Périphéries Invite

periferias 3 | expériences alternatives

illustration: Mural: Alfred ‘Libre’ Gutiérrez | Photo: Michele Barros

Global Grace

Créer des cultures d’égalité : les chemins de la périphérie

Suzanne Clisby
Mark Johnson

| Royaume Uni |

traduit par Déborah Spatz

Début mai 2019, des universitaires, des activistes, des artistes et des personnes travaillant dans des ONG du monde entier se sont réunis à Rio de Janeiro, pour partager, discuter et débattre autour des possibilités et des défis de créer des Chemins vers des Cultures d’égalité (PercursosCriativos Para Culturas de Equidade, du 7 au 9 mai). L’évènement a été co-organisé par des équipes de tout le Brésil et du Mexique - Promundo-Brasil, Instituto Maria e João Aleixo –UNIperiphériés, Observatório de Favelas, e Institut de Relations Internacionales PUC-Rio, Voces Mesoamericanas and l’Université Nationale Autonome de Chiapas  - il s’est tenu à deux endroits : au Galpão Bela Maré et à la PUC-Rio (Université Catholique de Rio de Janeiro). Les conversations et les échanges, à propos d’art et de politique, de pratiques de la mémoire et résistance, de ré- existence de la périphérie au milieu de la violence de l’État, ont permis de produire des idées critiques et ont fait naître de nouvelles relations. Le point culminant de l’événement a été le lancement de la fresque murale ci-dessus d’Alfred ‘Libre’ Guitterez, commandée par les organisateurs, et inspirée et peinte en collaboration avec les femmes et les hommes, les enfants et les jeunes de Bela Maré.

L’événement Percursos Criativos a été une issue et une itération d’un réseau de partenariats collectifs établis par le Global Gender and Cultures of Equality project [projet global de genre et de cultures de l’égalité. Le Global Grace est un programme de recherche et de capacité de renforcement de quatre ans créé par le Fonds de Recherche Global Challenges (GCRF) de l’Institut UKRI, organisé par le Conseil de recherches sur les Arts et les Sciences Humaines. GlobalGrace utilise des interventions artistiques, des travaux pratiques de recherche des conservations ainsi que des expositions publiques pour permettre des approches de genre positives du bien-être au niveau international, en abordant deux objectifs clé du développement durable des Nations Unies : l’Égalité de Genre (SDG5) ainsi que la santé et le bien-être (SDG3). Le projet réunit des partenaires de recherche du Bangladesh, du Brésil, du Mexique, des Philippines, d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni, ainsi que d’autres experts d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord. Ensemble, nous examinons les différentes façons dont les pratiques créatiques des personnes remettent en cause les systèmes de privilège et permettent de nouvelles possibilités pour des modes plus équitables.

Les équipes de recherche travaillent de manière collaborative sur des projets interconnectés dans six pays du monde, de la manière suivante :

● théâtre et spectacle en Afrique du Sud, incluant la mise en place d’un groupe indépendant de travailleurs du sexe de la ville du Cap, afin de défier les systèmes qui perpétuent la violence sexuelle et augmentent les aspirations et la confiance en soi des personnes qui se prostituent pour subvenir à leurs besoins et à ceux des autres ;

● la réalisation de films collaboratifs au Bangladesh afin d’enquêter sur les obstacles rencontrés par les femmes dans les professions généralement masculines et la manière dont l’occupation de ces professions par des femmes remet en cause les régimes de genre ;

● la cartographie relationnelle et les bourses artistiques au Brésil afin de documenter et de rendre possible différentes manières de « penser » et de « faire » des masculinités, dans un contexte de fragilité urbaine et de traumatisme ;

● des ateliers d’écriture créative aux Philippines afin de dévoiler les formes de discrimination auxquelles la jeune population LGBTQ est confrontée et créer de nouvelles opportunités pour permettre de passer d’une culture de tolérance à une culture de droits et de reconnaissance ;

Mural produced by Brazil project team working under the direction of Libre Gutierrez and in collaboration with young people at Bela Mare.

● un musée itinérant des migrants (MuMi) à Los Altos de Chiapas, Mexique, qui inclut des œuvres d’art, des films participatifs, afin d’enquêter sur la manière de vivre de jeunes indigènes, femmes et hommes, les problèmes auxquels ils font face et les possibilités pour le « bien vivre » (BuenVivir)et le « bien migrer » face aux disparitions, aux détentions et à la violation des droits du travail ;

● des recherches qualitatives et participatives au Royaume-Uni et en Afriques du Sud pour étudier la manière dont le genre et la race se croisent dans les espaces organisationnels et de pratiques

● des musées et des galeries d’art. Vous trouverez plus de détails sur tous les projets et nos partenaires de projets sur le site internet de GlobalGRACE.

Chacun de nos projets repose sur trois idées d’organisation de base et des séries de questions.

La première est que l’égalité est un artefact culturel. Nous enquêtons sur les différentes manières dont les égalités sont créées et contestées dans différentes parties du globe. Nous demandons à des groupes de personnes positionnés différemment et qui subissent des formes multiples et croisées d’inégalités à quoi ressemblent et comment se ressentent l’égalité et le bien-être ?

La seconde est que les cultures peuvent être mieux comprisesen tant que pratiques par lesquelles les personnes créent le monde dans lequel elles vivent. Nous étudions la manière dont les pratiques créatives des individus défient les inégalités et permettent de créer de nouvelles possibilités pour des modes de vie plus équitables. Nous demandons de quelle façon la pratique basée sur les arts permet aux personnes de devenir des connaisseurs plus réflexifs et agissants, et de construire et d’imaginer des futurs alternatifs, ainsi que de générer du bien-être.

La troisième est que l’égalité est une réussite durement acquise, ainsi qu’une lutte permanente : nous sommes déterminés à trouver des moyens de travailler ensemble pour mettre en avant et faire progresser les égalités à l’échelle mondiale. Nous questionnons sur la manière de créer de nouveaux chemins et des plateformes efficaces pour traduire notre engagement commun de transformer des cultures d’égalités régionales en d’effectifs et équitables partenariats transnationaux, qui remettent en question et transfigurent les divisions sociales, politiques, économiques, professionnelles et territoriales avec lesquelles nous travaillons.

Depuis son lancement, les partenaires du projet ont été particulièrement attentifs aux questions liées aux hiérarchies de connaissances qui façonnent et contraignent nos partenariats et nos collaborations. Ces questions sont pertinentes tant dans la façon dont nous nous organisons en tant que réseau transnational, que dans la manière dont nous négocions les hiérarchies de connaissancesparmi les universitaires et les non-universitaires, les chercheurs et les participants, dans et à travers chacun de nos projets. Nous les voyons comme des questions productives et des tensions centrales pour les objectifs et la méthodologie du projet, plutôt que comme des problèmes qui peuvent être résolus et mis de côté.

LovingOneself, Living WithOthers [S’aimer soi-même, vivre avec les autres]: Le premier atelier de création littéraire et de performance GlobalGRACE - YMCA San Pablo LGBTQI & Allies, Calamba, Philippines, décembre 2018. Photo de Michael SisonNotre approche méthodologique peut être divisée en quatre principales positions : d’abord, nous appliquons une méthodologie féministe caractérisée par l’interdisciplinarité, la réflexivité et une pratique éthique qui explique et reprend les inégalités ancrées dans le processus de recherches. En deuxième lieu, nous adoptons une méthodologie multi-sites et comparative qui met en avant le contingent culturel du « genre » et de « l’égalité », en identifiant les diverses sources de et pour les cultures de l’égalité, ainsi que les possibles voies vers lesquelles ces idées et ces pratiques se rejoignent et divergent,tant historiquement que simultanément. Troisièmement, nous présentons une méthodologie performative et multisensorielle qui décrit les lieux, les évènements et les processus à travers lesquels des concepts d’égalité de genre sont réalisés et matérialisés de façon pratique. Notre approche multisensorielle nous aide à enquêter sur la manière dont nos pratiques peuvent désensibiliser et minimiser l’égalité de genre dans la recherche en utilisant le théâtre, la littérature, etc. qui peuvent servir à susciter des expériences d’une façon qui réduit le sujet risque en permettant aux participants d’exprimer leurs expériences de manières différentes. Quatrièmement, nous nous appuyons sur une méthodologie participative et tutélaire qui voit la recherche comme une activité créative et collaborative impliquant un processus de négociation continu entre les personnes, les espaces, les objets, les images et les activités dans lequel le processus de diffusion et l’engagement du public est inclus dans son propre processus. Nous voyons la fabrication d’une exposition comme un processus créatif qui donne naissance à des idées et qui inspire la conversation, c’est ce qui produits de ‘nouveaux’ sites et évènements de et sur les cultures d’égalité.

Cette méthodologie participative et tutélaire est un fil conducteur qui relie le récent évènement PercursosCriativo, à Rio de Janeiro et les conversations débutées lors du lancement de la conférence et de l’exposition à Londres en 2018, organisées autour du thème de l’Échange des Cultures d’Égalité (culturesofequality.com). Cette exposition, organisée de manière conjointe par SiobhánMcGuirk et NirmalPuwar, proposait de réfléchir sur la signification de la création et la communication des « cultures d’égalité » transnationales, qui renforcent les différentes manières dont la communication est dépendante des technologies de traduction, qui impliquent inévitablement des conflits croisés et la mauvaise communication, qui peut être à la fois productive et déstabilisante. Ces conversations et pratiques de conservations sont en cours et vont voyager à Manille, en avril 2020 lors de notre plus grand événement international, organisé par les équipes du Bangladesh et des Philippines, autour du thème de la Traduction des Cultures d’Égalité. L’événement final majeur aura lieu dans la ville du Cap où nous inaugurerons officiellement le « Musée Global des Égalités » ainsi qu’un cours d’accompagnement ouvert en ligne que les équipe de GlobalGRACE produisent et organisent ensemble.

Pour résumé, GlobalGRACE considère l’égalité des sexes comme un produit culturel éventuel qui rassemble méthodologiquement le travail interdisciplinaire, afin d’étudier la production et la signification des cultures d’égalité sur divers lieux, évènements, pratiques et objets. En plus de cela, nous adoptons une perspective critique décoloniale et postcoloniale qui remet en question l’hypothèse que les cultures d’égalité viennent et découlent des pays du Nord. Enquêter sur les genres et les cultures de l’égalité demande également d’examiner les relations d’inégalité qui en sont le corollaire : ceci inclut examiner spécifiquement les manières dont les versions autorisées  d’égalité et d’inclusion peuvent menées à de nouvelles divisions et/ou reproduire et renforcer les inégalités existantes. Nous insistons, cependant, sur la manière dont des cultures d’égalité nouvelles et alternatives émergent de la périphérie et sortent des situations de marginalité. Finalement, nous créons de nouvelles manières de travailler conjointement plus équitables. Comme l’a démontré l’hôte de l’événement Percursos Criativos, cela demande non seulement des dialogues critiques, mais également, et principalement, d’apprendre à bien vivre ensemble, à marcher, parler, travailler, manger, boire et danser ensemble.

             Suzanne Clisby et Mark Johnson, Co-directeurs de GlobalGRACE, Goldsmiths, Université de Londres


 

Suzanne Clisby | Royaume Uni |

Suzanne Clisby est cherche use principale en Anthropologie à l'Université de Glodsmiths et codirectrice du projet UKRI GCRF Global: Genre et cultures d'égalité (Global Grace. Elle est aussi directrice du projet GRACE Horizon 2020 Marie S. Curie, elle est aussi membre du conseil consultatif du projet None in Three UKRI GCRF et est Éditrice du journal d'Études de Genre (Taylor and Francis).

s.clisby@gold.ac.uk

Mark Johnson | Royaume Uni |

Mark Johnson est professeur d'Anthropologie à l'UniversitéGlodsmiths, à Londres et codirecteur du projet UKRI GCRF GlobalGrace (Genre et culture d'égalité, 2017-2021). Il préside le comitéconsultatifd'experts du projet GRACE (Genre et cultures de l'égalitéen Europe) et siège au conseilconsultatif du projet UKRI GCRF  « Savoir en action pour l'égalitéurbaine ».

m.johnson@gold.ac.uk

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