La première femme
Jennifer Nansubuga Makumbi
| Ouganda |
juin 2023
traduit par Celine Schwaller
extrait de La première femme,
(Editions Metaillie, 2016)
*
Nsuuta secoua la tête à la manière des adultes cédant à un enfant manipulateur.
« Comment commencer l'histoire de notre état originel ?
— Par le début. »
Nsuuta prit la main de Kirabo et entrelaça ses doigts aux siens.
« Au début...
— Famille, tu étais nos yeux. » Pour Kirabo, les règles du conte devaient être respectées.
« …les humains étaient de simples habitants de la terre. Nous ne la possédions pas, nous ne la gouvernions pas ; nous la partagions équitablement avec les plantes, les insectes, les oiseaux et les animaux. Mais un jour, nos anciens ont compris qu'ils pouvaient être plus que ça, qu'ils pouvaient posséder la terre et régner sur elle. Tu sais ce qu'ils ont fait ?
— Non.
— Ils ont inventé des histoires.
— Des histoires ? » Kirabo avait pensé à la guerre.
« Oui, des histoires qui justifiaient notre domination. D'abord, ils ont inventé Kintu et en ont fait le premier humain sur terre. Et que signifie être le premier ?
— Qu’on est le vainqueur et le chef. Oh, et le propriétaire.
— Exactement. Le premier fils est l'héritier. Le premier né a du pouvoir. Même la première épouse détient un certain pouvoir. Ici, au Buganda, nous avons créé Kintu, qui a épousé Nnambi, et ils ont fait venir sur terre toutes les plantes et les créatures du ciel. Les Européens ont créé Adam et Ève, puis ils ont prétendu que leur dieu, apparemment, avait tout créé et leur avait ensuite donné la terre pour qu'ils la nomment et la gouvernent. Il existe des histoires similaires dans le monde entier qui justifient la domination humaine. À travers ces histoires, les humains se sont donné tellement de pouvoir qu'ils pourraient détruire le monde s'ils le souhaitaient.
« Détruire la terre, comment ça ?
— Quand j'étais jeune, il y avait des fruits, des légumes, des ignames et d'autres plantes sauvages partout. Mais ils n'existent plus parce que les gens ont défriché des kilomètres et des kilomètres de terre pour faire place à des shambas de cultures commerciales apportées par les Européens. Des milliers et des milliers d'espèces végétales remplacées par seulement deux : le café et le coton. Bientôt, les petits animaux et les insectes qui vivent dans la terre disparaîtront aussi.
— Kdto », s’indigna Kirabo. Présentés comme ça, les humains étaient méprisables.
« À cause de ces histoires, les humains se sont emparés de territoires — cette colline est à moi... cette plaine est à nous. Les créatures qui ne pouvaient pas se défendre ont été apprivoisées et enfermées ; celles qui résistaient ont été traquées. » Nsuuta soupira, annonçant la catastrophe. « Mais un jour, les anciens ont dit : ‘Femmes, arrêtez. Vous ne pouvez pas vous joindre à nous.’
— Pourquoi ? »
Nsuuta se leva.
« Pourquoi, c'est par là que nous commencerons la prochaine fois.
— Vous ne pouvez pas vous arrêter là, Nsuuta ; ça va me tuer. C'est comme si vous donniez de l'eau à une personne assoiffée et que vous la lui enleviez alors qu'elle n'en a bu qu'une petite gorgée.
— Rentre chez toi ; je suis épuisée.
— Je reviens demain ?
— Demain, c'est trop tôt. J'ai besoin de me reposer.
— Quand, alors ?
— Dans trois ou quatre jours. Maintenant va—t'en ou j'oublierai le reste de l'histoire. »
7
Après mangé, Nsuuta débarrassa les feuilles de bananier pendant que Kirabo lavait les assiettes derrière la cuisine. Puis Kirabo s’assit et attendit.
« Où nous sommes—nous arrêtées hier ? demanda Nsuuta.
— Au moment où il a été interdit aux femmes de s'emparer des terres et des animaux.
— Ah oui, c'était parce que les anciens avaient raconté une autre histoire : que les femmes ne venaient pas de la terre.
— Les femmes ne venaient pas de la terre, comment ça ?
— Les anciens voyaient l'univers comme divisé en quatre royaumes. Apporte—moi le crayon posé sur la bibliothèque — Nsuuta désigna l'étagère située au—dessus de la tête de Kirabo – et le cahier bleu. Je vais te montrer. »
Elle ouvrit le cahier à une nouvelle page, le posa sur le sol et dessina une boussole en forme de croix.
« Le premier royaume était le ciel. » Elle écrivit PARADIS à l’endroit où aurait été le nord. « Puis le monde souterrain. » Elle le plaça sur la pointe sud. « Puis la mer. » Elle positionna celle—ci sur la pointe ouest. « Et enfin, la terre. » Elle la plaça sur la pointe est. « Ça, c'est l'ancienne boussole. »
Kirabo la regarda. Elle lui paraissait plus logique que la boussole épinglée sur le mur de sa classe. Elle fut tentée de dire Vous n’êtes pas vraiment aveugle, Nsuuta, mais elle se ravisa.
« Le ciel était le monde des dieux, oui ?
— Oui.
— Le monde souterrain est l'endroit où les morts commencent une nouvelle vie, oui ?
— Oui.
— Si la terre appartenait à l'homme, que reste—t—il ?
— La mer.
— Ah haa. La mer, disaient les anciens, était le royaume de la femme.
— Quoooi ? La place des femmes était dans l'eau ?
— Et si c'était le cas, elles ne pouvaient pas partager les richesses de la terre, n'est—ce pas ? ‘Si vous voulez posséder quelque chose, disaient—ils aux anciennes, ‘retournez à votre mer et prenez tout ce que vous voulez’.
— Yii yii, même quand ils voyaient que les petites filles naissaient de la même manière que les garçons ?
— Ils prétendaient que la toute première femme était sortie de la mer alors que le premier homme avait émergé de la terre.
— Mais ce n'est pas vrai. Nnambi était la fille de Gulu. Elle est venue du ciel.
— Gulu était son père, mais qui était sa mère ?
— Elle n'avait pas de mère, seulement un père et des frères.
— Tu vois ? Ils avaient trouvé une faille dans leur première histoire de Kintu ne Nnambi, alors ils l'ont comblée. Nnambi avait bel et bien une mère. Une femme qui, apparemment, était sortie de la mer. Elle s’appelait Nnamazzi. En fait, ils disaient que Nnamazzi avait apporté toutes les masses d'eau qui se trouvent sur terre.
— Je n'ai jamais entendu parler d'elle.
— Parce que cette histoire a été enterrée. » Voyant que Kirabo ne répondait pas, Nsuuta poursuivit. « Apparemment, Nnamazzi était si magnifique que lorsque Gulu l'a vue, il a été fasciné. Elle lui a donné beaucoup de fils, dont Walumbe, le porteur de mort, et Kayikuuzi, le fouisseur, mais une seule fille, Nnambi. Puis un jour, après des années et des années de vie commune, Nnamazzi, sans provocation, sans explication, s’est levée et est repartie vers la mer. Elle n'est jamais revenue. Gulu a eu le cœur tellement brisé qu'il ne s'est jamais remarié. Il a élevé ses enfants tout seul. Donc, si la première femme était venue de la mer et y était retournée, c’était la place des femmes.
— J'aime bien Nnamazzi. J'aime bien l’idée de descendre d'elle.
— Concentre—toi, Kirabo ; c'est une histoire. Une histoire qui a aggravé notre situation. Ils l'ont utilisée pour relier notre état originel à la mer. Tu ne t’en rends pas compte, mais les anciens avaient une telle peur irrationnelle de la nature des femmes qu'ils étaient prêts à tout pour les garder sous contrôle. Ils apportaient du crédit à cette histoire en montrant la mer. Apparemment, les femmes et la mer étaient déroutantes, changeantes : aujourd'hui elles sont comme ci, demain elles sont comme ça.
— Comment ça, la mer était changeante ?
— L'eau n'a pas de forme, elle peut être comme ceci, elle peut être comme cela, selon l'endroit où elle coule. La mer est inconstante, elle ne peut être apprivoisée, elle ne se prête pas aux cultures des hommes, on ne peut pas la posséder ; on ne peut pas tracer de frontières sur l'océan. Pour les anciens, la place des femmes était dans la mer comme dans le mariage. »
Kirabo grinça des dents parce que les anciens, surtout les hommes ganda, étaient vraiment trop bêtes pour mériter de vivre.
« Et pour eux, la terre était le domaine des hommes ?
— La terre était apprivoisée. Elle faisait ce qu'on lui disait. Ils la labouraient, y jetaient des graines, et quelques mois plus tard, ils récoltaient. Ils la divisaient et la possédaient.
— Comme dans le mariage ?
— Exactement.
— Et c'est comme ça qu'on a empêché les femmes de posséder des terres ?
— Les histoires ont un pouvoir tel que tu ne peux l'imaginer. Celle—là a transformé les femmes en migrantes sur la terre. Depuis lors, les femmes n'ont plus de racines, on les déplace non seulement d'un endroit à un autre, mais aussi d'un clan, d'une tribu, d'une nation et même d'une race à une autre. Ici, au Buganda, les esclaves vendus aux Arabes étaient pour la plupart des filles et des femmes. Elles étaient considérées comme n’ayant pas de racines. »
La poitrine de Kirabo se soulevait et retombait, se soulevait et retombait. Elle imaginait des femmes jetées à la mer – en train de nager, de se noyer, de se battre contre des requins, de construire des maisons sous la mer, de se faire avaler par des baleines ; puis des femmes vendues aux Arabes, brutalisées en Buwarab, et ses propres griefs lui parurent bien ternes en comparaison. Elle s’exclama :
« Mais ils ne voyaient donc pas que les femmes n'avaient ni branchies ni nageoires ?
— Ne m’oblige pas à dire l’évidence, Kirabo. » Nsuuta s'impatientait. « De plus, le monde est aveugle. La vie est trop riche pour que l'œil puisse voir tout ce que nous regardons. Tu crois voir, mais pour l'instant tu es aveugle. »
Kirabo regarda les yeux de Nsuuta.
« Oui, Kirabo, répondit Nsuuta à la question qu'elle se posait. Je n'ai commencé à voir ce que j'avais regardé toute ma vie qu'après avoir perdu la vue. »
Kirabo ferma les yeux comme si cela devait empêcher Nsuuta d'écouter ses pensées.
« Quand nos anciens regardaient les femmes, poursuivit Nsuuta, ils voyaient autre chose.
— Qu'est—ce qu'ils voyaient ?
— L'eau dans les femmes. Les femmes dans l'eau. Réfléchis, Kirabo : combien de nos histoires associent les femmes à l'eau ?
— Hmm... » fit Kirabo en actionnant sa mémoire. Elle avait été paralysée par l'idée que les femmes aient appris à vivre dans l'eau. Une idée lui vint et elle claqua des doigts. « Comme la rivière Mayanja ? C’est une femme qui lui a donné naissance. Oh, et ces deux rivières jumelles, comment s'appellent—elles ?
— Ssezibwa et Bwanda ?
— Oui. Une femme enceinte voyageait quand les douleurs de l'accouchement ont commencé. Elle s'est accroupie au bord de la route mais au lieu d'un enfant, c'est de l'eau qui est sortie. Elle s'est divisée en deux. Une moitié a coulé vers l'est, l'autre vers l'ouest, et deux rivières se sont formées. Oh — la mémoire de Kirabo s'était réveillée – la plupart des masses d'eau, les puits, les thermes, les ruisseaux, appartiennent à des esprits féminins. La déesse Nnalubaale possède le Lac Victoria. La déesse Nnankya possède le ruisseau qui traverse les terres de Grand—père. Notre puits appartient à la déesse Nnambaale.
— Parce que, comme le prétendaient les anciens, Nnamazzi a apporté toute l'eau qu’il y a sur terre.
— Ahhh, s’émerveilla Kirabo.
— Ainsi, la famille de ton grand—père possède la plupart des terres de Nattetta, mais revendique—t—elle le ruisseau Nnankya, ou Nnambaale, le puits où nous puisons l'eau ?
— Non.
— Parce qu’elle ne peut les maîtriser.
— Oh, je viens de me souvenir d’un truc énorme. » Kirabo était à genoux. « C'est énorme, Nsuuta, énorme. » Elle leva les mains au—dessus de sa tête pour montrer à quel point. « Je parie que les anciens utilisaient cette histoire pour justifier l’idée que la place des femmes était dans l’eau.
— Dis—moi.
— Les mijinni.
— Les mijinni ?
— Vous ne connaissez pas les mijinni, Nsuuta ? »
Nsuuta secoua la tête.
« Tsk, les mijinni sont des esprits féminins qui vivent dans les rivières, les puits, les lacs ou les mers. Le jour, ils restent dans l'eau. Mais la nuit, ils sortent en rampant. Et quand ils sortent, ils se transforment en vraies femmes pour tenter les hommes. Il y en a beaucoup à Jinja, ils sortent du Nil. Ces femmes sont belles, je veux dire, belles à mourir. Quand les hommes les voient, ils ne peuvent s'empêcher de tomber amoureux car elles paraissent calmes, douces et reposantes. Un homme dit : ‘Yii maama, ta beauté va me tuer sur—le—champ si je ne peux pas être avec toi.’ Mais une fois qu'il l’a ramenée chez lui, ba ppa, qu’est—ce qui se passe ?
— Dis—moi.
— Elle se transforme en une créature terrifiante et le torture.
— Vraiment ? » Le visage de Nsuuta rayonnait.
— Une fois, un homme a ramené une mujinni chez lui comme ça. Elle n'arrêtait pas de dire : ‘Mon ami, c'est peut—être trop précipité ; on devrait peut—être apprendre à se connaître d'abord’, mais est—ce que l'homme l'a écoutée ?
— Non.
— Ce soir—là, quand l'homme a voulu se lever pour éteindre la lumière, elle a dit : ‘Je vais le faire’, son bras s’est allongé jusqu’à l’autre bout de la pièce et elle a éteint la flamme. Et après, dans l'obscurité, elle a commencé à torturer l'homme, sans arrêt, pendant toute la nuit. Elle avait des bras comme une pieuvre. Elle en avait partout. Au matin, l'homme s'est réveillé sur un rocher au milieu du lac Victoria, meurtri et brisé. »
Nsuuta eut un hoquet de joie.
« N’allez jamais à Mombasa, je vous préviens : ça grouille de mijinni.
— Ah bon ?
— Mais on peut distinguer une mujinni d'une vraie femme.
— Comment ?
— Une mujinni a les mains et les pieds glacés.
— Merci pour l'avertissement. Attends ici. » Nsuuta se leva et prit un livre sur l'étagère du haut. Il était rempli de coupures de papier entre les pages. Elle prit les bouts de papiers et les donna à Kirabo. Certains représentaient des images de sirènes, d'autres de navires anciens avec un buste de femme comme figure de proue. Les figures de proue avaient les seins exposés à la mer.
« Eh. » Kirabo comprit quelque chose. « Mais ces Blancs : leurs anciens pensaient donc que la mer aimait les seins des femmes ?
— Les anciens marins pensaient qu'ils n’avaient pas l’autorisation d’entrer dans l'eau parce que ce n'était pas leur domaine. Alors ils utilisaient des images de femmes pour apaiser la mer.
— Mais qu’est—ce que c’est que ces bêtises ?
— Au début, ils attachaient de vraies femmes à la proue.
— Vous mentez, Nsuuta », s'exclama Kirabo, et elle remercia les dieux de ne pas être blanche, de ne pas être née en ces temps sombres. Elle tomba sur une autre image et s’exclama : « Ayayayaya !
— Quoi ?
— Celle—ci, c’est du sérieux, Nsuuta.
— Qu'est—ce qui est écrit sur l'image ?
— Euh… Les Sirènes et Uliesis ? Je n'arrive pas à dire le mot... de William E—t—t—y.
— Qu'est—ce qu'il y a sur l’image ?
— Trois femmes nues... Est—ce que ce sont des humains morts derrière elles ? Nsuuta, il y a des os et des crânes partout : je pense que les femmes les ont tués et mangés.
— Tué quoi ?
— Des hommes. Là, une tempête amène un autre bateau rempli d'hommes. Les femmes chantent et dansent, se glorifiant de la terreur des marins. » Elle pouffa. « Oh, mon père, c'est fou. Sur le bateau, les marins luttent contre la tempête pour s’éloigner des femmes. Mais il y a un grand idiot qui veut leur toucher les seins. Les marins se battent aussi contre lui. » Elle regarda Nsuuta. « Pauvres anciennes femmes zungu. Leurs hommes pensaient vraiment que c’étaient des mangeuses d'hommes ?
— Tu n'as pas idée, Kirabo. Certains disaient que les femmes se transformaient en phoques.
— Tsk. » Elle fit défiler d'autres images, puis s’arrêta. « Celle—ci, c’est une photo. La femme ne porte qu'un soutien—gorge et une culotte, sur une plage, elle tient des coquillages. Elle s'appelle Usula.
— Ursula. Ça, c'est James Bond.
— Lui aussi est bête comme ça ?
— Inutile de poser la question.
— Et là, regardez—moi ces idiots.
— Qui ?
— Il y a cinq hommes à genoux devant une femme. Je crois qu'elle vient de sortir de la mer parce qu’elle a les cheveux qui dégoulinent et les hommes la supplient, ou peut—être qu’ils la vénèrent ?
— Ils le font encore.
— Oh, celle—ci nous ressemble.
— C'est Yemaya. Elle protégeait les esclaves lors de leur convoyage en mer.
— Oh ». Kirabo fit une pause en s'imaginant être victime d'un trafic par—delà les mers. « Au moins, elle n'était pas maléfique si elle protégeait notre peuple. » Nsuuta ne répondit pas. « Je me demande ce que les anciens voyaient quand ils regardaient les femmes.
— Je pense que dans leur esprit buziba, l'inconscient, les femmes étaient deux choses à la fois : aquatiques et terrestres. Humaines mais poissons, belles mais grotesques, excitantes mais effrayantes, nourricières mais malveillantes. Aujourd'hui, elles ont telle forme ; demain, elles sont devenues quelque chose de complètement différent ; elles sont suspectes, insaisissables, secrètes et mystérieuses. Que faut—il faire alors ? »
Kirabo secoua la tête.
« Soit tu les apprivoises, soit tu les rejettes à la mer.
— Les apprivoiser ? Comme des animaux ?
— C’est ça. Comme avec les animaux, les hommes ont commencé à piller d’autres sociétés pour voler des femmes. Je suis sûre que ça faisait bien rire les animaux ; regardez comment les humains se traitent les uns les autres quand il s’agit de posséder quelque chose.
— Alors c'est vrai ?
— Qu'est—ce qui est vrai ?
— Giibwa a dit que nos hommes avaient fait des raids sur les femmes soga parce que les femmes ganda étaient laides. »
Les yeux de Nsuuta dardaient des regards aveugles furtifs, comme si elle n’avait pas voulu que son récit se rapproche trop de l'histoire récente.
« Oublie Giibwa. Ta famille n'a jamais enlevé personne. Remets les coupures dans le livre et range—le sur la bibliothèque, exactement là où il était. » Quand Kirabo eut terminé, Nsuuta reprit : « Maintenant, rentre chez toi. J'ai besoin de me reposer. Demain, je te raconterai comment ils se sont débarrassés de notre état originel et ont rétréci les femmes. »
Kirabo sortit en courant de la maison de Nsuuta, oubliant de passer par la porte de derrière.
Jennifer Nansubuga Makumbi | OUGANDA |
La première nouvelle de Yara Nakahanda Monteiro Essa Dama Bate Bué! (2018) a été traduite dans plusieurs langues. Pour sa collection de poèmes Memórias, Aparições, Arritmias, elle a été récompensée par le prix littéraire portugais “Glória de Sant’Anna”, en 2022. Monteiro est également la co-autrice de deux courts métrages sur l’histoire coloniale de l’Angola et du Portugal, elle produit des podcasts et est conférencière invitée à propos des identités féministes Afro-européennes.