IDeA:indicateur des des inégalités et des apprentissages
Le droit de tous à l’éducation de qualité
Mauricio Ernica
Maria Alice Setubal
| Brésil |
décembre 2019
traduit par Déborah Spatz
> > > IDeA - Indicador de Desigualdades e Aprendizagens
La défense du droit à l’éducation requiert des indicateurs d’éducation pour la vérification de sa réalisation. Avec eux, il est possible, tant de produire des descriptions et des explications précises de la réalité éducationnelle, en identifiant les avancées et les défis, que de formuler des politiques publiques adaptées. La construction de ces indicateurs, d’un autre côté, dépend de la manière dont se définit le droit à l’éducation, la réalité qu’on veut voir être réalisée.
La constitution Fédérale de 1988 définit l’éducation comme un droit universel. Face à cela, nous considérons que le droit à l’éducation sera respecté si, et seulement si, à l’âge adapté, chaque personne : a) a accès à l’inscription dans une école, b) reste inscrite et réalise la trajectoire scolaire régulière durant la période d’éducation de base obligatoire et c) aura obtenu, à la fin de la scolarisation de base obligatoire, les apprentissages nécessaires pour participer aux activités sociales pour lesquelles il est nécessaire d’avoir des savoirs scolaires.
Les indicateurs existants au Brésil, aujourd’hui, nous permettent de voir que, depuis la redémocratisation, le pays parvient très bien à faire face au défi d’assurer le droit à l’éducation, produisant des avancées qui doivent être célébrées. Malgré cela, avec l’élargissement des opportunités d’éducation, les défis se transforment aujourd’hui et prennent de nouvelles formes. Pour cela, de nouveaux instruments de vérification du droit à l’éducation, ajustés aux défis du moment, sont nécessaires.
L’IDeA aborde l’apprentissage. La prémisse sur laquelle il se base est que, dans un système d’enseignement juste, tous les groupes sociaux doivent avoir accès de manière égale à un apprentissage de qualité, cela signifie : tous les groupes sociaux, équitablement, doivent atteindre des paliers minimums d’apprentissage et, en plus de ça, leurs membres doivent avoir les mêmes chances d’atteindre les niveaux les plus hauts de performance
En 1980, environ 85% des enfants brésiliens étaient inscrits en première année. Cependant, les taux de redoublement pratiqués dans le système d’enseignement brésilien à cette époque étaient très élevés : ils étaient d’environ 40% en première année, retombant à environ 25% jusqu’en 4e année. Ils remontaient ensuite à nouveau, 45% en 5e année pour atteindre ensuite 25% en 8e année1(KLEIN ; RIBEIRO, 1998).
L’un des résultats produits par une telle sélection a été qu’en 1980, la moitié de la population en 12 et 15 ans concluait les quatre premières années d’étude et seulement 25% des adolescents entre 16 et 18 ans concluaient les 8 premières années d’étude2(RIBEIRO, CENEVIVA, BRITO, 2015, p. 87).
Nous avions, ainsi, un système d’enseignement qui permettait à peu d’élèves de progresser et qui concentrait les élèves dans ses premières années, jusqu’à ce qu’ils abandonnent. La petite part de ceux qui avaient accès aux niveaux les plus élevés de l’enseignement de base et à l’enseignement supérieur appartenait, majoritairement, aux classes urbaines moyennes et élevées3(RIBEIRO, CENEVIVA, BRITO, 2015, p. 87 ; BRITO, 2017).
Après la Constitution Fédérale de 1998 et les Loi de Directrices et de Bases de l’Éducation (LDB) de 1996, le pays a fait face avec succès aux problèmes de l’accès et de la permanence dans l’éducation de base. Dès lors, les défis relatifs à la conclusion des étapes de scolarisation de base ont été déplacés vers les dernières années de l’enseignement primaire et secondaire. En 2010, l’accès à la première année était pratiquement universalisé, environ 90% des adolescents entre 12 et 15 ans concluait les 4 premières années d’études et environ 70% de la population entre 16 et 18 ans avait conclu les huit premières années de scolarisation4(RIBEIRO, CENEVIVA, BRITO, 2015, p. 87).
En plus de faire face à des défis d’accès et de progression, à partir des années 1990, le pays a pris en charge un défi fondamental pour assurer le droit à l’éducation : il a mis la qualité de l’enseignement au centre de l’agenda de l’éducation. Dans les années 2000, avec la Prova Brasil et l’Indice de Développement de l’Éducation de Base, l’IDEB5(FERNANDES, 2007), des objectifs ambitieux d’apprentissage ont été définis, qui ont pour but de diminuer la distance qui nous sépare des pays de l’OCDE.
Dès lors, la qualité de l’apprentissage s’est expressivement améliorée dans les premières années de l’enseignement primaire, même si cette avancée est plus faible dans les dernières années et, au lycée, presque aucun progrès n’a été fait. De fait, entre 2007 et 2015, la moyenne nationale en Langue Portugaise, lors de la Prova Brasil, en 5e année a augmenté de 30 points. Ce résultat doit être célébré, puisque 20 points correspondent, approximativement, à l’apprentissage attendu en une année scolaire.
Ce portait, qui met en évidence l’expansion des opportunités d’éducation dans le pays est bien connu. Il est cependant incomplet. L’analyse de la réalisation du droit à l’éducation, en plus d’observer ces résultats généraux, doit mener une enquête plus précise : étant donné l’expansion des opportunités d’éducation, les individus des différents groupes sociaux ont-ils les mêmes chances de se les approprier, assurant leur droit à l’éducation ? En d’autres termes : le droit a, à l’âge adapté, a) avoir accès à l’inscription scolaire, b) conclure les étapes de l’éducation de base et c) apprendre le nécessaire pour participer à des activités de la vie sociale qles individus des différents groupes sociaux ont-ils appris le nécessaire pour participer aux activités sociales pour lesquelles il est nécessaire d’avoir des savoirs scolaires, est-il garanti pour les individus des différents groupes sociaux ?
La réponse à cette question est non, puisque, avec l’expansion des opportunités d’éducation, de nouvelles formes d’inégalité se produisent. En ce qui concerne la conclusion des étapes de la scolarisation, alors que les classes les plus élevées sont toujours plus scolarisées, concluant plus fréquemment toute l’Éducation de Base, les élèves des classes sociales inférieures continuent d’être le groupe le plus exposé au risque d’avoir un scolarisation plus courte, ne concluant pas l’Enseignement Primaire et encore moins le lycée6(RIBEIRO, CENEVIVA, BRITO, 2015; BRITO, 2017).
D’un autre côté, quand on analyse l’apprentissage, on remarque que l’évolution des résultats moyens masque la croissante inégalité d’apprentissage entre les groupes sociaux. Effectivement, l’évolution positive de la moyenne a été produite par la progression plus importante des résultats des groupes en position plus avantageuse à l’école publique – ceux venant d’un niveau socioéconomique plus importants et les blancs -, qui ont fait augmenté leur avantage sur les élèves de niveau socioéconomique inférieur, ainsi que les noirs, respectivement7(ALVES, SOARES, XAVIER, 2016). Par exemple, entre 2007 et 2015, alors que les résultats moyens en lecture en 5e année ont augmenté de 30 points, l’inégalité entre les résultats des filles blanches ayant un niveau socioéconomique plus important et ceux des garçons noirs au niveau socioéconomique inférieur est passé de 44 à 59 points.
Même si on doit reconnaître l’importance des indicateurs éducationnels existants, principalement le IDEB, pour le débat éducationnel du pays, il faut dire que les indicateurs basés sur les moyennes sont insuffisants pour observer les inégalités dans la réalisation du droit à l’éducation.
Même si on doit reconnaître l’importance des indicateurs éducationnels existants, principalement le IDEB, pour le débat éducationnel du pays, il faut dire que les indicateurs basés sur les moyennes sont insuffisants pour observer les inégalités dans la réalisation du droit à l’éducation
Ayant ce défi en tête, un groupe de chercheurs, avec à sa tête, le professeur José Francisco Soares (UFMG8L’équipe suivante a élaboré l’IDeA : José Francisco Soares, Professeur Émérite de l’UFMG et membre du Conseil National de l’Éducation, il a conçu l’IDeA et est à la tête de son développement ; Erica Castilho Rodrigues (UFOP) a intégré l’équipe de chercheurs, étant responsable du développement du IDeA ; Mauricio Ernica (Faculté d’Éducation de Unicamp) a coordonné et intégré l’équipe qui a développé l’IDeA ; Victor Maia Senna Delgado (UFOP) a intégré l’équipe de chercheurs dans les étapes initiales du projet. ), soutenus par la Fondation Tide Setubal, a développé un indicateur l’Indicateur des Inégalités et des Apprentissages (IDeA), disponible sur www.portalidea.org.br
En proposant encore un indicateur, les chercheurs veulent l’ajouter aux autres mesures existantes. Enfin de compte, la vérification du droit à l’éducation exige un ensemble d’indicateurs qui abordent ses différentes dimensions.
L’IDeA aborde l’apprentissage. La prémisse sur laquelle il se base est que, dans un système d’enseignement juste, tous les groupes sociaux doivent avoir accès de manière égale à un apprentissage de qualité, cela signifie : tous les groupes sociaux, équitablement, doivent atteindre des paliers minimums d’apprentissage et, en plus de ça, leurs membres doivent avoir les mêmes chances d’atteindre les niveaux les plus hauts de performance.
Comme l’enseigne Bobbio (1993), l’égalité et l’inégalité sont des relations et, pour les analyser, il faut définir qui est égal ou inégal et par rapport à quoi. Ainsi, pour analyser s’il y a ou non inégalité d’apprentissage dans une réalité donnée, il faut définir l’unité à analyser : une inégalité entre qui ?
L’IDeA prend comme unité d’analyse des groupes d’élèves. Ainsi, il définit comme inégalités éducationnelles, les différences entre les attributions de résultats éducationnels de groupes d’élèves définis par trois attributs hautement traditionnellement considérés dans l’abordage des inégalités éducationnelles : niveau socioéconomique, race et genre
Les différences d’apprentissage entre les distributions de groupes d’élèves définis par ces attributs sociaux ne sont pas acceptables et doivent être considérés comme des problèmes prioritaires des politiques publiques, puisqu’elles indiquent qu’appartenir à un groupe social donné modifie la chance de l’ensemble de ses individus d’apprendre plus ou moins, en d’autres termes, il modifie la chance d’avoir son droit à l’éducation pris en compte.
Il peut y avoir, entre les individus, sous certaines conditions précises, des différences d’apprentissages acceptables par la politique publique. Nous mettons en avant deux conditions. La première est que les différences doivent être considérées seulement entre les individus au sein d’un même groupe et non entre groupes. La seconde est que les individus aux résultats d’apprentissages les plus élevés sont acceptables si, en plus d’être retrouvés avec une certaine fréquence dans tous les groupes, un palier minimum d’apprentissage qui permette aux individus aux performances moindres de participer aux activités de la vie sociale qui réclament les savoirs scolaires soit universalisé.
L’IDeA a été calculé pour chaque ville brésilienne, tant pour la 5e année que pour la 9e, à partir des résultats de la Prova Brasil de 2007 à 2015. Il mesure, en même temps, deux dimensions, qui indiquent deux situations qui doivent être assurées simultanément pour que le droit à l’éducation de qualité soit assuré.
La première dimension de l’IDeA est une moyenne de qualité de l’apprentissage : le niveau d’apprentissage de l’ensemble des élèves de la ville en lecture et en mathématiques, en 5e et en 9e année. Le niveau d’apprentissage a été calculé à partir de la moyenne de la différence entre la distribution de l’apprentissage de l’ensemble des élèves de chaque ville observée et une distribution de référence, assumée comme un modèle voulu pour le pays à ce moment-là. Cette distribution de référence a été construire à partir de la translation vers l’école de la Prova Brasil du résultat au PISA d’un pays typique de l’OCDE9(SOARES, RODRIGUES, ERNICA 2019).
La seconde dimension de l’IDeA est formée par les moyennes des inégalités d’apprentissage entre les groupes d’étudiants au sein de chaque ville, dans chacune de ces disciplines, à chaque année scolaire. Tant pour la lecture que pour les mathématiques, en 5e année, ou en 9e année, on calcule trois moyennes d’inégalités, qui sont la différence entre les distributions d’apprentissage entre des groupes définis par niveau socioéconomique, race et genre. Ces moyennes comparent les distributions des résultats de l’élève du moins importants aux plus important niveau socioéconomique ; de ceux qui se déclarent noirs et blancs, des filles et des garçons.
De cette façon, en tout, pour chaque ville brésilienne, l’IDeA calcule 12 paires d’indicateurs, en observant toujours et en même temps, une mesure de niveau d’apprentissage et une mesure de l’inégalité. Idéalement, on attend que les villes assurent des niveaux d’apprentissage élevés dans les deux disciplines, dans les deux années scolaires ainsi que l’équité entre les groupes d’élèves définis par leur niveau socioéconomique, leur race et leur genre.
La première régularité est que le Brésil assure des situations d’équité d’apprentissage en lecture et en mathématiques, entre des groupes définis par niveau socioéconomique et de race, avec une plus grande fréquence dans les villes au niveau d’apprentissage inférieur à celles des villes au niveau d’apprentissage plus élevé. En d’autres termes, l’équité entre les groupes socioéconomiques et raciaux est plus fréquente quand tous apprennent un peu, en sachant que, quand il y a un plus grand niveau d’apprentissage, l’équité entre eux est rare et les inégalités sont fréquentes, favorisant les élèves au niveau socioéconomique plus élevé, ainsi que les blancs.
La première régularité est que le Brésil assure des situations d’équité d’apprentissage en lecture et en mathématiques, entre des groupes définis par niveau socioéconomique et de race, avec une plus grande fréquence dans les villes au niveau d’apprentissage inférieur à celles des villes au niveau d’apprentissage plus élevé. En d’autres termes, l’équité entre les groupes socioéconomiques et raciaux est plus fréquente quand tous apprennent un peu, en sachant que, quand il y a un plus grand niveau d’apprentissage, l’équité entre eux est rare et les inégalités sont fréquentes, favorisant les élèves au niveau socioéconomique plus élevé, ainsi que les blancs
Ceci peut être illustré avec les résultats de lecture en 5e année. Nous avons connu 1 536 villes au niveau d’apprentissage bas ou moyen-bas, parmi eux, 728 (47%) sont en situation d’équité entre les groupes socioéconomiques et 990 (64%) en situation d’équité entre les groupes raciaux. Par exemple, il y avait 1 083 villes au niveau d’apprentissage élevé, parmi elles, seule 20 (1,8%) sont en situation d’équité entre les groupes socioéconomiques et 83 (7,7%) le sont entre les groupes raciaux.
La seconde régularité est que les inégalités par genre ont un comportement spécifique. Toujours en ce qui concerne la 5e année, il y a beaucoup plus de villes qui sont parvenues à l’équité par genre en mathématiques et non en lecture, en sachant que ce pourcentage varie beaucoup au long des niveaux d’apprentissage. En mathématiques, parmi les villes inégales, dans 62% d’entre elles, les garçons sont en situation plus avantageuse et dans 38% des villes inégales, ce sont les filles qui prennent l’avantage sur les garçons.
Quand on observe les villes spécifiques, l’IDeA permet de voir, en détails, leurs acquis et également les défis qui se présentent pour chacun d’entre eux.
Toutes les villes ont des défis, même les petites qui ont déjà réussi à avancer plus dans la garantie des niveaux d’apprentissage élevé et dans l’équité entre certains élèves. Ceci parce qu’aucune ville ne garantit simultanément, en 5e et en 9e année, un haut niveau d’apprentissage en lecture et en mathématiques, et, dans tous ces cas, l’équité par niveau socioéconomique, de race et de genre.
En construisant l’IDeA, nous reconnaissons et nous célébrons les nombreuses avancées que le pays a produites dans la garantie du droit à l’éducation depuis la redémocratisation. Le Brésil a déjà pris en charge des défis importants et l’heure d’en assumer un de plus est arrivée : l’éducation de qualité doit être pour toutes et tous, sans exception. En fin de compte, nous aurons seulement une éducation de qualité quand, en plus d’assurer l’accès à l’inscription scolaire et à la trajectoire scolaire régulière, nous garantirons que tous les groupes sociaux aient un accès égal à apprentissage de qualité, sans qu’un groupe ne soit exposé au risque d’un apprentissage de qualité inférieure.
ALVES, Maria Teresa Gonzaga; SOARES, José Francisco; XAVIER, Flávia. Desigualdades educacionais no ensino fundamental de 2005 a 2013: hiato entre grupos sociais. Revista Brasileira de Sociologia, vol 04, n. 07, jan-jun, 2016.
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BRITO, Murillo Marschner Alves de. Novas tendências ou velhas persistências? Modernização e expansão educacional no Brasil. Cadernos de Pesquisa, vol 47, n. 163, p. 224-263, jan-mar 2017.
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KLEIN, Ruben; RIBEIRO, Sergio da Costa. A pedagogia da repetência ao longo das décadas. Ensaio: Avaliações e Políticas Públicas em Educação, Rio de Janeiro, v. 3, n. 20, p. 55-61, jul./set. 1998.
RIBEIRO, Carlos Antonio Costa; CENEVIVA, Ricardo; BRITO, Murillo Marschner Alves de. Estratificação educacional entre jovens no Brasil: 1960 a 2010. In: Arretche, Marta (Org.). Trajetórias das desigualdades: como o Brasil mudou nos últimos cinquenta anos. São Paulo: Centro de Estudos da Metrópole e Ed. Unesp, 2015.
SOARES, José Francisco; ERNICA, Mauricio; RODRIGUES, Erica Castilho. IDeA – Indicador de Desigualdades e Aprendizagens – Nota Técnica. São Paulo: 2018. Disponível em: www.portalidea.org.br
Mauricio Ernica | Brésil |
Professeur de l’Université d’Éducation de l’Unicamp et Conseiller de la Fondation Tide Setubal
ernica@unicamp.brMaria Alice Setubal | Brésil |
Présidente du Conseil de Curateur de la Fondation Tide Setubal