Les sujets des peaux... Des nôtres ou des vôtres ?
Patricia Santos e Luis Aser
| Brésil |
mai 2018
traduit par João Daniel Martins Alves
Livre: Lázaro Ramos, Na Minha Pele (Dans Ma Peau). Rio de Janeiro: Objetiva, 2017, 147p.
C’est un livre qui ne traite pas que d’un sujet en temps que tel, mais d’un auteur qui se présente dans le livre. Un auteur-comédien-réalisateur et noir ! Parce que, même si cette condition de la couleur de peau ne soit pas citée (beaucoup de gens diraient qu’on en a pas besoin, que ça renforce les stéréotypes et les préjugés), on n’arrivera pas à continuer de réfléchir sur cet écrit sans comprendre son lieu de production et sa condition de parole.
Lázaro est l’un de ces comédiens noirs célèbres d’une certaine génération contemporaine, qui, de manière simple, brillante, qui au bon moment , a su faire de son intelligence et de son talent le point culminant pour aussi penser sa condition d’homme dans le pays. Il a fondé une magnifique famille auprès de Thaís Araújo, ils étaient considérés comme le couple noir du moment. C’est au tour de l'émancipation afro d’être mise en évidence. Mais, nous ne sommes pas là pour faire des commérages, retournons au sujet de ce qui a été proposé pour cet écrit.
Na Minha Pele (Dans Ma Peau) n’est pas un livre divisé en chapitres, mais en contes qui déclenchent des histoires, des mémoires, des expériences entremêlées de manière à ce que la curiosité et les questionnements, aussi, dialoguent avec ce que l’auteur présente dans son émission télévisée, on se réfère à l’Espelho, sur Canal Brasil (Miroir, sur Chaine Brasil)
Ce livre avec des contes/essais commence un voyage motivé par des angoisses et des doutes d’un monde qui commence à se présenter sévèrement inégal, aussi bien dans sa vie personnelle comme dans sa vie artistique, l’auteur commence à repenser son rôle sur les scènes et dans sa vie quotidienne en tant qu’homme brésilien et noir. Le texte permet à l’auteur de parler de la place d’un homme-brésilien-travailleur légitime qui vit dans le quotidien des grandes capitales. Il se souvient de son enfance lieu d’origine: une toute petite île nommée « Ilha de Todos os Santos”, un peu éloignée de Salvador (BA).
Dans ce lieu d’origine, Lázaro raconte comment s’est passé son enfance loin des grandes violences des villes urbaines et que des thèmes comme le racisme, le genre et l’ancestralité étaient encore des sujets sur lesquels personne ne discutait aux messes et aux points de rendez-vous des habitants. Peu après, à l’adolescence, il commence à faire le grand saut, motivé par l’emploi de ses parents qui travaillent tant dans l’Île, qu’à Salvador. C’est lors de ces voyages à la grande ville, que le jeune Lázaro ressent en effet, l’opportunité de sortir de son lieu d’origine et de s’aventurer à la recherche de travail et de rêves dans la capitale de Salvador.
Entre frustrations et conquêtes, il intègre un groupe de théâtre nommé « O Bando Teatral de Olodum ». Ce garçon qui avait grandi dans une île, entouré de totems et d’héritages fermés au monde, commence à disparaître. L’éloignement des parents et de l’Île commence à donner une nouvelle apparence à l’adolescent plein d'énergie, qui veut surpasser les limites qui vont au-delà du travail manuel, de l’argent et d’une vie tranquille dans une île au Nord-Est du Brésil.
Souriant et sociable, il commence à travailler dans des postes artistiques de moindre valeur, gagnant seulement assez pour payer ses factures (loyer, alimentation, vêtements). Cependant, il se démarque du reste du groupe, tout en suivant les traces des personnes et des artistes qu’il admirait. Des hommes et des femmes qui, à cette époque-là, faisaient des pièces de théâtre avec des thèmes variés, et en donnant toujours une opportunité à ceux qui commençaient au sein du groupe théâtral « O Bando de Olodum ».
Mais les grandes angoisses et doutes commencent à surgir à la fin des années 90. Les paroles des musiques des groupes Afros de Salvador, qui parlaient de Racisme, de discrimination raciale et religieuse commencent à se différencier. Dans l’île, les mêmes musiques et paroles ne provoquaient pas tant d’impact dû au manque de discussion et dialogue à propos de ce qui était chanté. Mais, dans la capitale, c’était différent. Les couleurs et les résonnements des tambours avec les paroles l’on fait sortir de son corps, de son esprit et de son ancestralité.
Plus tard, avec la naissance des enfants, l’écrivain rencontre des questions et des doutes qui feront partie du développement des enfants comme citoyens d’un pays raciste. Il plonge dans l’univers afro pour soutenir une nouvelle éducation pour ses enfants. Dans cette nouvelle phase, comme Père, le ton du livre commence à changer. A la maison, des livres d’enfants avec des sujets Afros et des poupées noires deviennent des objets communs dans la vie de la famille. Comme Lázaro remarque que les blagues et les poésies commencent à quitter la scène pour laisser place à une écriture plutôt sérieuse, avec des questionnements et des affirmations qui vont au-delà de sa condition de comédien, de père de famille et d’homme noir.
Dans la carrière artistique, les scénarios et les phrases pour des filmes et émissions audiovisuelles commencent à être questionnés par Lázaro Ramos dans le but de mettre fin au stéréotype négatif de rôles joués par des acteurs noirs depuis des décennies. Et il réussit, dans un film où il devrait porter une arme à feu, il convainc le metteur en scène du film de changer la scène, ayant comme base de dialogue les stéréotypes que les Noirs en portent tous les jours (bandit, trafiquant, vagabond et autres formes péjoratives).
Encore dans son récit esthétique, l’auteur cite son émission de télévision et ses invités, qui ont fait des discours concernant le Racisme. Il met encore en lumière le discours de Milton Santos1Géographe et intellectuel brésilien de grand prestige, Milton Santos dans une interview, que Lázaro Ramos a vu dans laquelle le premier cité fait allusion à d’autres auteurs. dont on remarque entre d’autres phrases «Le brésilien n’a pas honte d’être raciste, mais de dire qu’il l’est, oui. »
Dans la dernière partie du livre, Lázaro, sur un ton encore plus emphatique qu’au début du livre, questionne son Corps/son Espace/son Appartenance et celui du peuple Noir. Comment dominer son corps noir dans un espace qui jusqu’alors n’était pas occupé par des corps noirs, et pourquoi ils ne se sentent pas représentés dans ces espaces. Il cite le comportement de certains blancs dans le monde artistique et les discours racistes naturalisés au fil du temps. Il suit tout en provocant un débat sincère et ouvert sur des réflexions pour de nouveaux chemins en rapport à l’accès et à l’auto-estime du peuple noir.
Il avoue et assume son comportement blanchi au moment où il a été exposé à la méchanceté et à la cruauté du racisme, en répondant par des sourires et des blagues, et comment cette attitude est maléfique et lâche pour la renaissance de l'émancipation du peuple noir. Il termine le livre en affirmant que “(…) l’auto-perception d'ethnie blanche n’existe pas », donc la question de l’auto-estime du blanc n’est ni affectée ni questionnée, car ils ont toujours eu une place de privilégié dans la société.
Ainsi, le livre instigue la lecture de manière à reconnaître des sujets comme le genre, le racisme, la sexualité, la famille, traversés à partir des expériences d’un homme noir, et ce n’est pas n’importe qui : Gloire à Lázaro Ramos ! Voilà une touche de biographie avec des questions raciales renforcées tant par sa trajectoire que par des possibilités d’être re-élaborées dans les expériences quotidiennes du peuple noir.