Interview de Marisa Matias
par Tatiana Moura
décembre 2018
traduit par Anaïs Boulord et Laura Chaillet
« Marisa est mon amie depuis plusieurs années et je sais bien à quel point elle met en pratique, de manière convaincue, la maxime qui dit que ce qui est personnel est politique. Si ce n’était pas le cas, elle ne serait pas ici aujourd’hui. Et comme Marisa le sait, des millions de portugais et de portugaises ont ressenti dans la peau et dans les sphères le plus intimes de leur vie, les conséquences des politiques d’austérité des dernières années. Le manque d’espoir, d’un futur pour eux et pour leurs enfants, le combat quotidien de ceux qui ont la chance d’avoir du travail, la violence des relations intimes, aggravée par le désespoir, la dépression et l’abandon, l’humiliation. Peu d’entre eux n’ont pas vécu cela ou n’ont pas d’amis qui ont échappé à cela, ou à d’autres formes de cette réalité. Et c’est pour ça que nous savons que ce qui est politique est aussi personnel, que chaque décision nous affecte dans notre quotidien. C’est pour cela même qu’on ne doit penser à faire de la politique seulement si celle-ci est faite pour les personnes et par les personnes. Si elle est faite au nom du collectif et non pas pour les intérêts privés et individuels. Nous savons que Marisa affronte et lutte contre ceux qui nous piétinent et nous rabaissent, que ce soit dans les micro-relations du quotidien ou à grande échelle de la politique internationale. »
Notre interview est pleine d’affectivité et est marquée par le ton personnel de Marisa. Elle a été réalisée à Coimbra, lors d’un samedi après-midi agréable. Elle nous montre à quel point le personnel est également politique et international à plusieurs endroits du monde. Dans des contextes comme celui du Brésil, face aux moments politiques, sociaux et économiques futurs, avoir ce souvenir comme étant présent est essentiel. Celui-ci s’aligne aussi, de manière indissociable à la volonté du Revue Périphéries et de l’Institut Maria et João Aleixo.
Tatiana Moura – Marisa, nous aimerions que tu te présentes de manière simple, en termes personnels et professionnels pour la Revue “Périphéries".
Marisa Matias – D’accord… Marisa Matias, femme, 42 ans et demi, vivant en périphérie, féministe, politisée et travaillant, c’est à peu près ça.
Tatiana Moura – Profession ?
Marisa Matias – Sociologue et députée européenne au Parlement européen.
Tatiana Moura – Depuis ?
Marisa Matias – 2009.
Tatiana Moura – Étant donné que la revue “Periferias” est brésilienne, peux-tu nous expliquer combien de temps durent les mandats au Parlement européen ?
Marisa Matias – Chaque mandat dure 5 ans, je suis dans la 4ème année de mon second mandat et de manière général, il n’y a pas beaucoup de différence par rapport aux mandats nationaux, qui sont de 4 ans au Portugal.
Tatiana Moura – Et ton mandat se termine le 10 mai ?
Marisa Matias – Oui, 2019.
Je pense qu’il est impossible d’être parlementaire sans être activiste. Le plus grand changement a été de commencer à réaliser qu’il y avait beaucoup plus de monde, c’est-à-dire, que je viens de l’activisme environnemental, de l’activisme pour les droits des femmes, l’activisme LGBTI, l’activisme citoyen, en parlant des mouvements dans lesquels j’avais été impliquée 20 ans quasiment avant d’aller au Parlement européen pour la première fois, avant d’être élue pour la première fois en 2009.
Tatiana Moura – Merci. Voyons voir, nous avons ici quelques questions… ce sont 6 questions qui ont été pensées ensemble mais pour lesquelles Eduardo Alves, de l’Observatoire des Favelas, a davantage contribué, il est notre poète philosophe et voici la deuxième question à laquelle nous avons pensé, qui est la suivante : En considérant ton parcours d’activiste de la société civile et ton parcours parlementaire, quels changements ces expériences ont-elles apportés à ta vie ?
Marisa Matias – Je pense qu’il est impossible d’être parlementaire sans être activiste. Le plus grand changement a été de commencer à réaliser qu’il y avait beaucoup plus de monde, c’est-à-dire, que je viens de l’activisme environnemental, de l’activisme pour les droits des femmes, l’activisme LGBTI, l’activisme citoyen, en parlant des mouvements dans lesquels j’avais été impliquée 20 ans quasiment avant d’aller au Parlement européen pour la première fois, avant d’être élue pour la première fois en 2009. Si je commence à penser sérieusement à l’activisme, depuis mes 15 ans dans le mouvement étudiant et dans d’autres organisations, je pensais qu’il y avait une certaine division entre la politique institutionnelle et l’activisme, et cela continu d’exister et paraît censé, mais la vérité, c’est que les domaines qui sont parfois considérés plus institutionnels et dépourvus d’activismes ont aussi une dimension très grande de cela. Et je travaille dans les domaines les plus réticents à ce sujet, ceux qui concernent les questions de politique économique, de politique monétaire, de politique fiscale, des questions en relation avec la recherche, l'énergie, l’industrie : ce sont mes Commissions Parlementaires. Et puis en ce qui concerne les relations internationales, je travaille principalement sur les questions en rapport avec le Moyen-Orient.
J’étais déjà activiste, par exemple, pour la cause palestinienne, mais je me suis rendue compte qu’elle s’élargissait beaucoup plus dans le contexte du Moyen Orient que j’étudiais. Et j’ai commencé à constater aussi que beaucoup de questions sur lesquelles je travaillais dans l’activisme, comme par exemple, les questions sur l’égalité des sexes, des droits des femmes, je ne veux pas être mal comprise, mais j’ai remarqué qu’il était beaucoup plus utile que je travaille sur ces questions associées à la Commission des Sujets Économiques et Monétaires que dans la Commission Parlementaire dédiée aux droits des femmes, car ce sont des questions transversales et il y a des domaines où il n’y a aucun pouvoir législatif et où l’on peut dire tout ce que l’on pense de ce qui est beau dans le monde et que cela peut être la solution, mais qu’il n’y a aucun impact. Puis il y a d’autre zones où nous travaillons, où s’effectuent les réglementations, la législation pur et dure, et qui fait défaut à la dimension activiste. Cela fait aussi défaut à une partie de la société, car nous parlons de politique et non de technique. Alors, j’ai réalisé que peut être mes actions activistes seraient plus utiles dans les domaines techniques que dans les domaines dit activistes du parlement.
nous réalisons que 70% des cas de trafics d’êtres humains sont liés aux trafics de femmes, de nombreuses fois pour des emplois sexuels. Puis nous nous rendons compte, que peut-être le problème n’est pas résolu seulement en aval, du point de vue technique, de mécanismes très limités, et ils sont vraiment limités parce que, malheureusement, le pouvoir financier contrôle beaucoup la démocratie, et celle-ci doit être sauvée. Mais mais nous ne voyons ça que plus loin, que peut-être si nous travaillions en amont et non en aval, ou, si nous avions plus de politiques d’égalité de genres, en mettant en place des politiques de prévention, ou en prévenant, dans ce cas- des processus, des phénomènes de régularisation, comme celui du trafic d’êtres humains, qui touchent le plus souvent des femmes. Peut-être, nous n’aurions plus besoin de travailler tant en aval pour réprimander les pratiques et nous pourrions, peut-être, prévenir ce genre d’agissements.
Tatiana Moura – Et qu’est-ce que cela a signifié en termes de changement dans ta vie quotidienne, dans ta vie privée, et dans ta façon de voir le jour le jour ?
Marisa Matias – Une grande inquiétude, avoir connaissance des limites et des insuffisances, puis aussi se rendre compte qu’il y a beaucoup de domaines à ouvrir au sujet de l’activisme, car ils sont généralement fermés aux domaines des institutions, et c’est là où il faudrait casser ces barrières pour être plus efficace. Car, par exemple, ça a pris un peu de temps parce que je n’avais pas choisi, j’ai été amenée à intégrer une des Commissions les plus puissantes du Parlement Européen, en lien avec la législation des différents pays, qui est en relation avec les questions économiques, les Règlements économiques, la gouvernance économique, le système financier, le système monétaire, et cela m’a permis de me rendre compte que ce monde était complétement fermé aux questions politiques fondamentales. Comme par exemple la revendication de l’égalité des sexes ou les questions en lien avec la vie quotidienne des personnes. Par exemple, en ce moment j’ai entre les mains une proposition de législation pour tenter de faire face, ou plutôt de combattre, l’inégalité des sexes en matière d’imposition fiscal, et j’apprends énormément, vu qu’habituellement nous pensons à ces sujets d’un point de vue économique, ou alors nous parlons de questions fiscales, à partir de la perspective des pratiques d’évasion, de fraudes, d’évitements fiscal. Mais si nous commençons à analyser les données, nous nous rendons compte de choses très concrètes, par exemple qu’une grande partie de tout ce qui se passe dans ce monde non contrôlé et non régulé du système financier et qui entraine l’évitement, l’évasion et la fraude fiscale, sont en lien avec les pratiques associées au trafic de drogues, au trafic d’armes et aussi à celui d’êtres humains. Et après, nous réalisons que 70% des cas de trafics d’êtres humains sont liés aux trafics de femmes, de nombreuses fois pour des emplois sexuels. Puis nous nous rendons compte, que peut-être le problème n’est pas résolu seulement en aval, du point de vue technique, de mécanismes très limités, et ils sont vraiment limités parce que, malheureusement, le pouvoir financier contrôle beaucoup la démocratie, et celle-ci doit être sauvée. Mais mais nous ne voyons ça que plus loin, que peut-être si nous travaillions en amont et non en aval, ou, si nous avions plus de politiques d’égalité de genres, en mettant en place des politiques de prévention, ou en prévenant, dans ce cas- des processus, des phénomènes de régularisation, comme celui du trafic d’êtres humains, qui touchent le plus souvent des femmes. Peut-être, nous n’aurions plus besoin de travailler tant en aval pour réprimander les pratiques et nous pourrions, peut-être, prévenir ce genre d’agissements. C’est un apprentissage qui se construit dans la politique institutionnelle. Nous réalisons que la plus grande partie des domaines sont fermés aux questions d’activisme, parce qu’elles sont perçues comme étant graves, techniques et sans état d’âme. En réalité, c’est parce que nous arrivons juste à la fin du processus et nous ne travaillons pas sur la prévention des phénomènes. Et c’est pour cela que cet exemple, dont je vous ai fait part, est en lien avec un rapport que j’ai entre les mains aujourd’hui. C’est comme cela que nous évitons la continuité de l’inégalité des genres en termes d’impositions, de fraudes fiscales, d’évasion fiscal et d’évitement fiscal, avec des politiques en amont plus promotrices de l’égalité des genres. Cela implique un certain niveau d’activisme, et empêche que nous arrivions à des situations où l’on constate, par exemple, qu’il y a beaucoup de bénéfices, beaucoup d’organisations et d’entités, de groupes organisés qui sont en lien, entre autres avec le trafic d’êtres humains et surtout avec le trafic de femme pour du travail sexuel, car il n’y a pas de législation qui les protège en amont.
Tatiana Moura – Cela signifie donc une interaction entre les domaines, ou que les domaines de ta vie passé, d’activiste sociale et de chercheuse ne se sont pas croisées ?
Marisa Matias – Non, ils ne se sont pas croisés, non, non.
Tatiana Moura – En considérant ton parcours d’activiste dans la société civile jusqu’à ton parcours parlementaire, quels sont les changements pour le Portugal, pour l’Europe et pour le monde ? Peux-tu nous donner un exemple de 3 actions, ou quelque chose que tu as fait pendant que tu étais activiste dans la société civile et au Parlement en même temps, qui ait eu un impact au Portugal, en Europe ou à travers le monde ?
Marisa Matias – C’est très compliqué car tout se mélange. Et je viens de finir de donner un exemple, de comment les choses se mélangent et je n’arrive pas à les séparer...
je n’ai aucun doute, sur ces presque 10 années de mandat, la chose que j’ai faite qui a le plus changé la vie des personnes est, sans aucun doute, la Directive de combat sur les médicaments de contrefaçon. Parce que c'était la première fois où j’avais l'opportunité, et la difficulté, de légiférer en mon propre nom, pour 28 pays, 500 millions de personnes, sur un sujet qui, je pense, continue d'être absolument invisible pour les gens.
Tatiana Moura – Et dans ce cas présent, par rapport à ton action, il serait plus intéressant de connaître ton action au cours de ces 10 dernières années en tant que députée du Parlement européen, les actions spécifiques ou les dossiers que tu as traités, et les batailles que tu as menées, qui ont en quelque sorte changé la vie des portugais et les politiques du Portugal, qui ont influencé la politique européenne et qui ont eu un impact sur le monde.
Marisa Matias – Ceci est majoritairement lié aux processus de législation où l’on peut réellement changer les choses et changer la vie des gens. Évidemment, et je n’ai aucun doute, sur ces presque 10 années de mandat, la chose que j’ai faite qui a le plus changé la vie des personnes est, sans aucun doute, la Directive de combat sur les médicaments de contrefaçon. Parce que c'était la première fois où j’avais l'opportunité, et la difficulté, de légiférer en mon propre nom, pour 28 pays, 500 millions de personnes, sur un sujet qui, je pense, continue d'être absolument invisible pour les gens.
Tatiana Moura – Les gens n’en avaient même pas conscience ?
Marisa Matias – Non, ils n’en avaient pas et ils continuent à ne pas en avoir, mais cela n’a pas d’importance parce que nous faisons le travail de sorte à ce que les choses changent et parfois cela aboutit à un gain de conscience, parfois non. C’est un dossier qui m’a pris 2 ans et demi de travail et je pense que jusqu'à présent, la majorité écrasante des personnes, des 500 millions de personnes de l’Union Européenne n’en a pas conscience, mais c’est un peu sans importance du point de vue de...
Tatiana Moura – Qu’est-ce qui existait avant, quel était l'état de la situation et que prétends-tu avoir changer ?
Marisa Matias – Eh bien, il existe toute une organisation criminelle, on peut l'appeler ainsi, de production de faux médicaments qui entrent dans la chaîne de distribution régulière et qui parvient aux gens, pour qu’ils soient consommés et qui, en réalité, ne sont que des assassins silencieux parce qu’ils n'ont aucun principe pharmaceutique actif nécessaire aux personnes pour soigner leurs maladies.
Imaginer que dans un univers de 500 millions de personnes, il y a 2 ou 3% de personnes qui consomment de faux médicaments, qui ne servent à rien et nous ne sommes pas en train de les aider, on est en train de les aider à mourir, c’était ça la question. Ce fut un processus très difficile à gérer, il y avait des pressions de tous les côtés, des menaces et l’unique promesse que j’avais reçu en commençant avec ce dossier, c’est que ça ne passerait pas, que je ne parviendrais à faire approuver aucune législation dans ce domaine.
Tatiana Moura – Et ils entrent dans les réseaux pharmaceutiques formels?
Marisa Matias – Ils entrent dans tous les sens et arrivent à rentrer dans les réseaux formels, au point d’arriver dans les hôpitaux, les pharmacies... Ce fut l’un des dossiers les plus difficiles de ma vie, parce qu’il y a un lobby très lourd des pharmaceutiques, de l’industrie pharmaceutique et parce que c’est une zone à laquelle personne n’est supposé toucher. Le processus fut très douloureux, comme je l’ai dit, il prit presque deux ans et demi, avec beaucoup de risques en jeu, avec beaucoup de difficultés. Mais, dans le cas de l’Union Européenne, qui est l’une des choses les plus protégées au niveau mondial, nous sommes en train de parler de réseaux de trafic de faux médicaments qui rapportaient environ 550 millions d’euros de bénéfice annuel. Ça a commençé par être un réseau qui se dédiait aux sois-disant médicaments de style de vie, car les médicaments tels que le Viagra commençaient à être falsifier, mais après, ça s’est élargi à des médicaments comme, par exemple, ceux utilisés en chimiothérapie pour les personnes atteintes de cancer ou les personnes diabétiques, l’insuline et d’autres médicaments.
Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un réseau très bien organisé de production de faux médicaments, sans aucun ingrédient pharmaceutique actif présent et pourtant, les personnes, au risque d’y laisser leur vie, étaient en train de prendre ces médicaments qui pouvaient être un mélange d’eau et de sucre, qui n’avaient aucun intérêt, qui ne leur faisaient rien, mais qui entraient dans les chaines de distribution légales, passaient par les transporteurs, arrivaient aux pharmacies, aux hôpitaux, arrivaient de partout. Et cela m’a amené à un travail sur le terrain, comme on dit, dans différents pays, m’appercevant de la législation qui existait dans chacun d’entre eux, comment c’était possible, en partant du producteur jusqu’au consommateur, jusqu’à la personne qui bénéficie des médicaments, comment on pouvait contrôler cette distribution, de manière à éviter l’entrée des faux médicaments en Europe. Et en moyenne, on a estimé à environ 3% la circulation de faux médicaments dans l’Union Européenne. C’est plutôt peu parce que si nous regardons les autres continents, les taux sont beaucoup plus inquiétants, par exemple, 16/20% en Afrique, beaucoup plus qu’en Europe, au même niveau, ou à peu près qu’en Amérique Latine, ou en Amérique Centrale, plus aussi en Asie. Mais malgré ça, 3% des personnes en Europe consommaient ces médicaments qui étaient faux. C’était une question très compliquée et nous avons des personnes qui dépendent réellement de ces médicaments pour combattre un cancer, Alzheimer, le diabète, quoi que ce soit. Imaginer que dans un univers de 500 millions de personnes, il y a 2 ou 3% de personnes qui consomment de faux médicaments, qui ne servent à rien et nous ne sommes pas en train de les aider, on est en train de les aider à mourir, c’était ça la question. Ce fut un processus très difficile à gérer, il y avait des pressions de tous les côtés, des menaces et l’unique promesse que j’avais reçu en commençant avec ce dossier, c’est que ça ne passerait pas, que je ne parviendrais à faire approuver aucune législation dans ce domaine. Puis, au-delà de ça, il y avait un excès de protection par rapport aux entrées de l’Union Européenne, mais il n’y avait aucune préoccupation sur le fait que l’Union Européenne soit comme un canal ou une plateforme pour faire parvenir aux autres régions du monde des médicaments qui pouvaient venir falsifiés d’Asie ou d’Afrique, cela n’avait pas d’importance, c’était pour les autres régions du monde. Ainsi, ce fut bien compliqué de faire cette législation parce que j’ai fait un « caprice» et je pensais que nous ne pouvions pas dans une législation exiger quelque chose pour nous et ne pas l’exiger des autres. Dès lors, il fallait aussi inclure les questions des droits de douanes et les questions d’exportations, puis la question de l’Union Européenne, comme une plateforme de distribution de médicaments falsifiés, même si la plus grande partie ne l’était pas.
Tatiana Moura – Et c’est l’un des exemples.
Marisa Matias – C’est l’un des exemples parce que tout allait à contrecourant. Je me rappelle que lorsque j’ai présenté la première proposition de législation, j’ai eu des réunions avec les représentants des différents gouvernements de l’Union Européenne et on m’a dit que jamais de la vie cette législation ne passerait.
Tatiana Moura – Et le verdict était ?
Marisa Matias – Sur les 11 lignes, 10 sont passées… Et j’en ai perdu une.
Tatiana Moura – Et cela signifie qu'à la fin… ?
Marisa Matias – Qu'à la fin… Même si personne ne le sait, même si personne ne s’intéresse à elle et comme nous en sommes à ce stade aujourd’hui en 2018, dans la dernière phase de la mise en place de la législation et tout le reste a déjà été mis en place, le contrôle a déjà été fait, et la transposition pour les états membres a déjà été faite. Même si personne ne le sait, aujourd'hui, chaque fois que je vais dans une pharmacie, dans un centre de santé, que je vais à l'hôpital et que je vois que le code de lecture des médicaments est celui que nous avons définis dans la législation, j’ai l’impression que c’est mon enfant, en quelques sortes, cette directive. Je n’ai pas d’enfants, c’est donc mon enfant partagé avec les millions de citoyens de l’Union Européenne. Mais pour les personnes qui vivent ici, ils n’ont rien fait, je leur ai tout donné, et ainsi, le changement de code...
Tatiana Moura – C'était un changement silencieux, c’est-à-dire, ce n’est pas une chose visible ?
Marisa Matias – Non. Personne n’en a idée, personne ne peut avoir idée.
Tatiana Moura – Penses-tu que la politique faite à Bruxelles au niveau européen est beaucoup plus discrète que la politique directe au Portugal ?
Marisa Matias – Nous travaillons toujours en amont, de sorte que les questions sur lesquelles nous travaillons ne soient jamais les mêmes au niveau national, à aucun instant. Mais, même si nous travaillions en même temps, je crois que cela serait toujours une question mineure, mais pour moi c’est une question absolument essentielle. Et cela non pas parce que je travaille dessus, mais parce qu’en fait, je me souviens encore du jour, je suis aussi consommatrice en pharmacie comme tout le monde, et je me rappelle encore du jour où je suis entrée et que le code de lecture des ingrédients pharmaceutiques actifs dans le code barre était déjà activé. C'était le résultat de la législation que j'avais écrite et qui était entrée en vigueur pour les 500 millions de personnes de l’Union Européenne, et j’avais envie de pleurer mais non pas parce que je suis sensible, rien à voir, c'est parce que j'ai pensée : d’accord, c’est logique. À un moment donné, une personne pense que quelque chose vaut la peine et ça a du sens.
Tatiana Moura – Il y a une maxime féministe qui dit que le peuple est politique et que la politique est peuple…
Marisa Matias – Oui, complètement. Mais, par exemple, je parlais de ce qu’a été le changement de législation et, à propos, il y a eu, la semaine dernière encore un séminaire au Parlement Européen pour célébrer le reste de la mise en place de la Directive des médicaments de contrebande et j’y est été conviée. Mais, il y a d'autres choses plus symboliques qui n’ont pas d’impact direct sur la vie des personnes, qui n’incitent pas directement à changer, mais je pense évidemment que quoi qu’il arrive, cela vaut la peine d'être députée. Même si ce n'était pas à propos des médicaments, mais pour d’autres choses comme la question de l’enquête, de la recherche, comme la défense de la sécurité sociale, des êtres humains, quand ils devaient être tué et qu’il fallait les défendre et les maintenir dans le cadre du financement. Mais après, il y a d’autres choses qui n’ont rien à voir avec cela et qui n’ont pas d’effets immédiats, mais par exemple, chaque fois que nous discutons de l'inégalité des salaires...
Tatiana Moura – Du coup, cela se combine à la question suivante. Je pensais à l'inégalité des salaires dans ton dossier sur le Moyen-Orient et je pensais à ton dossier du personnel soignant informel, qui, je pense, a beaucoup à voir avec cette troisième question que nous avons ici et qui est la suivante : comment est-ce que ton action en tant que parlementaire a contribué, contribue, contribuera pour l'avancée démocratique et, à partir de cette action, quels éléments et symboles d’avancée démocratique peuvent contribuer pour faire face aux inégalités ?
Marisa Matias – En 2011, j'étais responsable de la rédaction de la stratégie européenne de lutte contre la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies, les maladies similaires, les maladies vasculaires, divers types de maladies parce qu’il y a une sorte d’obligation des différents pays de disposer de plans nationaux pour faire face à ces questions et quasiment aucun n’en dispose. Pourtant, j'ai eu la responsabilité de rédiger cette stratégie européenne incluant, l’utilisation de méthodes très peu orthodoxes dans le contexte politique parce qu’à l'époque je mettais en péril l'approbation de cette stratégie et j’ai contacté José Mourinho, qui à l'époque était l'entraîneur du Real Madrid, que je ne connais toujours pas aujourd'hui, pour faire un témoignage en personne.
Tatiana Moura – Un témoignage personnel parce que… ?
Marisa Matias – J’en avais aucune idée… Parce que c'était une figure publique portugaise et au-delà de cela, il se trouvait dans cadre politique complètement différent du mien, parce que je suis de gauche et qu’il ne l’est clairement pas, et c’était quelque chose de connu. Et j’ai fait cette chose que les gens ridicules font, et je suis une personne ridicule, qui a appelé le numéro général du Réal Madrid en disant que je voulais parler à l'entraîneur et j’ai passé deux heures à attendre. Mais en vérité, j’ai réussi à parler à l'entraîneur et il a fait un témoignage de soutien impressionnant. Il a dit qu’il ne me soutiendrait pas sans, d’abord, voir qu’elle était la proposition, je lui ai alors envoyé la proposition, il l’a lue et a ensuite fait une déclaration, qui a d’ailleurs, a été enregistrée au stade du Real Madrid avec le stade derrière, pour promouvoir la proposition que j’étais en train de défendre et qui a été retransmise en vidéo lors d’une session parlementaire au Parlement Européen. Et jusqu'aujourd’hui, tout le monde pense que je suis une amie de José Mourinho alors que je ne l’ai jamais rencontré personnellement, mais en fait, il a eu la générosité de défendre cette proposition et cela était en lien avec beaucoup de questions. Mais bien sûr, le fait qu’il y ait une énorme croissance en termes de prévention et d’apparition de maladies dans l’espace de l’Union Européenne, que de nombreuses personnes doivent renoncer à leur travail formel et doivent renoncer aux droits fondamentaux pour s’occuper d’autres personnes personnes, de leur famille, parce que même s’il existait des réseaux de protection politique, ce qui serait logique c’était qu’il y ait des membres de la famille, dans la mesure où ils seraient volontaires.
Tatiana Moura – Cela devrait être un droit ?
Marisa Matias – Oui cela devrait. Parce durant les années où j’ai travaillé sur cette proposition, je me suis aussi rendue compte du nombre de contradictions et d’injustices qui existent dans tous ces processus. Étant donné que j’ai aussi connu des familles, par exemple, des femmes qui avaient été toute leur vie victime de violences domestiques et qui se retrouvaient dans une situation, sans alternatives, et de devoir s’occuper d’une personne malade, de qui elles ont été les victimes et qui ne se souvient déjà plus de rien, c’est une double violence. Mais quoi qu’il en soit, les questions de maladies sont toujours des questions de violences profondes, parce que ce sont des pertes permanentes et à différents degrés.
Tatiana Moura – Tu as travaillé sur le dossier d’Alzheimer, ce qui a permis de...
Marisa Matias – Alzheimer et les maladies vasculaire, oui.
Tatiana Moura – Ce qui permet de voir que le dossier des soignants peut être beaucoup plus large.
Marisa Matias – Bien sûr, ça, c’était au début. J’ai, ensuite, élargi la question des soignants informels, dans des situations telles que, par exemple, le handicap et souvent, ce que nous avons dans ces situations là, ce sont sont des pères et des mères qui s’occupent de leurs enfants atteints de loudshandicaps. De ce fait, la définition des soignants est complètement fausse, on pourrait parler de soignants s’ils étaient la majorité, parce qu’après nous avons réalisé une étude profonde. Et la moyenne, au niveau européen, et je crois que ça doit être une moyenne qui peut-être touchent plusieurs sociétés et pas seulement l’Europe, est de 80% de soignantes, ce sont quasiment toujours les femmes qui doivent renoncer à leur carrière professionnelle, à leur contribution, à leur vie personnelle, pour s’occuper des autres.
Tatiana Moura – Et si nous parlons, en fin de compte, d’un processus de vie, nous débâttons aussi sur des dossiers qui sont un commencement de vie, qui se traduisent depuis la grossesse, la paternité, la maternité, les congés parentaux, jusqu’à la fin.
Marisa Matias – Oui, ce n’est pas une exception, c’est une règle. Dans le cas des maladies, ce sont des processus qui peuvent durer plusieurs années. J’ai été en contact avec beaucoup de familles, avec beaucoup de soignantes et beaucoup de soignants aussi, mais ce sont plus souvent des soignantes, qui se voient forcées de laisser leur travail, leur carrière contributives, leur vie personnelle, leur vie familiale, sociale, et dans des processus qui durent 10, 15, 20 ans, ou qui durent juste 5 ans, mais 5 ans qui à cette échelle en paraissent 100 et il n’y a pas de reconnaissance à cela. Et pourtant, à partir de cela, ce qui est arrivé, c’est que : il y a eu cette stratégie européenne qui a été adoptée, c’était une recommandation des différents pays et puis chaque pays a commencé à la reformée comme il le souhaitait, ainsi il eut beaucoup d’avancées dans beaucoup de pays, par exemple en France, où il y eu d’immenses avancées et le statut de soignantes et soignants informels a été reconnu, sans perte de droits...
Tatiana Moura – Qu’est-ce que cela signifie ?
Marisa Matias – Cela signifie que, par exemple, le droit de se mettre en arrêt de travail sans échéance, mais de compter ces arrêts comme des d’années contributions de travail.
Tatiana Moura – Mais sans rémunération…
Marisa Matias – Sans rémunération mais que l’aide qui leur est donnée ne soit pas une aide basique, minimum, mais qui soit une aide équivalente au salaire minimum pour que les personnes puissent continuer à vivre. Au Portugal, il y a quasiment tout à faire, autrement dit, rien n’est fait. Comment construit-on une démocratie et une citoyenneté ainsi ? Bon... J’ai eu une espèce de collapse nerveux il y a 3 ans, durant l’une des rencontres annuelles de soignants et soignantes informels que j’organise, une des soignantes m’a dit : « Tout va bien, tout ceci est très beau, tout le monde en parle, il y a beaucoup de propositions, mais qu’est qu’ils en font ? » Et j’ai dû dire à la soignante que mon niveau de frustration était beaucoup plus grand que la sien, bien que je ne puisse pas me mettre à sa place, à prendre soin de sa sœur, ce qui était le cas. Mais comme tout cela est en lien avec les relations de forces, tout est en lien avec la capacité de décision politique, que nous n’avons pas les moyens suffisants pour décider, que j’étais un petit peu fatiguée de perdre plus que ce que je gagnais et je suis toujours en train de perdre. Dans la question des soignants et des soignantes informels, j’étais toujours en train de perdre.
Tatiana Moura – Tu as un cas dans ta famille ?
Marisa Matias –Non, je n’en ai jamais eu, heureusement, il n’y a jamais eu aucun cas dans ma famille, j’espère ne pas en avoir. Mais je pense qu’à un certain moment dans notre vie, nous aurons tous à être soignant ou soignante de quelqu’un, ce n’est pas ça qui est en cause. Mais heureusement, je n’ai jamais eu à vivre cette situation.
Imaginer que dans un univers de 500 millions de personnes, il y a 2 ou 3% de personnes qui consomment de faux médicaments, qui ne servent à rien et nous ne sommes pas en train de les aider, on est en train de les aider à mourir, c’était ça la question. Ce fut un processus très difficile à gérer, il y avait des pressions de tous les côtés, des menaces et l’unique promesse que j’avais reçu en commençant avec ce dossier, c’est que ça ne passerait pas, que je ne parviendrais à faire approuver aucune législation dans ce domaine.
Tatiana Moura – C’est extrême, n’est-ce pas ? Car nous sommes toujours soignants et soignante...
Marisa Matias – Oui, , ce n’était donc pas une question personnelle, c’était une question politique et le peuple est la politique et la politique est le peuple. J’ai été confrontée à beaucoup de situations dans plusieurs familles, d’ailleurs, ce fait d’organiser les rencontres annuelles au Portugal des soignants et soignantes informels a surgit après une entrevue que j’ai donné de donner à la TSF [radio portugaise de portée nationale], où j’ai eu un appel d’un soignant informel. Dans son cas, il prenait soin de sa mère, il avait été un homme d’affaire de succès qui avait tout perdu, et qui était en train de vivre dans des conditions misérables car il avait dédié sa vie à prendre soin de sa mère. À cause de cela, il n’avait plus de relation amoureuse, il avait perdu ses amis, perdu tout le monde et il m’a téléphoné pour me demander : « Très bien, il y a des stratégies européennes, mais comment cela se traduit ? » Puis il m’a fait un témoignage écrasant, et à la fin de l’émission de radio j’ai demandé si je pouvais avoir son numéro de téléphone. Ils m’ont dit qu’ils devaient lui demander l’autorisation, naturellement. Ils ont alors téléphoné au soignant et lui ont posé la question. Ils m’ont donné son numéro et nous avons parlé durant 2 heures après l’émission de radio en direct, et je lui ai demandé s’ils se connaissaient les uns les autres et il m’a dit : non, nous n’avons pas le temps car c’est 24h/24h, nous ne pouvons pas nous déplacer, donc nous n’avons pas de temps pour nous rencontrer, mais nous nous contactons sur les réseaux sociaux. À ce moment-là, j’ai eu l’idée que, peut être, cela ne serait pas un mauvais investissement que d’organiser une rencontre où ils pourraient venir, on prendrait soin de et qu’ils se rencontreraient dans un même lieu, ils pourraient se connaître en face à face et ainsi partager leur histoire commune, celle qu’ils partageaient déjà sur les réseaux sociaux. Ceci fut l’une des choses les plus émouvante que j’ai fait dans ma vie. Ces personnes se parlaient depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux et ils se rencontraient pour la première fois en vrai, ce fut dans ces circonstances qu’une soignante m’a dit : « Très bien, c’est très beau, spectaculaire même, et qu’est-ce que nous faisons ? » J’ai comprends parfaitement que celui qui soigne n’a pas de temps d’avoir une voix car il soigne 24h/24h, tous les jours de l’année et que la personne dont il s’occuper n’a pas de voix non plus. C’est pour cela que ce n’est pas une question politique pertinente qui est à l’origine de manifestations, de grèves car ils sont tous épuisés, ceux dont on prend soin ne peuvent plus élever la voix parce qu’ils ne savent pas revendiquer et pour les pires raisons, les personnes soignantes ne peuvent pas non plus parce qu’elles sont épuisées, sans capacité, ainsi c’est dans ce sens que nous avons commencé à nous demander comment nous pouvions faire pour que ces personnes puissent regagner leur parole. Et cette soignante m’a dit : « Très bien, mais cela ne mène à rien ». Et je lui ai répondu : « Je suis encore plus frustrée que vous, même si nous ne vivons pas la même situation, je suis fatiguée de perdre dans cette situation, comme c’est évident. » Elle m’a alors dit : « Pouvons-nous faire quelque chose ? » J’ai dit : « Je n’en sais rien, faites ce que vous voulez, une pétition, ce que vous voulez, mais obligez les dirigeants et les représentants politiques à travailler sur ce sujet, sérieusement. » La vérité, c’est qu’à partir de ce moment, sans aucune intervention de ma part, ils ont crée une pétition qui a recueilli plus de 14 000 signatures, ils sont allés àl’Assemblée de la République au Portugal, ils ont créé une association des soignats nationaux, ils ont continué à travailler à travers les réseaux sociaux, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’options qui ne différentes de celle-ci. Leur proket en train d’être étudier, finalement, le statut de soignants informel dans l’Assemblée de la République va être voté d’ici peu. Trois ans ont passé, entre temps, bien-sûr que c’est une éternité pour celui qui prend soin, parce que cela ne répond pas aux nécessités immédiates, mais nous sommes passés d’une situation de désert total à une situation où les personnes peuvent se révolter. Par pur incapacité, ils ont transformé cela en force et en une capacité de revendication et en renforçant la démocratie. Je ne me rappelle pas d’un mouvement qui ait gagné autant de force et autant d’intérêt durant ces dernières années, dans la démocratie, au Portugal, comme le mouvement des soignants et soignantes informels. Car après, on a dépassé la question des maladies, elle s’est élargie à la question des pères, mères, enfants ou jeunes adultes, et même jusqu’au adultes atteint de handicaps, de personnes qui prennent soin d’autres personnes, des amis et amies. Il y a beaucoup de cas et personne ne s’occupe d’eux. Puis, soudain, nous avons un réseau national et une association récemment créée, mais qui fait partie des plus fortes, des plus participatives, de celles qui revendiquent le plus et cela vient de personnes qui ne peuvent pas sortir de chez eux, imaginez s’ils pouvaient comment cela serait. Ils ne peuvent pas sortir de chez eux et sont en train de forcer réellement pour qu’une décision dans le cadre du parlement nationale soit prise. Ça a été l’une des plus grandes leçons de démocratie que j’ai eu, sincèrement et c’est une initiative des propres personnes qui étaient là-bas...
Tatiana Moura – Ça a été une ascension.
Marisa Matias – Oui, ça a été un affrontement presque direct en disant : « mais qu’est-ce que nous pouvons y faire ? » Et moi, je disais que vous êtes plus que moi et je suis dans une relation de force impossible, et vous êtes dans une situation impossible parce que vous n’arrivez pas à revendiquer. Mais si vous vous réunissez, vous arriverez à changer les choses ensemble.
Tatiana Moura – Cela me rappele la première fois que tu es allée à Rio de Janeiro. T’en souviens-tu ?
Marisa Matias – Je m’en souviens. Je me souviens des mères victimes de massacre.
Tatiana Moura – C’était sans doute en 2006, par-là, en 2005/2006, quand tu étais encore chercheuse du CES [Centre d’Etudes Sociales – Université de Coimbra]. Et je me rappelle d’avoir était impressionné par cette force de lutte...
Marisa Matias – Des mères.
Tatiana Moura – Des mères, parce qu’elles luttent pour quelqu’un, pour la justice, en lien avec quelqu’un qu’elles ont perdu, étant donnée qu’elles restent en dehors de tout ça, elles sont restées en dehors des débats, les mères et les pères s’occupe de ceux qui ont survécu, pas seulement les enfants, mais la famille qui vit tous les jours des actions violentes. La revue « Periferias » est née à l’InstituTatiana Moura aria Joao Aleixo, dans la Maré, qui abritent 140 millions habitants, plus que Coimbra, et quand il y a une visibilité, il y a une relation avec les morts, qui deviennent des numéros, on pe parle pratiquement pas de ceux qui survivent, plus jeunes, avec ceux dont ils doivent s’occuper et nous devons aussi considérer dans ces chiffres, ceux qui sont atteints et se retrouvent dans l’incapacité de faire quoi que ce soit et dont on doit s’occuper. Je pense que ça serait aussi très intéressant d’introduire dans ce débat, pas seulement pour la recherche de la justice, mais les soignantes, dans leur majorité de femmes, et des hommes aussi, qui s’occupent de ceux qui restent, et de ceux qui gardent des traumatismes physiques et psychologiques.
Marisa Matias – Oui, et d’ailleurs le premier slogan de la première rencontre était celui-ci : Qui soigne celui qui soigne.
PARTIE II
Tatiana Moura – [...] Et cela nous amène à la question suivante, une question longue : en considérant que la périphérie vit sur une échelle d’inégalités, différement de que ce qui prédomine dans les autres environnements socio-historiques, quelle est la proposition pour une politique parlementaire, une politique qui contribue à la croissance des habitants des périphéries d’un côté, mais aussi pour une action qui revient à encourager un autre point de vue sur les périphéries qui ne soit pas un regard préconçu et qui contribue à approfondir la précarité de l’environnement des périphéries.
Marisa Matias – Je vais avoir besoin d’une cigarette pour cela, juste un instant que je l’allume.
Tatiana Moura – Si tu étais une parlementaire avec un dossier sur les périphéries globales et qu’on t’avais donné l’exemple de Rio de Janeiro, qui est l’espace socio-historique géographique, que nous partageons jusqu’aujourd’hui, que nous connaissons ensemble, dans lequel nous agissons ensemble... Si tu avais eu un dossier sur les périphéries, que ferais-tu pour combattre, d’un côté la diabolisation des périphéries, son intégration socio-géographique, économique… Que ferais-tu, ensachant que tu travailles majoritairement avec des dossiers qui font référence aux périphéries ?
Marisa Matias – Oui, aux périphéries du monde, aux périphéries de l’Union Européenne et à la question des réfugiés et des migrants...
Tatiana Moura – Et le Portugal, depuis toujours.
Marisa Matias – Le Portugal est une périphérie permanente. Je suis devenue véritablement acharnée et défenseuse des politiques publiques, des services publiques et de l’Etat Social, car j’ai directement bénéficié des politiques d’égalité et de l’égalité des opportunités, depuis toujours, et je sais très bien que je suis un pur produit de la périphérie...
Tatiana Moura – Ce que tu vas devoir nous expliquer...
Marisa Matias – Et bien, j’en ai la parfaite notion, étant née dans un village de comptant même pas 100 habitants jusqu’aujourd’hui , et qui donc est beaucoup plus petit que Coimbra,. Je sais que mes parents ont commencé à travailler très tôt, ma mère quand elle avait 11 ans et mon père 10. (...) Je suis une femme de la périphérie, je suis est née immédiatement après l’instauration de la démocratie au Portugal, et j’ai vécu dans un village très petit, et qui était loin même de rêver d’avoir des droits…
Tatiana Moura – Dans un village à proximité de Coimbra...
Marisa Matias – Proche de Coimbra oui. Et où on était loin de rêver d’avoir le droit d’exister ou même de penser qu’on pouvait avoir le même droit d’existence que les autres personnes. D’ailleurs, j’ai grandi en entendant que je ne pouvais pas être tant revendicatrice, parce que je n’en avais pas le droit, même quand j’étais une enfant. Mais, la vérité est que cela est passé...
Tatiana Moura –Ton village, peux-tu nous en dire un peu plus, le village c’est Alcouce...
Marisa Matias – C’est Alcouce…
Tatiana Moura – Qui n’a même pas 100 habitants...
Marisa Matias – Non, non même pas 100 habitants...
Marisa Matias – C’était un village dans lequel quand je suis née et durant mon enfance, il n’y avait pas les choses essentielles, que nous considérons aujourd’hui comme étant des conditions pour exister, et ce fut durant la période de transition de la dictature à la démocratie au Portugal.
Tatiana Moura – Il n’y avait pas d’électricité ?
Marisa Matias – Il n’y avait pas d’eau...
Tatiana Moura – Il n’y avait pas de canalisation ?
Marisa Matias – Pas d’eau courante. Il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau courante, 2 maisons avaient la télévision et en résumé, nous vivions de ce que nous plantions et des animaux de la ferme. C’était une sorte de souveraineté alimentaire en version directe. Et ainsi, nous mangions ce qui se produisait. Je m’en rappelle parfaitement, parce que je l’ai vécu, de devoir aller tous les jours... ah, il n’y avait pas d’école, pas de santé publique, rien de cela...
La périphérie même. Je me rappelle que quand j’ai eu l’eau courante chez moi, je devais avoir 10 ans par-là, ou 11. Quand c’est arrivé, c’était la routine de tous les jours de devoir se lever plus tôt pour qu’on aille tous à la source chercher de l’eau pour toutes les nécessités de la journée, pour nous doucher, nettoyer la maison, pour faire à manger... Je me rappelle de ce qu’était de dîner à la lueur de la bougie ou avec des lampes. Oui... celles avec du pétrole, nous devions acheter du pétrole... les allumer et garder la lumière pour pouvoir dîner car quand il faisait nuit, nous n’avions pas d’autre lumière. Je me rappelle de ce que c’était que d’aller à l’école à pied pour la première fois et devoir marcher 5km à aller et 5km au retour. Je me rappelle aussi parce que c’était mon enfance. Je me rappelle aussi comment était l’arrivée de la démocratie quand je passais en 3° année... En troisième, une école primaire venait d’être construire dans mon village. Nous n’avions plus à marcher pour aller à l’école. Je me souviens aussi qu’après, est arrivé le Service National de Santé et qu’une clinique a été ouverte dans le petit village, juste à 2km, ce qui était parfait parce qu’il y avait beaucoup moins de temps à marcher pour aller chez le médecin. Les personnes commençaient à avoir la télévision, l’électricité, je l’ai vécue, alors je m’en souviens très bien. Ma protection intransigeante de l’État Social et des services publics est en lien avec le fait d’avoir vécu, après une dictature, la meilleure phase d’accès à ce qui devrait être garantie à toutes les personnes dans une société, la base, alors que de nos jours, par exemple, mes neveux n’ont pas cette chance...
Tatiana Moura – Combien de neveux as-tu ?
Marisa Matias – Cinq.
Tatiana Moura – Où vivent-ils ?
Marisa Matias – Quatre d’entre eux au village. Mais il n’y a déjà plus d’école dans notre village, plus de centre de soin, plus de bureau de poste...
J’ai l’impression que j’ai été l’une des seules qui ai eu l’opportunité de vivre au bon endroit, au bon moment, dans la réalité commune des périphéries du pays, après la dictature, dans un monde rural où la démocratie avait conquis nos vies.
Tatiana Moura – Étant donné que tu es née dans un endroit défavorable, excuse-moi de t’interrompre, j’établis un parallèle, je pense à la Maré, je pense aux périphéries globales mais transposé aux périphéries brésiliennes et nous sommes en train de parler de ça ici… Bien-sûr qu’il y a un espace rural, qu’il y existe exactement les mêmes questions, mais étant donné que la Maré est dans un espace urbain, c’est le résultat d’un processus migratoire, qui est bien différent d’où tu es née, dans un espace de périphérie rurale, à côté de Coimbra, beaucoup plus petit, qui est différent de la construction...
Marisa Matias – Oui, mais la question est que dans l’époque post-dictature au Portugal, 90% du territoire était une périphérie...
C’était parce que c’était comme ça, parce qu’ils devaient maintenir les personnes sans scolarité, sans formation, sans accès à rien, pour qu’ils soient bien obéissants, pour qu’ils ne posent pas trop de questions sur les décisions prises... Pour que l’agriculture continue, c’est à cause de tout ça que nous savons comment sont les processus de dictature et, donc...
Tatiana Moura – Et donc, en tant que parlementaire, si tu avais été en charge de ce dossier des périphéries ?
Marisa Matias – Moi, avec cette expérience personnelle...
Tatiana Moura – Cinq choses basiques.
Marisa Matias – Les choses basiques sont celles qui garantissent l’égalité l’opportunités aux personnes, indépendamment d’où elles viennent. Ce sont des services publics gratuits, de qualité, l’éducation, la santé, la culture, enfin ceux qui sont les plus basiques pour pouvoir vivre. Parce que je me souviens lorsque les bibliothèques publiques, ambulantes ont commené à arriver dans mon village, et je n’avais pas un seul livre à la maison, mais j’ai lu beaucoup durant toute mon enfance. Je pouvais demander des livres et les ramener la semaine suivante, puis aller en chercher d’autres. Ainsi, il y avait cette chose d’un projet de la [Fondation] Gulbenkian, ce sont bibliothèques itinérantes soutenues par l’état, ainsi, nous avions une bibliothèque toutes les semaines.
Moi, par exemple, cette semaine, j’ai été choquée, et ça juste pour en revenir un peu au contexte politique dans lequel nous vivons dans l’Union Européenne, ce qui fait très peur, car au Danemark, un décret a été approuvé, le Décret du ghetto. Il a été approuvé par la majorité du parlement danois. Il définit que toutes les familles qui vivent dans les quartiers périphériques, qu’elles soient urbaines ou rurales, qui ont un niveau de revenu en dessous du niveau moyen national, doivent amener leurs enfants de 25 heures par semaine au minimum, dans des institutions publiques danoises qui vont se charger de ces enfants, pour leur enseigner les valeurs de ce que c’est d’être danois, et ils vont leurs enseigner ce que sont des valeurs chrétiennes et les obliger à célébrer des fêtes tel que Pâques et Noël...
Tatiana Moura – Tu as 2 frères, c’est ça ? Vous êtes 3 ?
Marisa Matias – Oui, nous sommes 3. Et nous avions accès à cela, aux services de soin, à l’école nous avons eu accès aussi au village, qui n’existe plus maintenant à cause des politiques d’austérités et ainsi, naturellement, je pense que l’Etat Social et les servies publiques sont 2 dimensions incontournables. Après, la gratuité...
Marisa Matias – Je ne sais pas vivre sans la périphérie, je suis de la périphérie, point final. Je ne veux pas prétendre être autre chose. C’est là que je me sens bien, je pense que les personnes doivent avoir le droit d’être là où elles veulent être, mais là n’est pas la question. La question est que la périphérie ne puisse jamais être une question de assujetissement, cela doit toujours être une condition d’accès à un espace différent, à une géographie différente, ou ce qu’on veut, mais il ne peut pas y avoir un blocage d’accès aux droits en fonction de l’endroit où l’ont vit. Ceci est totalement inacceptable dans une démocratie. Il existe donc une contradiction profonde dans la démocratie quand tu reviens à mettre les périphéries, du périphérie, en un lieu de conquêtes à un certain moment pour que ça ne soit comme ça. Moi, par exemple, cette semaine, j’ai été choquée, et ça juste pour en revenir un peu au contexte politique dans lequel nous vivons dans l’Union Européenne, ce qui fait très peur, car au Danemark, un décret a été approuvé, le Décret du ghetto. Il a été approuvé par la majorité du parlement danois. Il définit que toutes les familles qui vivent dans les quartiers périphériques, qu’elles soient urbaines ou rurales, qui ont un niveau de revenu en dessous du niveau moyen national, doivent amener leurs enfants de 25 heures par semaine au minimum, dans des institutions publiques danoises qui vont se charger de ces enfants, pour leur enseigner les valeurs de ce que c’est d’être danois, et ils vont leurs enseigner ce que sont des valeurs chrétiennes et les obliger à célébrer des fêtes tel que Pâques et Noël...
Tatiana Moura – Ce sont ces enfants qui sont d’origines... ?
Marisa Matias – Diverses et beaucoup d’entre eux, j’en suis sûre sont déjà chrétiens, mais là n’est pas la question.
Tatiana Moura – Ils ne sont pas d’origine danoise c’est ça ?
Marisa Matias – Non, mais quelques-uns le seront, parce que...
Tatiana Moura – Ils sont nés Danois…
Marisa Matias – Oui…
Tatiana Moura – Mais ils veulent cibler les parents des enfants d’immigrants...
Marisa Matias – Oui, mais à partir de ce moment-là, les enfants danois, enfants de parents qui vivent dans des quartiers ou des périphéries, et qui ont un revenu en dessous de la moyenne nationale, doivent présenter, au minimum, 25 heures leurs enfants durant une semaine...
Tatiana Moura – Alors 3 jours… 8 heures par jour.
Marisa Matias – Oui, pour qu’on leur enseigne quelles sont les valeurs danoises, les valeurs chrétiennes, la célébration de Pâques et Noel. Et ceci, est, un peu et au minimum, effrayant, au-delà d’autres des choses qui se passent dans le monde...
Tatiana Moura – C’est une tentative de monstrualisation de la périphérie, car le discours de l’Institut Maria et Joao Aleixo et le projet de construction de l’Institut Maria et Joao Aleixo est de nous faire admettre la dimension dans laquelle la périphérie fait partie de la ville. La périphérie n’est pas une chose en dehors, un espace négatif, quelque chose d’absent, la périphérie est un espace intégré à la ville...
Marisa Matias – Bien sûr que ça l’est.
Tatiana Moura – Qui est ostracisée par le centre...
Marisa Matias – Oui, et cela ne peut pas se faire, non. Et, c’est ce que nous avons, dans le contexte actuel de l’Union Européenne c’est systématiquement cette négation de la périphérie et l’ostracisation de la périphérie, faire de la périphérie un non-espace, un non-lieu. Un lieu de personne, de non-existence, de non-identité, sans vie...
Tatiana Moura – C’est la négation, n’est-ce pas ?
Marisa Matias – Une négation totale. Cela est en train d’arriver dans beaucoup de pays de l’Union Européenne, j’ai juste donné l’exemple du Danemark...
Tatiana Moura – Tu penses que c’est seulement dans l’Union Européenne ou que c’est une tendance globale ?
Marisa Matias – J’espère sincèrement que ce n’est pas une tendance globale, mais dans l’Union Européenne c’est en train de le devenir oui... Ça devient presque un phénomène de masse politique, la négation de la périphérie...
Tatiana Moura – Si nous regardons vers les politiques de Trump, par exemple.
Marisa Matias – Trump, ou si nous regardons l’Amérique Latine, ou bien l’Amérique Centrale, ou beaucoup de pays d’Afrique, ou d’Asie, je veux dire par la... en vérité...
Le problème c’est qu’il y a beaucoup d’espaces en train d’être créés, qui sont vides, complètement vides, qui sont occupés par des formes simplistes et antagonistes de démocratie, car les pouvoirs instrumentalisés par les pouvoirs financiers n’ont pas donné de réponses réelles, ni concrètes aux besoins des personnes, au niveau de l’éducation, de la santé, de la culture...
Tatiana Moura – C’est un problème de gauche ?
Marisa Matias – C’est le problème de tout le monde, mais je sais que la gauche n’a pas donné de réponse à la hauteur...
Tatiana Moura – Tu utilises beaucoup l’expression qui est publique et c’est pour cela que je peux l’utiliser aussi, qui est: « la droite à gagné la bataille du sens commun ».
Marisa Matias – Oui, elle l’a gagné.
Entre le centre et la périphérie dans chacun des pays, il est très facile de vendre aux personnes l’image que c’est de leur faute. Et il est encore plus simple d’ajouter à cela le discours que s’il n’y a pas d’emploi et qu’il y a de la pauvreté, c’est parce que les personnes qui viennent d’autres pays, les réfugiés, les migrants, qui que ce soit, le phénomène qu’ils veulent expliquer aux personnes, est qu’ils prennent leurs places. C’est pour cela qu’il n’y a plus d’emplois et qu’ils sont pauvres. Ceci est une explication simpliste mais qui coule comme de l’eau de source pour les personnes désespérées qui n’ont pas vu l’espoir d’un futur meilleur se concrétiser, mais ils l’ont vu se détruire. Alors, je pense que la gauche à une grande part de responsabilité, oui. Cette espace a été occupé, et il est occupée, non seulement dans l’Union Européenne, mais aussi beaucoup dans l’Union Européenne, par l’extrême droite, par un discours raciste, xénophobe, de rejet de l’égalité, des droits de l’Homme de base et fondamentaux, et à mettre en cause ce qu’est le principe de base et aussi fondamental de la propre conception des droits de l’Homme, qui est l’universalité.
Tatiana Moura – Qu’est-ce que tu entends par là ?
Marisa Matias – Il y a différentes dimensions, mais dans le cas de l’Union Européenne, ce fut quand nous avons eu une crise financière brutale... en 2007, 2008, 2009... qui s’est transformé en crise économique et qui facilement et rapidement s’est transformé en une crise sociale. C’était une crise du système financier, qui fut transformée par les pouvoirs institutifs en une crise des dividendes souverains, et ainsi la responsabilité à arrêté d’être celle du système financier, et elle est devenue celle des contribuables. La nôtre, et une crise que nous n’avions pas créée, nous devions la payer. Quand tout cela est arrivé, les leaders qui ont été rejetés par le système financier, ont mit la faute sur les citoyens et citoyennes de la responsabilité de la crise : Vivre au-dessus des ses moyens, au… Bien, une série de mensonges qui a été vendue et que les personnes ont achetée, pourquoi ? Car ils avaient réellement de faibles revenus et ils ont réalisé que, peut-être, ils avaient une vie qui n’était pas compatible avec leurs revenus, mais cela est réellement juste de la stupidité, parce que tous les mensonges pour avoir un fond, doivent avoir un minimum de vérité. Et nous avons toujours eu une politique de salaires très bas, même ainsi, les personnes ont cru véritablement que la faute était la leur, et le fait d’avoir renommé la crise dans l’espace de l’Union Européenne juste par un décret qui disait : « la crise n’est pas du système financier mais des dividendes souverains, ils ont transféré la faute et tout le monde l’a accepté. Accepté et assumé qu’ils étaient responsables et qu’ils devaient la payer et que d’une forme ou d’une autre, il devrait y avoir ce processus de faute, par rapport à une question qui n’avait aucune importance. Nous sommes loin de sauver la démocratie de l’espace financier, très loin. Mais quand je disais que je ne suis pas fataliste, ni pessimiste, c’est parce que je pense aussi qu’il est évident que, dans un contexte de chômage énorme, de grande pauvreté qui avance, et dans un contexte de plus grandes inégalités entre le centre et la périphérie dans l’Union Européenne et entre le centre et la périphérie...
Entre le centre et la périphérie dans chacun des pays, il est très facile de vendre aux personnes l’image que c’est de leur faute. Et il est encore plus simple d’ajouter à cela le discours que s’il n’y a pas d’emploi et qu’il y a de la pauvreté, c’est parce que les personnes qui viennent d’autres pays, les réfugiés, les migrants, qui que ce soit, le phénomène qu’ils veulent expliquer aux personnes, est qu’ils prennent leurs places. C’est pour cela qu’il n’y a plus d’emplois et qu’ils sont pauvres. Ceci est une explication simpliste mais qui coule comme de l’eau de source pour les personnes désespérées qui n’ont pas vu l’espoir d’un futur meilleur se concrétiser, mais ils l’ont vu se détruire. Alors, je pense que la gauche à une grande part de responsabilité, oui. Cette espace a été occupé, et il est occupée, non seulement dans l’Union Européenne, mais aussi beaucoup dans l’Union Européenne, par l’extrême droite, par un discours raciste, xénophobe, de rejet de l’égalité, des droits de l’Homme de base et fondamentaux, et à mettre en cause ce qu’est le principe de base et aussi fondamental de la propre conception des droits de l’Homme, qui est l’universalité. Indépendamment du contexte de la géographie, de l’âge, du sexe, et c’est en ce moment un chemin encore plus difficile à prendre, car nous sommes encore loin d’y arriver parce que nous avons perdu cette bataille par rapport au commun. L’explication « simple » à cela est de c’est arrivé non pas parce qu’il y a eu un rapt de la démocratie par le système financier, pas parce qu’il y a eu une véritable adoption d’une pensée des politiques publiques au service du système financier et non plus du service des nécessités collectives et de l’intérêt commun mais parce que soudain, on voit l’autre comme un ennemi potentiel, et la politique de la peur a gagné tout cet espace. Nous de gauche n’avons pas su occuper cet espace vide qui a été laissé pour un oubli de réponse, de politique concrète, les nécessités concrètes des personnes.
Tatiana Moura – Je vais laisser la question sur la gauche pour la question 7, qui n’est pas élaborée, qui est ton opinion sur la politique brésilienne et les périphéries au Brésil. Je vais passer à la question 5 : Nous, dans l’InstituTatiana Moura aria Joao Aleixo, considérons que les périphéries sont les centralités car elles sont construites par des acteurs stratégiques en organisation collective. Comment considères-tu la transformation, qui est la participation de ces acteurs stratégiques et des organisations de la société civile des périphéries ? Première partie de la question. La deuxième partie est : Considères-tu que les actions puissent agrandir d’une certaine forme le potentiel humain créatif dans les personnes et des personnes ?
Marisa Matias – Oui, je considère tout cela car je pense que l’une des plus grandes pertes démocratiques que nous avons eu durant ces dernières dizaines d’année, ont été la décapacitation des personnes en tat que sujets politiques actifs et la diminution de la compréhension des personnes du pouvoir qu’elles ont, leur réel pouvoir.
Bien-sûr, mais il y a eu une inversion compète des valeurs démocratiques. Ainsi, une espèce de soumission des personnes par rapport à ceux qui les représent alors que cela devrait être exactement le contraire, parce que ceux qui les représentent sont au service des personnes, et ce n’est pas les personnes qui sont au service de ceux qui les représentent. Il y a donc une inversion totale de ce que sont les valeurs démocratiques et il y a une perte de conception collective de ce qu’est le pouvoir réel et de ce que signifie la démocratie. Et, par conséquent, moi, en représentant des personnes, je ressens toujours que je suis une personne avec moins de pouvoir au milieu de tout ceci, même si j’en représente beaucoup. Ainsi, ces plusieurs personnes ont beaucoup plus de pouvoir que moi.
Tatiana Moura – Une phrase que tu utilises beaucoup : Je suis au service des personnes !
Marisa Matias – Bien-sûr, mais il y a eu une inversion compète des valeurs démocratiques. Ainsi, une espèce de soumission des personnes par rapport à ceux qui les représent alors que cela devrait être exactement le contraire, parce que ceux qui les représentent sont au service des personnes, et ce n’est pas les personnes qui sont au service de ceux qui les représentent. Il y a donc une inversion totale de ce que sont les valeurs démocratiques et il y a une perte de conception collective de ce qu’est le pouvoir réel et de ce que signifie la démocratie. Et, par conséquent, moi, en représentant des personnes, je ressens toujours que je suis une personne avec moins de pouvoir au milieu de tout ceci, même si j’en représente beaucoup. Ainsi, ces plusieurs personnes ont beaucoup plus de pouvoir que moi.
Tatiana Moura – Combien de votes as-tu eu ?
Marisa Matias – Lors de la dernière élection, j’ai eu un demi-million de votes sur quasi 5 millions d’électeurs, donc, plus de 10%. Mais ce n’était pas un vote obligatoire et il y a eu un fort taux d‘abstention. Cela varie beaucoup, et surtout, il y a une incapacité que nous avons aussi en tant que citoyen, je ne me souligne pas en tant que représentante, ni même dirigeante de parti, qui est cette incapacité que de percevoir le pouvoir que nous avons dans la démocratie. Personne, en d’autres termes, nous ne sommes pas égaux dans la vie quand nous naissons parce que nous naissons dans des circonstances très différentes, dans des conditions économiques très différentes...
Tatiana Moura – Nous ne sommes pas égaux mais nous devrions...
Marisa Matias – Nous le devrions, mais ne le sommes pas. Et donc ceci est un point de départ. C’est pour cela que nous faisons de la politique pour être égaux quand nous naissons, mais nous y arriverons un jour parce que je suis optimiste.
Tatiana Moura – Celui qui est activiste est optimiste.
Marisa Matias – Exactement, une activiste optimiste. Mais dans le contexte dans lequel les inégalités se trouvent... où elles prédomient, dans le fait qu’elles soient une condition, malheureusement, une condition de notre circonstance humaine et que nous devons lutter contre elles. Je pense que les inégalités sont la racine problématique de tout. Il y a 2 moments dans lesquelles sont sommes égaux dans la vie qui sont, au moment du vote et de la mort.
Quand nous naissons, nous ne sommes pas encore égaux. Mais quand nous votons, nous sommes égaux, c’est-à-dire, si je suis en train de voter, peu importe que mon vote soit celui d’une députée, d’une citoyenne, ou même si j’étais Présidente de la République ou Première Ministre, c’est indifférent, ma voix vaut autant que n’importe qu’elle autre. Et quand je meurs, je meurs pareil qu’une autre personne, donc...
Tatiana Moura – Tu peux mourir dans de bonnes circonstances ou non, nous avons eu le débat de l’euthanasie au Portugal...
Marisa Matias – Oui, c’est bien ça, mais ceci est un autre débat. Ce que je suis en train de dire c’est que le moment spécifique de mourir, bien-sûr que tu peux mourir dans de bonnes circonstances ou non, nous avons eu le débat sur l’euthanasie que nous avons perdu à 5 voix près, 5 voix de représentants qui, je pense, ne traduit pas la majorité sociale. Mais c’est aussi un problème dont nous pouvons parler: quand est-ce que la majorité politique va, un jour, traduire la majorité sociale ? Mais c’est autre chose, mais dans les circonstances actuelles, nous sommes égaux quand nous votons et quand nous mourrons. Je ne vais jamais oublier le moment où j’ai été avec des travailleuses en grève dans une usine...
Tatiana Moura – Triumph ?
Marisa Matias – Non, celle-ci fut la dernière, mais celles-là, celles-là sont un autre exemple de renforcement de la démocratie parce qu’elles ont lutté au point garantir leur droits quant ce n’était déjà plus possible . Elles ont campé 3 mois, sous la pluie, le vent, la faim, l’hiver, qui est difficile au Portugal.
Au-delà de cela, j’étais en train de dire, j’étais au piquet de grève des femmes au Montemor-o-Velho, près de Coimbra, à une époque proche s des élections et elles faisaient des maraudes de nuit dans l’entreprise, jour et nuit, pour qu’ils ne retirent pas les machines car s’ils les retiraient elles n’auraient ni droit à une indemnisation, ni même pas aux salaires qui étaient en retard. Et, à ce moment, je leur ai demandé : « il va y avoir des élections d’ici peu, allez-vous voter ? Et toutes m’ont répondu: « Non ». Je leur ai alors dit : « mais pourquoi ? », « Parce que cela ne change rien. » Et moi : « Cela ne change rien ? » « Non ! » Et j’ai demandé : « vous pensez que votre patron va voter lui ? » « Ah lui clairement que oui, il a un intérêt à défendre. » « Mais vous êtes beaucoup plus... »
Tatiana Moura – Des femme ouvrières, c’est ça ?
Marisa Matias – Oui, des femmes. Des femmes qui n’ont pas quitté le piquet, j’ai déjà été avec elle plusieurs fois après cela, elles ont beaucoup souffert mais elles sont arrivées à faire valoir leurs droits quand tout semblait qu’elles ne pourraient pas les faire valoir. Mais ainsi, je n’ai plus jamais rien acheter de chez Triumph et je recommande à tout le monde de ne pas acheter, donc ne pas acheter tant que les les droits des ouvrières qui sont là-bas ne sont pas garantis. Au-delà de cela, j’étais en train de dire, j’étais au piquet de grève des femmes au Montemor-o-Velho, près de Coimbra, à une époque proche s des élections et elles faisaient des maraudes de nuit dans l’entreprise, jour et nuit, pour qu’ils ne retirent pas les machines car s’ils les retiraient elles n’auraient ni droit à une indemnisation, ni même pas aux salaires qui étaient en retard. Et, à ce moment, je leur ai demandé : « il va y avoir des élections d’ici peu, allez-vous voter ? Et toutes m’ont répondu: « Non ». Je leur ai alors dit : « mais pourquoi ? », « Parce que cela ne change rien. » Et moi : « Cela ne change rien ? » « Non ! » Et j’ai demandé : « vous pensez que votre patron va voter lui ? » « Ah lui clairement que oui, il a un intérêt à défendre. » « Mais vous êtes beaucoup plus... »
Tatiana Moura – Et elles ont un intérêt à défendre...
Marisa Matias – Oui, et unes d’entre elles m’a dit : « Je n’avais jamais pensé à cela. » Et je lui ai répondu : « Vous êtes beaucoup plus que lui, vous avez beaucoup plus de pouvoir que lui. »
Tatiana Moura – Nous avons vu en Amérique Latine – Colombie, au Nicaragua et au Brésil, les leaders ds périphériques, qui se font remarquer et qui se sont fait assassinés...
Marisa Matias – Marielle…
Maintenant, les élections présidentielles au Mexique, 204...
je ne veux pas comparer parce que nous sommes en train de parler de contextes différents. Mais si moi, ici, dans la confrontation de l’Union Européenne, théoriquement la maison des droits de l’Homme où personne n’est respecté, je n’arrive pas à imaginer qu’est ce qu’est la vie quotidienne pour quelqu’un qui vit avec cela tous les jours.
Tatiana Moura – Je pense que cela prouve dans l’absolu, le pouvoir des périphéries, bien que ce soit tragique, c’est la forme radicale et impunie dans les pays dans lesquelles le système juridique est douteux et a arrêté de fonctionner, de faire taire les voix qui peuvenTatiana Moura ettre les choses à leur place et cela est très effrayanTatiana Moura ais en même temps, cela donne envie de lutter, de lutter plus, en tant que représentants de la périphéries...
Marisa Matias –Mais je ne veux même pas comparer, je ne veux pas comparer parce que nous sommes en train de parler de contextes différents. Mais si moi, ici, dans la confrontation de l’Union Européenne, théoriquement la maison des droits de l’Homme où personne n’est respecté, je n’arrive pas à imaginer qu’est ce qu’est la vie quotidienne pour quelqu’un qui vit avec cela tous les jours.
Tatiana Moura – Ou qui grandi, comme je l’ai dit dans ton autre réponse, en pensant: je n’ai le droit à rien.
Marisa Matias – Exactement, mais j’ai été éduquée, pas seulement par mes parents mais par les générations antérieures, à avoir...
Tatiana Moura – Tu n’as jamais dit ce que tes parents faisaient, car je connais ton histoire...
Marisa Matias – Mon père était un émigrant au Luxembourg dans la construction civile, il a commencé à travailler à 10 ans et après il a été garde forestier le reste de sa vie, quand il est retourné au Portugal, et ma mère a fait le ménage et s’est occupé d’enfants...
Tatiana Moura – Et les deux sont agriculteurs…
Marisa Matias – Et ce sont les deux agriculteurs du village. Aujourd’hui, heureusement, ils sont retraités.
Sincèrement, je pense qu’il n’y a pas d’autre alternative actuellement, et je pense même que c’est ce qui manque. Ou devrais-je dire, je ne veux pas croire que c’est impossible. Non, je ne veux pas…
Tatiana Moura – Et cela nous amène à la dernière question, qui est facile : Est-il possible de créer un centre de conflit international, dont l’épicentre eset l'avancée démocratique guidée par la pédagogie de la coexistence et de l’approfondissement de la socialisation en commun ?
Marisa Matias – Sincèrement, je pense qu’il n’y a pas d’autre alternative actuellement, et je pense même que c’est ce qui manque. Ou devrais-je dire, je ne veux pas croire que c’est impossible. Non, je ne veux pas…
Tatiana Moura – Sinon, tu ne le ferais pas.
Marisa Matias – Non, sinon, j’aurais déjà fait mes valises, je ferais déjà autre chose de ma vie…
Marisa Matias - Bien sûr qu’il est possible, et ça doit être possible parce que sinon rien de tout cela n’a de sens. Et ma première question de base est, comment tous les espaces qui ont été laissés vides, et que nous savons qu’en politique, on a horreur du vide et par conséquent, il est occupé rapidement, comment ont-ils tous été occupés par des forces rétrogrades, racistes, xénophobes...
Tatiana Moura – Les conservateurs.
Marisa Matias – Les conservateurs et qui éliminent cette possibilité du collectif et du commun. Par chance, je suis présidente du Parlement pour l’intergroupe des biens communs. Et ça n’a pas été une tâche facile, mais je pense que…
Et je pense aussi que nous devrions réussir… Ceci dit, aussi difficile que cela puisse être, et pour beaucoup d'angoisse que ça créer, nous défaire de notre sécurité académique et théorique et réaliser que tout dans la vie ne s’explique pas par la notion de propriété, mais peut-être que cela s’explique par la notion d'accès. Ce qui devrait être un bien commun et un droit commun à tous. Et je pense qu’une partie du problème de gauche est de penser que c’est moins de gauche si nous ne mettons pas tous les termes et tout le jargon qu’il doit être mis dans chaque intervention, car sinon ce n’est plus la gauche, puisque ça devient quelque chose de différent. Cela peut être beaucoup plus radical de gauche si l’on répond aux problèmes concrets des personnes, remettant en cause des concepts déjà considérés comme acquis, au lieu de continuer à parler comme si nous étions au XIX siècle (en Europe) et qui ne veut strictement rien dire à personne.
Tatiana Moura – Tu penses qu’on devrait être créer un intergroupe des gens ordinaires ?
Marisa Matias – Des biens communs et des personnes ordinaires. Et je pense aussi que nous devrions réussir… Ceci dit, aussi difficile que cela puisse être, et pour beaucoup d'angoisse que ça créer, nous défaire de notre sécurité académique et théorique et réaliser que tout dans la vie ne s’explique pas par la notion de propriété, mais peut-être que cela s’explique par la notion d'accès. Ce qui devrait être un bien commun et un droit commun à tous. Et je pense qu’une partie du problème de gauche est de penser que c’est moins de gauche si nous ne mettons pas tous les termes et tout le jargon qu’il doit être mis dans chaque intervention, car sinon ce n’est plus la gauche, puisque ça devient quelque chose de différent. Cela peut être beaucoup plus radical de gauche si l’on répond aux problèmes concrets des personnes, remettant en cause des concepts déjà considérés comme acquis, au lieu de continuer à parler comme si nous étions au XIX siècle (en Europe) et qui ne veut strictement rien dire à personne.
Tatiana Moura – La dernière question, qui est la mienne, en retirant celles la qui sont collectives... Selon l’InstituTatiana Moura aria Joao Aleixo, un institut qui se trouve géographiquement dans la périphérie, et qui se dit comme étant un centre international de production de connaissance...
Marisa Matias – Et c’est un centre, un centre encore non reconnu comme un centre, probablement... Ce que je veux dire par là, c’est que nous avons besoin de multiplier les Marés, c’est cela, simplement.
Tatiana Moura – Ce sont des vagues...
Marisa Matias – Oui, nous avons besoin de multiplier les Marés et devons multiplier les périphéries.
Tatiana Moura – Je veux commencer par la phrase : Temer dehors!
Marisa Matias – Premièrement.
Tatiana Moura – Premièrement. La dernière réflexion est : les élections en octobre, quel est ton ressenti ?
Marisa Matias – J’ai l’impression que tout est fait pour qu’il n’y ait pas d'élections, et que ces élections sont très conditionnées. J’ai beaucoup de mal à parler de contextes dans les pays où je ne vis pas…
Tatiana Moura – Tu as des relations politiques avec le Brésil…
Marisa Matias – Oui, j'en ai. Des relations politiques, évidemment et j’ai déjà les miennes…
Marisa Matias – Oui, en fait, mes positions sont certainement connues par la communauté brésilienne dans son ensemble, mais pour la partie politisée qui accompagne cela et, par conséquent, je ne suis pas impartiale. Je prends position et je les ai déjà prises d’ailleurs, par rapport aux élections, et j’ai soutenu et continuerai de soutenir Guilherme Boulos. Mais, ceci dit, je pense quand même que c’est impressionnant, vu de l'extérieur, la manière dont est normalisé un concept de société où l'inégalité est une norme de vie et c’est très effrayant. Et comment l’espace publique est-il occupé ? Il est occupé par beaucoup de résistance, et beaucoup de capacité à revendiquer et en même temps avec une grande normalisation de ce qui ne devrait pas être accepté, qui est une reproduction de ce que nous avons jusqu'à présent. Nous sommes à un moment où le Brésil subit un coup d’état, je suis allée au Brésil récemment et de ce fait, nous avons eu cette discussion aussi très récemment au Parlement Européen à cause des communautés indigènes. Je suis allée au Brésil rendre visite à des communautés indigènes dans le cadre des négociation commerciales de l’Union Européenne et du Mercosul, et nous devons nous libérer de la peur parce que la peur est ce qui nie la démocratie.
Tatiana Moura – Oui, mais c’est une réelle peur quand il y a des personnes qui sont assassinées, non ?
Marisa Matias – Je sais, je sais, mais je reviens à la question que tu as posé avant, non ? Peut-être à différentes échelles et dans différentes dimensions, et avec des impacts différents, nous devons nous libérer de la peur et je crois sérieusement que… Je ne sais pas quel a été l’impact ou quel est l’impact, que l’assassinat de Marielle continue à avoir...
Tatiana Moura – C’est énorme.
Marisa Matias – J'espère bien que cela continue, parce qu'au niveau international cela continue et que les gens n’oublient pas parce le pire, c’est d’effacer la mémoire.
Mais bien sûr, mais comment peut-on avoir confiance en le pouvoir judiciaire qui a, par exemple, un procès comme était celui de Lula, on ne peut s’y fier d’aucune manière. Mais lutter pour la séparation et l'indépendance des pouvoirs est fondamental. Mais surtout, faire que les gens se rendent compte que dans une démocratie, ceux qui décident, par définition, c’est la majorité, par conséquent, si la majorité se mobilise, il n’y a aucune chance que l’oppression continue.
Tatiana Moura – Oui, mais en même temps, l'incrédulité totale du pouvoir judiciaire, c’est à dire, les personnes qui sont assassinées, et…
Marisa Matias – Mais bien sûr, mais comment peut-on avoir confiance en le pouvoir judiciaire qui a, par exemple, un procès comme était celui de Lula, on ne peut s’y fier d’aucune manière. Mais lutter pour la séparation et l'indépendance des pouvoirs est fondamental. Mais surtout, faire que les gens se rendent compte que dans une démocratie, ceux qui décident, par définition, c’est la majorité, par conséquent, si la majorité se mobilise, il n’y a aucune chance que l’oppression continue.
Tatiana Moura – Si la majorité se mobilise, la périphérie deviendra le centre ?
Marisa Matias – Si la majorité se mobilise, nous pourrions même discuter d’une élimination du concept même de centre/périphérie.
Entretien réalisé en juillet/2018
Ricardo Henriques | Brésil |
Économiste et Superintendant Exécutif de l’Institut Unibanco. Il a été le Secrétaire National de l’Éducation Continue, de l’Alphabétisation et de la Diversité (SECAD) du Ministère de l’Éducation et du Secrétariat Exécutif du Ministère du Développement Social, lorsqu’il a coordonné le dessin et l’implantation initiale du programme Bolsa Família. Dans l’État de Rio de Janeiro, il a été Secrétaire d’État à l’Assistance Sociale et aux Droits de l’Homme et Président de l’Institut Municipal d’Urbanisme Pereira Passos (IPP), quand il a développé et implanté le Programme UPP Social. Il a été accesseur spécial du Président de la Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES), chercheur et directeur adjoint dans le domaine social de l’Institut de Recherche Économique Appliquée (IPEA) et, durant plus de 30 ans, professeur au Département d’Économie de l’Université Fédérale Fluminense (UFF). Il a présidé le Conseil d’État de Défense des Droits de l’Enfant et de l’Adolescent de Rio de Janeiro et la Conférence d’Éducation, lors de la 34e Conférence Générale de l’UNESCO (2008). Il a été membre du Conseil d’Administration du International Institute for Education Planning (IIEP-UNESCO) et actuellement, il est membre des Conseils: Amnistie Internationale (Brésil), de l’Association Commerciale de Rio de Janeiro (ACRJ), du Centre d’Étude des Relations de Travail et des Inégalités (CEERT), du Centre d’Excellence et d’Innovation en Politiques d’Éducations (CEIPE-FGV), de la Fondation Maria Cecilia Souto Vidigal (FMCSV), de la Fondation Itaú Social (FIS), de l’Institut Natura, de l’Institut República, de l’Institut Sou da Paz e Todos pela Educação (TPE).