Démocracie et cabanagem
Aiala Colares
Wellington Frazão
| Brésil |
décembre 2018
Les quartiers périphéries de Belém, Brésil, fonctionnent comme des spécialités urbaines qui fonctionnent de forme dynamique dans la construction d’identités territoriales, associées à diverses formes de reproduction sociale et culturelle, qui émergent comme des logiques de vie quotidienne et des stratégies de survie de la population.
L’expansion périphérique de Belém a eu lieu durant un processus de déterritorialisation durant lequel une partie de la population a été « expulsée » des zones centrales du centre de la ville et a du se déplacer vers des zones plus périphériques. Les espaces périphériques de la métropoles ou les zones de la banlieue sont également devenus des lieux importants pour les formes de reproduction sociale et de lutte pour le droit à la ville au milieu d’un intense processus « d’exclusion sociale » ou « d’exclusion socio-spatiale ».
Ainsi, il est possible de se référer à la problématique de l’habitat au Brésil, principalement dans les métropoles où ce problème se retrouve au centre des questions urbaines. À cause de l’exclusion d’une grande partie de la population, en partie à cause du marché immobilier formel, la « solution » à ce déficit de logement a été trouvée dans les formes d’alternatives d’habitation, dans lesquelles les politiques urbaines l’emportent, comme une logique perverse de production de l’espace producteur de la majorité des problèmes sociaux. En Amazonie, l’expansion urbaine de Belém a été caractérisée par l’incohérence permanente et croissante entre la lente croissance urbaine et l’expansion rapide de ses marges.
Entre les années 1980 et le début des années 90, Belém s’est fait connaître comme étant la « capitale des invasions », à cause de la multiplication de nombreux mouvements d’occupation des terres d’habitation autour de l’autoroute Augusto Montenegro, qui emglobe la Zone Sud et la Zone Nord de la ville, en direction du District d’Icoarací. De la même manière, plusieurs mouvements de lutte pour le droit au logement ont eu lieu le long de l’autortoure BR-101, en touchant également la ville de Ananindeua, à l’extrême nord de la région métropolitaine de Belém.
À Belém, les occupations populaires dans la zone périphérique du centre sont partie intégrante du paysage urbain de la ville. Elles mettent en évidence un espace marqué par les conflits sur l’utilisation du sol. C’est dans ce contexte que le quartier de Cabanagem est né. Le nom du quartier est un hommage au mouvement populaire de la Cabanagem (de 1835 à 1840), instauré dans la province du Grão-Pará (actuel état du Pará), nommé ainsi en référence à ses nombreux habitants vivants dans des cabanes tout le long des rivières de la région.
La quartier de Cabanagem est né au milieu de l’année 1988 dû a une grande croissance qui a atteint, d’après le recensement de l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) de 2010, le nombre de 27 781 habitants. Le quartier était initialement appelé Santa Maria puisque l’occupation a eu lieu sur la propriété d’une ancienne ferme qui portait ce même nom. L’occupation définitive de la zone s’est faite après l’intervention du gouverneur de l’époque, Hélio da Mota Gueiros (1987-1991), qui durant son gouvernement, a désapproprié le terrain d’une entreprise qui utilisait ce dernier pour en retirer le sable et y entreposer des résidus d’asphalte.
Le quartier de Cabanagem est considéré comme un quartier populaire périphérique de la zone d’expansion de Belém. L’existence de l’activisme social y est essentielle : il y a des collectifs de quartiers, des centres communautaires, des organisations de la société civile, des chaînes de radio communautaires, des associations et d’autres types d’organisations qui contribuent aux mouvements de résistance de la périphérie qui lutte pour le droit à la ville.
Le collectif « Periferia em Foco » [Périphérie au centre] est un exemple de lutte démocratique dans le quartier de Cabanagem. Il s’agit d’un projet de média alternatif qui se distingue des autres en étant une forme stratégique de mettre en évidence les périphéries de Belém et de sa région métropolitaine dans l’état du Pará. Cabanagem n’est pas seulement montrée comme étant marginalisée ou remplie de stéréotypes négatifs, mais comme un projet qui cherche à présenter le bon côté de la périphérie : son peuple et ses histoires, ses luttes et ses droits.
Le projet « Periferia em Foco » encourage la diffusion du pouvoir des quartiers populaires sur les réseaux sociaux, principalement sur sa page sur le réseau social Facebook. Des web séries, des interviews, des discutions, des débats et des conférences y sont partagés. Le projet devient la voix de la périphérie sur les réseaux sociaux. Son objectif principal est de construire un collectif qui permette l’auto-valorisation de la population périphérique et que celle-ci participe à la démystification de la « culture de la violence » présente dans ces espaces. Le projet est une construction collective qui cherche à diffuser la pensée critique et discursive par rapport à la vision du propre habitant et du lieu auquel il appartient dans la ville, se concentrant sur les bons cotés de la périphérie : les puissances individuelles et créatives. Le travail se concentre sur les narrations de ceux qui vivent dans ces périphéries : vendeur·euse·s ambulant·e·s, chauffeur·euse·s de bus, professeur·e·s, élèves et étudiant·e·s, policier·ère·s se trouvant du bon coté, fonctionnaires de santé, femmes au foyer, maçon·nne·s, les mères et les pères qui rêvent et qui luttent pour voir leurs enfants loin du mal et, principalement, la jeunesse qui transforme la périphérie.
Le projet « Periferia em Foco » est né de la préoccupation d’un jeune universitaire habitant du quartier de Cabanagem, à Belém, capitale de l’état du Pará, insatisfait de la stigmatisation, du fait que les habitants de la Périphérie n’aient ni droit à la parole, ni d’opportunité, et que « tout habitant de la périphérie est un délinquant ou le sera prochainement ». En août 2016, il a réuni trois amis, qui tout comme lui, étaient incomodés par cette image négative attribuée aux habitants de ces zones. Les quatre membres, habitants du quartier de Cabanagem, ont commencé à parler du bon coté de la périphérie sur les réseaux sociaux et c’est à partir de là qu’est née PERIFERIA EM FOCO.
Le coordinateur du projet, Wellington Frazão, habité le quartier dès sa création, il y a trente ans. Wellington a étudié la musique dans une ONG du quartier de Cristo Redentor, une organisation qui entretient un partenariat avec la Fondation Carlos Gomes. À partir de là, beaucoup de jeunes sont orientés à continuer leur apprentissage musical, après deux années d’études en musicalité. Pour Wellington : « Nous, habitants de la périphérie, nous voulons le respect. Nous voulons des droits, nous voulons vivre et plus que tout, avoir une qualité de vie parce que nous faisons partie de la société. Nous, habitants des périphéries, n’avons pas besoin de « mini-séries » et/ou d’émissions de polices sensationnalistes. Nous voulons êtres vus et observés pour nos bons cotés, qui excèdent de beaucoup les mauvais. Nous ne sommes pas hypocrites et nous ne disons pas qu’ils n’y a pas de crime, que la pauvreté n’existe pas, qu’il n’y a rien de mal. Montrons au Brésil et au monde les bonnes pratiques des périphéries de Belém, en mettant en avant la valorisation et en démystifiant la vision marginale que nous montre les grands médias, celle de la périphérie vue à partie du regard de la pauvreté et de la souffrance. Montrons l’autre coté de cette histoire, celui des périphéries habitées par la force créative où bât le cœur de la ville, puisque la périphérie, c’est la ville. »
Periferia em foco tient, depuis sa création il y a deux ans, un rôle important dans la périphérie de Belém, en rendant visible les projets créés par les communautés situées sur les bords de Belém. En plus du travail journalistique sur les réseaux sociaux, Periferia em foco fait partie de l’Agence de Narrative des périphéries de l’Institut Maria et João Aleixo, un réseau tourné vers la production journalistique et la publicité affirmative.
Aiala Colares de Oliveira Couto | BRÉSIL |
Professeur et Coordinateur du cursus de Post- Graduation Lato Sensu en Enseignement de la Géographie en Amazonie, de l’Université de l’État du Pará. Il est Chercheur et Coordinateur du Noyau d’Études Afro-brésiliennes (NEAB), relié à l’Association Brésilienne de Chercheurs Noirs (ABPN).
Wellington Frazão | Belém, Brésil |
Foundateur du Periferia em Foco