littérature et poésie

periferias 6 | race, racisme, territoire et institutions

sélection poétique II

le langage des tambours | chants des rivières | prière | grand-mère | libre-arbitre bahianais de dire je t’aime | l’Amérique danse l’Afrique | à mon amour à la peau noire | tu ne vas pas te défaire de moi si rapidement | la valeur obsolète du Non

Rosa Chamorro | Sara Regina | Jho Ambrósia | Luana Galoni | Noemi Alfieri

| Brésil | Colombie | Italie |

traduit par Déborah Spatz

Rosa Chamorro
le langage des tambours 

Ouvrir les paumes des mains.

Il n’y a pas encore de monde. Pousser le vent vers la peau. Coup. Les pleures commencent, le début de tout. Je suis l’histoire, le chant. Le mot qui émerge depuis des millénaires de la résistance à la mort. Rébellion. Les corps battant la terre, je m’interroge sur la douleur de mon peuple. J’expérimente la sueur de la vie. Je respire la bête féroce. Appel, je rentre en nous tous. Réponse, nous avons vaincu la peur. Nous pénétrons la nuit avec les ancêtres. La lumière est vieille, elle a laissé les callosité d’espérance entre les mains. Elle écoute ce que nous sommes. Les dieux parlent.

 

chants des rivières

En ma grand-mère quelque chose des rivières étaient resté
Tellement à elle qu’elle la portait d’un côté à l’autre
J’espérais revenir
Dans l’un de ses ruisseaux
Pour me sauver

prière

Sauve-moi
Josefina
Avant que le monde ne me rende fou de ses bruits
Me bercer
Me balancer
Dans ce balancement
Que seuls connaissent
Les hommes et les femmes
À pas fuyants

Chante pour moi, Josefina
Maintenant je suis poisson
Mets le temps dans la profondeur
Avant que le soleil n’apparaisse, comme un miroir sur l’eau
Et qu’il ne cache l’empreinte 

Je veux me sauver
Sans partir,
Josefina

Emmène-moi aussi loin que va ta mémoire
Enseigne-moi à enlacer nos expériences
Les renvoyer pour ne pas les oublier
Pour continuer à chanter

 

grand-mère

Toi aussi, tu as été frappée à la tête
Et ils ne t’ont pas renversée

Je t’imagine, grand-mère, entendant la voix de la forêt
Voyant ton esprit de pluie disparaître
Te sauver de la monstruosité de ton souffle
Dans une nuit sans heures

Ils ne t’ont pas renversé grand-mère
Dans les plantations
Ou dans l’obscurité de la mine
Ni même, grand-mère
Quand ils vous été enlevés, oui, les enfants avides de la lune.

Ni même avec le poids de leur Dieux
Ou le bâton de leur loi

Grand-mère,
Tu as gardé dans les coin le retour déjà perdu
Et dans tes cheveux la promesse d’un nouveau jour s’est élevé. 

Ils ne l’ont pas vu venir,
Ils étaient distraits par le bon noir
Confiants en le sceau, comme tâche du nom
Espriella, López, Mina… de génération en génération
Mais tu savais que la cage était invisible, 
Alors
Ils ne t’ont pas renversé
Et je suis toujours là
Luttant contre ceux qui vivent la nuit dernière, 

Et non, non, grand-mère
Ils ne t’abattront pas. 

pour Harriet Tubnam, ma grand-mère Josefina et toutes les femmes noires d’Amérique

 

Sara Regina
libre-arbitre bahianais de dire je t’aime

Comme durant une époque de carnaval sont nés

dans le Recôncavo Bahianais
les configurations et les reconfigurations de l’amour entre toi et moi

Arrivé comme un indien Maracás distinct,

consenti par moi, les rythmes d’un chant approprié pour tisser
des enchantements intimes dans mon cœur

La belle lueur du sertão m’a emmené
Elle m’a récompensé avec des mots appropriés

Ne faisant jamais entendre des sons et des sourires en vain
Prônant la robustesse d’un vrai guerrier
Me réconfortant d’une forme non anthropophagique 

Mais d’une façon plus charnelle et chaude
Une façon tendre, rien qu’à elle de s’entremêler.

Elle a perpétré les températures élevées de mon âme
Elle a activité en mois un processus non-inclusif, 

Si magique d’aimer,
De la forme la plus érosive et explosive…
D’une façon bien à elle de transgresser l’émotion suave et clairvoyante 

Justement moi ? Qui pensais qu’il y avait un cœur mécanique et inébranlable
Je dis que je t’aime et je parviens aujourd’hui à l’âme,
la sérénade grave et l’intense attitude d’être une femme libre, rêveuse,
limpide, expressive et unique

Aussi resplendissante que la lune du Sertão du Nord-Est de Bahia
Noire, ferme, intense, belle et perspicace
Telle que la nuit naissante et amoureuse

De l’Humaitá dans la Baie de tous les Saints

 

Fia Di Dona Dorva
l’Amérique danse l’Afrique 

Danse ma fille, danse!
Au son du CANDOMBLE pour moi.

Danse petite fille noire, danse
Parce que l’agogô frappe ainsi : 
Pim pim pim pim pim
Pim pim pim pim pim
Danse petite fille noire, danse
Danse le JAZZ que ta tante
A chanté et enchanté dans le Nord
Et a donné la vie au rythme de la mort.

Danse et chante
Ma petite fille noire
Chante l’IJEXÁ que résonne
Sur la colline du Pelourin. 

Chante, danse, balance et tourne
Le REGGAE de São Luiz,
Avec le MARACATÚ d’Olinda,
Avant que l’eau ne t’envahisse
Comme elle m’a envahit. 

Chante, petite fille noire,
Danse le FUNK de la vie
apporte la paix
du bale en mon âme
Balance tes pieds
dans la salle empoussiérée
du CALANGO de Minas Gerais
parce que grand-mère a préparé du café
et des biscuits de maïs, pour toi et pour moi
Danse, petite fille noire, chante
Le BAIÃO à la tête de travers
qui perturbe les plus amers
et enchante les plus contrariés. 

Viens là, petite fille! 
Fais tout tomber dans mon
cœur de CAPOEIRA ANGOLA
Et jette dans la ginga de l’envie
Que je tiens dans mes mains
Berimbau, Berimbau
Berimbau, Berimbau, Berimbau

 

Luana Galoni
à mon amour à la peau noire

à mon amour à la peau noire,
au sein de mon égoïsme
du privilège de la palette
du plus ou moins rien,
je te demande d’ors et déjà pardon,
mais,
parfois je voudrais te peindre en d’autres couleurs
pour que les autres te voient au-delà du ton
qu’ils te découvrent tout ce que je sais
je voudrais te peindre en arc-en-ciel pour voir sourire chaque blessure et
Qu’elle guérisse, comme des coups de langue.
je voudrais te peindre en bleu-ciel
bleu, couleur de la mer,
je te voudrais indigo
pour voir si tout cette dispute se termine
disparaisse
prenne un autre rythme
un autre accord,
mais, en parlant de couleur
je te voudrais palette complète
en un dégradé de tout ce que tu peux encore devenir, ô
mon amour à la peau noire,
je te voudrais seulement mon amour
sans qu’on me rappelle à chaque coin de rue qu’on
touche les blessures ouvertes
chaque fois qu’on nous regarde de loin
le regard plein de peur.
je voudrais te rencontre chaque non-lieu vécu
et
senti
et les amours refusés,
les curriculum rejetés.
à mon amour à la peau noire
mon ami à la peau noire
mon auteur à la peau noire
mon peintre à la peau noire
mon père à la peau noire,
je voudrais juste les rendre père
juste peintre
juste auteur
juste ami
juste amour.
je voudrais t’avoir en orange
rouge,
j’aime le rouge,
mais
j’en voudrais plus
je voudrais,
du presque privilège du plus ou moins rien de la palette, que
ta couleur,
est,
celle-ci,
belle,
oui,
tes lèvres
hmm,
cette couleur,
celle-ci même,
ne te fasse pas crier de douleur. Qu’elle ne soit
que
comme elle est,
belle,
ta couleur

 

Noemi Alfieri
tu ne vas pas te défaire de moi si rapidement

Étrangère : jamais

Citoyenne de nulle part
âme de toute part
satanée sorcière,
Tourment.
Tu ne vas pas te défaire de moi si rapidement

la valeur obsolète du Non

Non

Trois lettres obsolètes rassemblée par une vague.
Naufragés sur le seuil de deux continents
elles rassemblent des mois de voyage en un seul espoir.
Deux milles personnes par jour sur la frontière de la vie,
trois milles couteaux dans le cœur de Damas.

Deux ou trois voix solennelles
de leurs confortables fauteuils en cuire
disent que non, nous n’avons pas les moyens
de laisser les âmes passer le mur,
qu’il faut rester du côté de la mort. 

Que non, nous ne pouvons pas permettre
que les puissances terroristes
inculquent le germe de la violence dans l’Europe prospère
des personnes sans emploi
des personnes sans abris
des dettes
de l’Euro.

Qu’ils gardent les atrocités que nous avons créés !
— ils disent en cachette.

Trois lettres libres se rassemblent
Face aux yeux épuisés des enfants
à la détermination d’un père
à la fermeté d’une mère avec son enfant dans ses bras
aux générations de l’holocauste de notre millénaire.

Trois lettres libres se rassemblent
forment un nœud au milieu de l’estomac.
Ils disent que ça suffit,
qu’aujourd’hui, demain, pour toujours,
C’est le moment du non.


 

Rosa Chamorro | Colombia |

Rosa Chamorro, poètesse afro-colombienne, née à Corozal (Sucre), en 1985. Elle est philosophe spécialisée en Politiques Publiques et Justice de genre. Elle est activiste politique et sociale. Elle garde le rythme du tambour pour accompagner sa poésie. Elle est aussi chercheuse de la musique ancestrale et essayistes. Ses livres « Luna en Fuego » et « La Sierra Negra » ont été publiés. 

Rosa Chamorro – Escritos | Poesía | Libros 

rmchc1985@yahoo.es

Sara Regina | Brésil |

Sara Regina est une écrivaine noire, poétesse, activiste et assistante sociale, habitant à Santo Antônio de Jesus, la capitale de la région du Recôncavo de Bahia.

@sara.ssocial

Jho Ambrósia  | Brésil |

Femme noire de Duque de Caxias de plus de soixantes ans, professeure et éternelle étudiante. Petite fille de Dona Maria Ambrósia et très fortement engagée avec les mots, tant écrits que dits.

Luana Galoni | Brésil |

Est née dans la Baixada Fluminense. Elle est psychologue et chercheuse dans le domaine de la violence sur les enfants, écrivaine et poétesse. Elle transite ainsi entre l’art de l’écoute et de l’écriture, avec la publication de livres dont elle est l’autrice et la participation à des anthologies. 

luana.luiza.galoni@gmail.com

@luanagaloni_

Noemi Alfieri | Italie |

Noemi Alfieri est née à Turin (Italie), en 1988. Elle écrit, elle mène des investigations et migrante. Elle vit au Portugal depuis 2014. Son écriture est traversée par les inquiétudes liées à la violence, le genre, le colonialisme, l’oppression capitaliste, la propagande et les constructions raciales. En 2020, elle a publié un livre de poèmes Cem agulhas nos ossos/ Cento aghi nelle ossa [Cent aiguilles dans les os], aux éditions Urutau.

n.alfieri@yahoo.it

@nomalfieri

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