettre hors des grands clichés et des idées reçues qui circulent et véhiculées par les grandes agences internationales du monde euro-nord-occidental à propos de ce même article ? Pouvons-nous commencer un discours sur ce thème qui ne soit pas une simple réplique ou alors une réaction à une exigence externe des agences internationales spécialisées, des médias ou des États euro-nord-occidentaux ? Sommes-nous capables de formuler un jugement de valeur historique, moral, éthique, politique, économique, culturel et géopolitique à propos du thème de l’éducation, de l’humanisme et du développement et sur le monde en général, qui ne soit pas une simple réplique mimétique du deuxième ou troisième ordre d’appel de la communauté international dans l’article ? Enfin, comme pouvons-nous, aujourd’hui, sortir de la cette prison dans laquelle sont enfermés les pays africains, qui consiste à penser de façon pérenne ce que nous ne vivons pas effectivement et vivre ce que nous ne pensons pas et qui nous transforme en des consommateurs pérennes de ce que nous ne produisons pas et producteurs de ce que nous ne consommons pas, parce que les consommateurs pérennes de paradigmes éducatifs que nous ne produisons pas et producteurs de paradigmes éducationnels et du savoir que nous ne consommons pas, avec toutes les litanies de mort que cela continue à produire dans ce monde ? Qui nous oblige aujourd’hui à rester dans ces paradigmes ? Comment sortir de ce cercle vicieux et être capables de proposer un autre paradigme éducationnel qui prenne en considération la réalité culturelle dans laquelle nous vivons, en tant que sujets actifs de la propre histoire et historicité mais aussi de l’historicité humaine globale ? Enfin, quel paradigme d’éducation, en tant qu’acte et facteur de culture éducative intégrable pour nos temps ? 

Quelles que soient les réponses que nous voulons donner à ces questions, l’important est de se souvenir qu’en matière d’éducation et de production du savoir, nous ne pouvons pas renoncer, comme nous prévient Amilcar Cabral, à la difficile tâche de penser toujours avec « notre propre tête et avec les pieds bien ancrés dans le sol », à partir de notre contexte historique, culturel, à partir de notre réalité et des conditions d’africains et de PALOP enracinés dans un monde global plus vaste qui, cependant, attend de nous seulement ce que nous pouvons apporter comme réponse aux milliers de problèmes auxquels est confrontée la réalité actuelle. La mondialisation, au fond, est une réponse et une solution aux problèmes locaux avec un possible impact mondial. Quel est donc cette contribution spécifique que nous voulons emmener aujourd’hui « au rendez-vous du donner et du recevoir » (Senghor) mondial, en matière d’éducation comme pratique de l’humanisme et du développement intégral des peuples et de l’attentions aux rejetés du système-monde qui puisse servir d’exemple pour le reste du monde ?


 

Filomeno Lopes | Guinée-Bissau |

Originaire de Guinée-Bissau, il est journaliste de la Radio Vatican, Docteur en Philosophie et Sciences de la Communication Sociale, titulaire d’une licence en Théologie Fondamentale par l’Université Pontificale Grégorienne de Rome. Parmi ses œuvres les plus récentes : E Se a África desaparecesse do Mapa Mundo?, Uma reflexão filosófica (2009) [Et si l’Afrique disparaissait du monde? Une réflexion philosophique]; Da mediocridade à excelência. Reflexões filosóficas de um imigrante africano (2015) [De la méritocratie à l’excellence. Réflexions philosophique d’un migrant africain]; Melodramática: os Palop, entre a filosofia e a crise de consciência histórica (2019) [Mélodrame: les Palop, entre la philosophie et la crise de la conscience historique].

filomenolopes@tiscali.it

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