Interview

periferias 6 | race, racisme, territoire et institutions

illustration: Juliana Barbosa

« Le chemin est court mais la trajectoire est longue, et la route, érudite » — Hédio Silva Júnio

Silvia Souza

| Brésil |

avril 2021

traduit par Déborah Spatz

Hédio Silva est un défenseur historique des religions de matrice africaine au Brésil. Docteur en Droit, juriste dont la réputation est indiscutable, il détient une importante trajectoire dans le droit, dans la défense des droits des personnes noires et la lutte contre le racisme. Originaire également de l’État de Minas Gerais, il vient d’une famille, comme on le dit, "déstructurée", il est arrivé très jeune à São Paulo, où il a été ouvrier dans la construction à l’âge de seize ans, dans les années 70 : à l’époque où le Code Civil brésilien était loin de reconnaître dans les familles monoparentales le concept légal de famille. Aujourd’hui, même si cela peut paraître indigne, principalement considérant la réalité sociale brésilienne, un pays dans lequel les mères prédominent en tant que chefs de famille, d’autant plus dans des contextes d’accentuation de l’inégalité sociale, un contexte qui — invariablement, affecte encore plus la population noire —, cette rétrospective juridique de presque un demi siècle montre comme le Droit formule et s’établit dans la logique hégémonique blanche, et en plus de cela, de “la famille traditionnelle brésilienne”.

La trajectoire d’Hédio Silva parcourt également ce moment et cet espace, même si avec toute l’indulgence face à la reformulation de nouveaux temps par la nécropolitique contre la population noire et pauvre du Brésil. Dans le droit, Hédio subvertit cette logique ; en ayant été le premier avocat, un homme noire, à faire la défense orale dans au Tribunal Suprême Fédéral, pour la défense des Quotas raciaux et plus encore, en une autre occasion, défendant le droit au plein exercice de la religion de matrice africaine, en ce qui concerne le sacrifice des animaux à des fins de rites religieux.

Hédio est le fondateur et président l’IDAFRO, l’Institut de Défense du Droit des Religions Afro-brésiliennes.


Silvia Souza :  Quand avez-vous décidé de suivre des études de Droit et comment en avez-vous fait un outil d’affrontement du racisme dans votre vie ?

Hédio Silva Júnior : Peut-être que l’éveil pour le Droit est venu des histoires que mon grand-père paternel, Geraldo João Silva, me racontait. Deux fois par an, il était juré, dans une petite ville de la partie rurale de Minais Gerais, à Três Corações. Normalement, c’était pour des cas d’homicides. Il me racontait l’histoire du jury, toute la théâtralité, le rôle du procureur, du juge, des jurés et celui de l’avocat. 

"Je suis également fils de Xangô, qui, dans le Candomblé, est l’orixá lié à la justice, c’est donc peut-être cette combinaison qui m’a mené vers le Droit"

Il racontait toujours ces histoires avec beaucoup d’enthousiasme, avec beaucoup de joie, parce qu’il avait eu l’opportunité d’y participer, en tant que noir, analphabète et ouvrier ferroviaire. D’ailleurs, en tant qu’analphabète, il n’aurait même pas pu y participer, mais, enfin, le Code Pénal et le Code de Processus Pénal étaient déjà en vigueur. 

Cela a certainement beaucoup marqué ma trajectoire. Après, dans la militance, j’ai compris qu’il manquait un investissement dans ce domaine du Droit qui est le Litige. Il y avait très peu d’avocats et d’avocates noires. C’est là que j’ai pris cette décision de faire du Droit. 

J’ai essayé d’autres cursus, mais ça n’a pas fonctionné, j’ai fini par choisir le Droit. J’ai suivi une carrière académique: master et doctorat à la PUC. J’ai publié quelques livres. 

Dans mon cabinet, j’ai créé un bureau de défense pro-bono. À l’époque, il y avait aussi un lien avec une Organisation Non-Gouvernementale, avec une spécialité pour des actions emblématiques, des actions, qui d’après une évaluation de notre part, pouvaient créer une jurisprudence favorable, ce que les Américains appellent la culture légale.

"J’ai fini par intervenir dans des actions emblématiques, des actions historiques de l’histoire récente du pays"

Je suis également fils de Xangô, qui, dans le Candomblé, est l’orixá lié à la justice, c’est donc peut-être cette combinaison qui m’a mené vers le Droit. J’ai fini par intervenir dans des actions emblématiques, des actions historiques de l’histoire récente du pays. Le Movimento Negro m’a choisi pour faire la défense des actions affirmatives au Tribunal Suprême Fédéral en 2012. 

J’ai aussi travaillé sur une affaire historique, celle du droit de réponse collective que les religions afro-brésiliennes ont obtenu contre une chaîne de télévision. En plus de cela, j’ai travaillé sur une affaire qui a peut-être été la plus difficile : defendre, dans devant le Tribunal de Justice de l’état de Rio Grande do Sul, et ensuite devant le Tribunal Suprême  Fédéral, le droit d’abattage religieux des animaux, qui est quelque chose que les Juifs pratiquent, les Musulmans ont adopté comme rite, comme dogme, un droit qui n’avait jamais été mis en doute avant. 

Ils ont remis en doute le sacrifice de la poule, j’ai utilisé l’expression devant le Tribunal Suprême « la poule de la macumba ». Ce moment a été très important. 

"Le Movimento Negro m’a choisi pour faire la défense des actions affirmatives au Tribunal Suprême Fédéral en 2012"

Mais, dans cette défense pro-bono, il y a des dizaines d’affaires. Des actions pour que les parents puissent déclarer leurs enfants avec des noms africains. La première reconnaissance judiciaire d’un mariage réalisé dans un centre afro-religieux de Porto Alegre ; l’absolution d’un sacerdote accusé injustement de mauvais traitements à cause de l’abattage d’animaux ; la réversion d’un cas, dans la partie rurale de Minas, dans lequel la police est intervenue et a interrompu un culte afro-religieux, a confisqué des atabaques et a tenté d’inculper le sacerdote pour un crime de non-respect du repos. 

Il y a eu des dizaines de cas dans lesquels, peut-être grâce à la généreuse aide de Xangô, nous avons gagné, la plupart du temps, si nous, dans toutes les affaires.

 

Silvia Souza : Au sujet des arguments du TSF, tant dans la Loi des Quotas1 Loi nº 12.711, du 29 de août 2012 que par rapport au droit d’abattage des animaux, vous êtes ironique par rapport au racisme et montrez l’hypocrisie de ces affaires. Je commence par parler des actions des quotas raciaux, l’ADPF2 Action de non-respect de précepte fondamental (traduction libre) 186, jugée en 2012 par le TSF. Votre défense des mouvements noirs a été brillante : vous avez êtes ironique sur le fait que les actions affirmatives soient le problème du Brésil à ce moment-là et vous les avez amenées dans le débat, en apportant, d’ailleurs, des donnés de cette époque-là. À USP, par exemple, il y avait plus d’étudiants africains que d’étudiants noirs brésiliens. La Loi des Quotas, par l’Article Septième, prévoit sa révision après dix ans, soit en 2022. 

Une révision de la Loi des Quotas3 Loi nº 12.990 dans les concours publics est également prévue de façon périodique, par l’administration responsable, le SEPPIR, le Secrétariat de Politiques de Promotion de l’Égalité Raciale, aujourd’hui sous controle du Ministère de la Femme, de la Famille et des droits humains. Dans une interview, vous dites à propos de cela : « il n’y a jamais eu autant de blancs pauvres dans les universités, et cela provient également de la politique de la Loi des Quotas ». Dans le contexte politique actuel, comment évalue-t-on la politique des quotas comme un tout ? La possibilité de son extension, en considérant qu’elle structure le judiciaire brésilien et le mouvement politique dans lequel nous vivons ? 

Hédio Silva Jr : L’évaluation est positive, même si nous avons encore beaucoup de problèmes, puisque la Constitution Fédérale est tutrice du droit d’accès, tout comme elle l’est aussi du droit de permanence dans l’éducation scolaire. La fragilité se trouve encore en ce qui concerne le respect de la permanence de nos étudiants. Nous avons vu une augmentation exponentielle dans l’accès depuis 2001.

"Dans cette défense pro-bono, il y a des actions pour que les parents puissent déclarer leurs enfants avec des noms africains"

Vingt années sont déjà passées depuis que l’Université de l’État de Rio de Janeiro est devenue pionnière dans l’adoption de politiques d’action affirmative. Ensuite, le Tribunal Suprême Fédéral a jugé la constitutionnalité des quotas et l'a ensuite finalement approuvée en tant que loi. 

Le contexte politique en 2022, l’année où la loi sera soumise à une évaluation, ne pourrait être plus désastreux, tout d’abord parce que le président de la république que nous avons se réfère aux peuples quilombolas en tant qu’animaux, comme il l’a dit dans une phrase durant sa campagne : « dans un quilombo4 Village ou communauté formées par des descendants d’esclaves [NT] que j’ai visité, l’afro-descendant le plus léger pesait sept arrobes ». Cette expression « arrobe », pour nous, représente une charge offensive, une charge humiliante, extrêmement révoltante, puisque ce sont les animaux qui sont pesés dans cette unité de mesure et non pas les être humains. En plus de cela, selon le président, ils ne serviraient même pas à procréer. Cela signifie : des animaux inutiles, c’est ce qu’il a dit, non pas en toutes lettres puisqu’il ne parvient pas à articuler deux ou trois mots, c’est imbécile, il est complètement fou. Un président qui profère des phrases racistes qui nie le racisme au Brésil. 

"La Constitution Fédérale est tutrice du droit d’accès, tout comme elle l’est aussi du droit de permanence dans l’éducation scolaire"

Le Judiciaire possiblement sera un locus, une scène stratégique pour que l’on puisse tenter de paralyser des mouvements qui iraient dans le sens de la révocation de la loi. Nous avons besoin de plus de temps. Beaucoup de choses doivent encore être faites, de nombreux investissements doivent être faits en termes de permanence dans l’enseignement supérieur. 

Il y a une question qui apparaît parfois, et j’ai d’ailleurs eu le privilège de défendre récemment une afro-descendante de Campinas, qui a été approuvée dans le cursus de Médecine de l’Université Unicamp et j’ai compris que cette jeune fille, même en n’ayant pas les traits physiques africains accentués, était une afro-descendante. J’ai donc assuré sa défense et j’ai perdu en première instance, mais le tribunal lui a donné gain de cause en reconnaissant qu’elle est une afro-descendante et a déterminé qui l’Unicamp procède à son inscription. 

"La fragilité se trouve encore en ce qui concerne le respect de la permanence de nos étudiants"

Je comprends que les commissions d’hétéro-identification doivent être améliorer. Ceci peut éventuellement gagner du pouvoir au sein du Judiciaire, cela peut arriver jusqu’au Tribunal Suprême Fédéral et, avec la promesse que d’avoir un ministre possiblement évangélique, je ne sais pas comment comment le TSF, dans sa composition dans quatre ou cinq ans, pourra gérer des thèmes comme celui-ci.

Le Mouvement noir va avoir besoin de se mobiliser, les avocats auront un rôle très important, encore une fois. Nous devons investir dans l’amélioration des jeunes, des jeunes avocats et avocates noirs qui entrent sur le marché du travail. Je dis souvent la chose suivante : il ne suffit pas d’être pratiquant de religions de matrice africaine et avocat, il ne suffit par d’être noir et avocat, puisque parfois ce sont des thèmes qui ont à voir avec notre subjectivité, ils retirent cette équidistance qu’il est nécessaire d’avoir pour agir de façon technique et, malheureusement, il n’y a pas de dépôt institutionnel de jurisprudence, il n’y a pas de formation, il n’y a rien dans ce domaine.

"Le contexte politique en 2022, l’année où la loi sera soumise à une évaluation, ne pourrait être plus désastreux"

Une partie des problèmes à certainement à voir avec le racisme institutionnel qui n’épargne aucune institution de ses effets délétères, les institutions juridiques non plus, d’ailleurs. Je comprends également que nous devons améliorer le processus judiciaire des demandes de la population noire et des demandes des populations afro-religieuses, du peuple des temples afro-brésiliens. C’est donc ce qui m’inquiète, aussi parce que j’ai presque soixante-dix ans, j’ai déjà commencé le compte à rebours, dans cinq mois, je serai, techniquement, une personne âgée et je veux partager un peu plus de ce que j’ai appris durant ces trente dernières années. Enfin, démocratiser l’information et investir dans la formation de jeunes avocats qui puissent reprendre le flambeau.

 

Silvia Souza : À l’époque durant laquelle les commissions d’hétéro-identification. ont été créées, il y a eu une division de position au sein mêmes des mouvements noirs brésiliens, et vous avez évoqué la nécessité d’amélioration des commissions et comment cela peut parvenir jusqu’au TSF. Cela a également à voir avec la subjectivité de celui qui fait le concours, de celui qui veut entrer à l’université et qui passe devant la commission. C’est une commission qui va dire à quelqu’un si cette personne est noire ou non. Et parfois, la commission n’est pas plurielle, comme cela a été établi dans l’accord de l’ADPF 186, étant composé seulement par des personnes blanches. Comment évaluer vous les commissions d’hétéro-identification et quelles améliorations sont nécessaires ? 

Hédio Silva Jr : Celles-ci détiennent un degré important de subjectivité qui, à chaque fois où le TSF a évalué des collèges en tant que pouvoir de déférer ou non sur les droits en prenant pour base des critères rigoureusement subjectifs, le TSF a été contre ce degré de subjectivité, même si le Suprême lui-même s’était prononcé à propos de la légitimité de la correction des commissions d’hétéro-identification. Mais le Suprême s’est prononcé à propos des commissions d’hétéro-identification dans le contexte d’autres actions, comme des raisons de décider, comme un élément prédominant, mais qui n’est pas une partie dispositive d’un certain jugement. Ainsi, c’est différent quand le sujet est la fondamentation d’une décision qui n’a pas d’effet reliant, n’est-ce pas ? La fondamentation d’une décision n’a aucun effet. Elle permet même de manipuler certaines mesures, mais elle ne les lie pas. 

"Le racisme institutionnel qui n’épargne aucune institution de ses effets délétères, les institutions juridiques non plus, d’ailleurs"

J’ai écrit un rapport juridique pour l’Université Fédérale de São Carlos et je ne sais pas encore si l’UFSCar va adopter ce critère, mais je disais que nous avons une série de documents et je vais en citer seulement un : au jour d'aujourd’hui, en février 2021, n’importe quel garçon, lorsqu’il s’inscrit pour servir dans les Forces Armées est classé racialement, ainsi, à 18 ans, si le garçon a ou non cette information, s’il ne l'a pas, son père l’a, c’est parce qu’il a été classé racialement. Jusqu’en 1975, tous les brésiliens étaient classés racialement, avec des informations sur leur couleur de peau inscrite sur leur acte de naissance. 

Les formulaires du domaine criminel, d’ailleurs, par effet d’émission du document d’identité, portent les informations à propos de la couleur. Ainsi, si le document du candidat ou du père du candidat ou de sa mère donne une information différente de blanc ou d’indigène, il doit être considéré comme noir pour les Actions Affirmatives. J’ai été bombardé, si c’était aujourd’hui, je serai victime de la cancel culture. « Hédio veut congeler l’identification raciale, etc ».

Jusqu’en 1975, tous les brésiliens étaient classés racialement, avec des informations sur leur couleur de peau inscrite sur leur acte de naissance 

Ensuite, la phase la plus néfaste est arrivée, durant laquelle ils voulaient que le sujet qui lance la fausse information soit incriminé, puni pour crime de falsification idéologique. Ainsi dit, s’il y a bien un peuple qui sait que la prison n’est aucunement la solution pour le problème social, c’est le peuple noir et c’est justement celui-ci qu’on va demander à mettre en prison ?

J’ai donc alterné. Parce que je pense que nous connaissons le racisme brésilien. effectivement, nous le connaissons. Et je comprends pourquoi ces commissions d’hétéro-identification, et j’espère que cela n’arrivera pas, mais aujourd’hui elles peuvent permettre au mouvement dans le judiciaire de remettre la discussion, à présent spécifiquement à propos d’un degrés de subjectivité, et ainsi j’ai recommandé de faire attention. Par chance, j’ai fini par travailler sur le cas, en parrainant une action qui est née du refus d’une commission de l’Unicamp et le tribunal m’a donné raison. 

"S’il y a bien un peuple qui sait que la prison n’est aucunement la solution pour le problème social, c’est le peuple noir"

Le chemin est court mais la trajectoire est longue, et la route, érudite. 

Regardez bien : la Constitution Fédérale utilise quatre critères pour démarquer la diversité raciale brésilienne : la couleur, la race, l’ethnie et l’adjectif de patrie afro-brésilien. C’est l’unique adjectif relatif à la patrie qui apparaît dans la Constitution Fédérale : afro-brésilien. En plus de cela, lors du fameux cas de Ellwanger, l’éditeur connu de l'État de Rio Grande do Sul, qui éditait des livres nazis, en niant le nazisme et a attribué à des juifs les éventuels problèmes auxquels l’Allemagne a été confrontée. Durant le jugement du cas Ellwanger, le Suprême a interrogé encore un peu plus la question de la classification raciale. Parce qu’en plus des quatre catégories prévues expressément dans la Constitution, le Suprême dit que la race est construction sociale.

"C’est justement celui-ci qu’on va demander à mettre en prison ?"

Ainsi, j’ai un jugement avec une répercussion générale, avec la race, la couleur, l’ethnie, afro-brésilien et la construction sociale, ainsi vous imaginez l’ensemble de possibilités que quelqu’un peut faire face à ces commissions d’hétéro-identification et lui demander à laquelle des cinq catégories, les quatre constitutionnelles et la cinquième délibérée par le Suprême, les commissions utilisent pour me classer dans ce cas ? 

Il faut donc faire attention, il faut mieux faire. Parce que j’ai vraiment très, très peur, et c’est quelque chose dont je parle avec la Professeure Docteure Ellen Lima Souza, qui est noire à la peau claire, de ma crainte que cela puisse, dans quelque temps, devenir un problème. Ce n’est pas une chose que l’on peut aborder en pensant que c’est quelque chose de tranquille, vous comprenez ? Que c’est moins important ou de valeur moindre, pour utiliser une classification juridique. C’est quelque chose qui, de mon point de vue, mérite une attention particulière. 

 

Silvia Sousa : Nous pouvons parler un peu du racisme religieux ? Vous parlez de l’action du TSF dans laquelle vous avez soutenu oralement les célèbres poules des religions de matrice africaine, avec une ironie qui pour moi a construit l’une des argumentations les plus brillantes que j’ai pu voir. Vous avez parlé également de l’action que vous avez soutenu contre la chaîne de télévision Record et le réseau de femmes, qui a été une affaire qui a duré plus de quinze ans, si je ne me trompe pas, en 2009. 

Hédio Silva Jr : C’était en première instance. 

Silvia Sousa : C’est cela, en 2009, il y a eu une décision. C’est à ce moment-là que les chaînes de télévision ont commencé à respecter le droit de réponse des religions de matrice africaine, n’est-ce pas ? Un résultat du Disque 100, en 2019, montrent que 59 % des dénonciations de plaintes qui sont arrivées étaient relatives à l’intolérance religieuse, plus précisément, 213 appels. Nous traversons actuellement ce moment durant lequel les religions, les temples de religions afro-brésiliennes, les temples d’Ubanda, de Candomblé sont attaquées, principalement dans les périphéries. Les figures qui apparaissent comme les trafiquants du Christ, ont une relation majoritaire avec la religion évangéliste néo-pentecôtistes, principalement à Rio de Janeiro, où le trafic de drogues, la milice et la politique attaquent de toutes les manières les religions de matrice africaine.

À l’époque, en 2019, lorsque cette victoire a eu lieu, vous étiez avec l’avocat du CEERT5Centre d’Études des Relations de Travail et d’Inégalité. Dans une interview pour la revue JusDH, vous avez déclaré que la victoire de cette action était un marqueur de départ pour le long chemin contre le racisme religieux. Face à ce scénario, avec toutes les implications mentionnées avec celles que vous connaissez plus profondément, comment évaluez-vous la situation dans laquelle nous nous trouvons dans ce chemin de confrontation du racisme religieux, tant au sein du judiciaire, que dans la politique et dans la société comme un tout ? 

Hédio Silva Jr : Tout d’abord, il est regrettable que nous percevions le croissant appareillage de l’espace public par des groupes religieux. Et, je vais citer un exemple, ou plutôt deux, le premier est celui du Conseil Tutélaire6organisme responsable du respect des droits des enfants et des adolescents. En 2007, j’ai travaillé sur un procès. Une petite fille de neuf ans, accompagné de sa mère tout le temps, le jour de la cérémonie de sortie de la petite qui était en train d’être initiée [à une religion de matrice africaine], durante la nuit, la police, avec des dizaines de voitures, a arrêté 40 personnes, toutes participaient à la cérémonie, cinq d’entre elles ont été mises en prison. Cinq ont été mis en examen et arrêtés en flagrant délit, dont le Babalorixá [le leader religieux], la mère de la petite, même si le Statut de l’Enfant et de l’Adolescent détermine que la famille à doit à la transmission de sa croyance. 

"La Constitution Fédérale utilise quatre critères pour démarquer la diversité raciale brésilienne : la couleur, la race, l’ethnie et l’adjectif de patrie afro-brésilien"

La croyance ou la non-croyance n’est pas un sujet de l’État. La Constitution Fédérale, de la même manière qu’elle protège la croyance, protège aussi la non-croyance et ce n’est pas quelque chose où l'État devrait s’immiscer.

Il y a environ six mois, une affaire à Araçatuba, entre le Conseil Tutélaire et la Police Militaire, la personne de garde a désisté la mère de la garde de la fille qui était en train d’être initiée, à treize ans, accompagnée de sa mère. Il ne s'agit plus d’une enfant, mais d’une adolescente. Et vous devez connaître la différence entre adolescent et enfant. L’opinion de l’adolescente doit être prise en considération, la jurisprudence dit d’ailleurs que, à partir du moment où il y a la constatation que l’enfant est capable d’évaluer sa propre situation, il doit être entendu. À huit, neuf ou dix ans… mais dans ce cas, la jeune fille avait 13 ans. 

La personne de garde a destitué la mère de la garde de l’enfant et la nouvelle d’une mère qui avait perdu la garde de deux enfants est arrivée, avec une décision liminaire qui est en vigueur depuis un an et deux mois, malgré qu’il y ait prescription de l’ECA après une péri de 120 jours pour l’actif de destitution ou de suspension du pouvoir familial. Et cela fait douze mois qu’une décision précaire, provisoire déterminant que la guarde soit accordée à la tante, la sœur de la mère, qui par hasard est néo-pentecôtiste, a été accordée. Tous les rapport du secteur Technique du Ministère de la Justice ont été favorables à la mère. Le psychologue, l’assistante sociale ont inspecté la maison, tous ont donné des avis favorables à la mère.

"Il est regrettable que nous percevions le croissant appareillage de l’espace public par des groupes religieux"

Tous les rapports présentés par le conseil tutélaire sont favorables à la mère. La décision de justice a considéré la spéculation faite par le Conseil Tutélaire au détriment de l’inspection technique faite par le secteur public du Ministère de la Justice, et en plus de retirer la garde la mère, il a interdit tout contact. Il y a un an et deux mois que cette mère n’a aucun contact avec ses deux enfants. 

Quand on lit le jugement du procès, quelle en est l’essence ? L’intolérance religieuse. 

Combien de cas ont-ils eu lieu dans des écoles publiques et nous sont parvenus ? Des professeurs qui veulent faire de l’école publique l’annexe de leur temple, qui humilient, qui mettent mal à l’aise, qui offensent, qui traumatisent des enfants de huit, neuf, dix ans parce qu’ils sont athées ou de religion afro-brésilienne ou parce qu’ils portent un symbole d’une certaine macumba.

"La Constitution Fédérale, de la même manière qu’elle protège la croyance, protège aussi la non-croyance et ce n’est pas quelque chose où l'État devrait s’immiscer"

J’ai vu le cas de deux filles catholiques, à qui ils restaient des bonbons et des desserts après leur anniversaire, elles les ont apportés à l’école, mais c’était au mois de septembre et la professeure n’a pas donné son autorisation, parce que ces bonbons et ces desserts seraient du démon. Nous vivons donc une augmentation téméraire des effets de la propagation quotidienne de la haine religieuse. Tous les maux de la planète sont attribués à la macumba. Le réchauffement climatique, c’est la macumba. Le trou dans la couche d’ozone, c’est la macumba. Le dégèle en Arctique, c’est la macumba. La frigidité, c’est la macumba. L’impuissance sexuelle, c’est la macumba. Si le dentier s’est cassé, c’est la macumba. Le chômage, c’est la macumba. Ne pas être propriétaire, c’est la macumba. Et quel est le résultat de pratique qu’on obtient ? 

On induit les brésiliens à agresser, comme dans le cas de la petite fille à Rio de Janeiro qui a été lapidée. 

Lapider une petite fille de onze ans dans la rue, Kailane, c’est de la barbarie, l’égout, infâme et parce qu’elle portait le costume traditionnel religieux. Je suis pessimiste et je vais vous en dire plus : bientôt, il y aura des conflits dans les rues du Brésil, à cause du racisme religieux. Pourquoi ? Parce que s’il y a un sentiment cher à n’importe quel individu, d’ailleurs pour ceux qui ne croient pas également, c’est celui de la conviction religieuse. Dans ce cas, il ne faut pas prendre en compte le précepte, ce que la Constitution détermine, puisque le sentiment religieux est quelque chose de cher à l’individu. Personne n’a le droit d’offenser l’autre, de l’humilier, de l’insulter ou de l’attaquer. 

Mais maintenant, à Rio de Janeiro, cela semble devenir normal. Toutes les semaines on voit des traficants de Jésus, le groupe de Jésus. Les années passent et on entend jamais parler de résultat d’enquête, d’identification d’un auteur, de la prison de quelqu’un.

"S’il y a un sentiment cher à n’importe quel individu, d’ailleurs pour ceux qui ne croient pas également, c’est celui de la conviction religieuse"

J’ai d’ailleurs déjà parlé de la fédéralisation, puisqu’il faut amener cela jusqu’au sein de la justice fédérale. Même si aujourd’hui je n’ai pas de doute sur l’impartialité de la police fédérale, j’ai confiance en la qualité technique de l’action de la plupart des juges fédéraux et des procureurs de la République. 

Parce que nous en sommes arrivés à un point complètement inacceptable. Ils vandalisent et mettent le feu ici et là. Ici, il ne peut pas y avoir un temple afro-brésilien, dans cette rue on ne peut pas marcher si on est habillé en blanc. 

Pour résumer, c’est la barbarie sous sa forme la plus cruelle. C’est le résultat du discours de haine qu’on entend tous les jours à la radio et à la télévision. L’ANCINE, l’Agence Nationale du Cinéma montre que la plus grande partie des contenus de la télévision publique aujourd’hui, au Brésil, sont des émissions religieuses. Ce ne sont pas les novelas, ni même Big Brother Brésil, ni les Journaux, personne ne peut égaler les émissions religieuses. En soit, ça ne serait pas un problème, je dirais, même si le moyens de communication sociale au Brésil est lié au service public, n’est-ce pas ? Ainsi, le moyen de communication sociale est déjà discutable parce qu’il est utilisé pour du prosélytisme religieux. Mais ce qu’on voit, ce n’est pas le prosélytisme religieux, c’est la propagation de la haine religieuse, et autre chose: ne venez pas me dire que c’est de la critique contre les religions, parce que l’unique religion critiquée c’est la macumba. Et on sait très bien de quoi il s’agit: de racisme religieux.

 

Silvia Souza : Professeur, la fédéralisation des crimes motivés par la haine religieuse, l’intolérance religieuse, serait une alternative raisonnable, par exemple, pour la diminution de ces crimes ? 

Hédio Silva Jr : Je pense qu’il y a une alternative, Silvia. Depuis combien de temps entendons-nous parler de déprédation, d’invasion de temps dans la région de la Baixada Santista ? Maintenant, avec le dorénavant appelé Complexe d’Israël, à Rio de Janeiro. On n'entend jamais parler d’une enquête. 

Les années passent et aucune enquête qui pointe les indices des auteurs n’est répertoriée et en plus de ça, il y a autre chose que j’ai déjà dit, bien souvent, ils filment l’humiliation, le sacerdote menacé par des armes lourdes, ils l’obligent à détruire les artefacts religieux et publient cela sur les réseaux sociaux. C’est ce qu’on appelle du terrorisme. Pas du racisme. Le racisme est un crime puni de trois à cinq ans de prison, le terrorisme, de douez à trente.

"Le moyen de communication sociale est déjà discutable parce qu’il est utilisé pour du prosélytisme religieux. Mais ce qu’on voit, ce n’est pas le prosélytisme religieux, c’est la propagation de la haine religieuse"

Cela doit être qualifié en tant que terrorisme. De mon modeste point de vue, le Statut de l’Égalité Raciale, malgré le fait qu’il ne serve absolument à rien, à certains dispositifs qui sont utiles, et je comprends comprends que le Statut de l’Égalité Raciale classe le temple religieux comme un espace culturel, ainsi, les dégâts contre un temple ne sont pas des dégâts contre la propriété privée, les dégâts, dans ce cas-là, sont des dégâts contre le patrimoine culturel, c'est un crime environnemental parce que les dégâts contre la construction privée est puni d’une peine de six mois de détention. Alors que pour le crime environnemental, contre le patrimoine culturel, la peine est de trois à cinq quand. Il s’agit ainsi de terrorisme et de crime environnemental, ce qui demande une peine plus dure. Ce n’est pas possible de vivre avec cette naturalisation qui augmente de jour en jour. C’est lamentable.

 

Silvia Souza : C’est lamentable, vraiment. Vous parlez du grand espace que les religions néo-pentecôtistes ont dans les médias, et comment cela se réverbère dans la politique. Nous avons un groupe évangéliste expressif au sein du Congrès National, avec des positionnements forts, sur les projets de loi pour le punitivisme, l’armement. J’ai suivi le groupe évangéliste en 2019 et 2020 au Congrès National, j’ai suivi pratiquement tous les débats autour des secrets de lois édités en 2019 par rapport au port et à la possession d’arme, une priorité du Gouvernement Fédéral qui a eu un soutien massif du groupe évangéliste. C’est un contrepoint avec le christianisme, qui a la vie, l’être humain, la ressemblance à Dieu. Comment ce discours se justifie-t-il et comme est-ce que ce discours peut-il être incorporé si facilement par la population brésilienne, je vais même oser dire, principalement par la population noire, pauvre et prophétique, considérant la quantité énorme d’églises néo-pentecôtistes de plusieurs dénominations dans les périphéries du Brésil, dont les fidèles sont, en grand partie, des membres de la population noire, pauvre et périphérique. Comment changer ce scénario ?

Hédio Silva : Regardez, je ne suis pas spécialiste en statistique, je viens de finir la coordination d’une recherche pour la Mairie de São Paulo, à la demande de Maurício Pestana, le secrétaire, avec une sociologue très compétente et efficace, la professeure Lena Garcia. Nous avons fait un recoupement dans les recensements de 2000 à 2010 et les données sont très intéressantes. 

"Bien souvent, ils filment l’humiliation, le sacerdote menacé par des armes lourdes, ils l’obligent à détruire les artefacts religieux et publient cela sur les réseaux sociaux"

Tout d’abord, comme nous le savons, la base des confessions néo-pentecôtistes est noire. Environ 70 %. D’un autre côté, 70 % de la macumba est blanche. La base de la macumba est blanche. Et, c’est interessant de prendre le profil du noir néo-pentecôtiste  et le profil du noir de la macumba. Le néo-pentecôtisme gagne moins de trois salaires minimums et à un niveau de scolarité très bas. Et le noir de la macumba possède une éducation supérieure, dans sa majorité et gagne plus de dix salaires minimums. En d’autres termes, plus il a du pouvoir, plus libre, il se sent identifier à la macumba. D’un autre côté, plus il est pauvre et plus son niveau d’éducation est bas, éventuellement il voit la fin et la Bible comme une forme d’acceptation sociale, parce que c’est ce que je dis souvent, le type est déjà noir et on va vouloir qu’il soit aussi de la macumba ? C’est un fardeau, c’est trop lourd à porter pour le type, n’est-ce pas ? 

"C’est ce qu’on appelle du terrorisme. Pas du racisme. Le racisme est un crime puni de trois à cinq ans de prison, le terrorisme, de douez à trente"

Ainsi, on parle d’empouvoirement. C’est l’éducation, c’est l’information parce plus il a de pouvoir, plus il se sent libre pour professer la religion de son peuple. Et moins il est scolarisé, plus il évalue que, éventuellement, peut-être que c’est le chemin pour être accepté socialement, et c’est une question très grave et paradoxale. Non pas que tous les noirs doivent être de la macumba, nous sommes un peuple, nous sommes 120 millions de brésiliens. Nous ne sommes pas des cafards. Tout le monde n’a pas la même religion mais, ce qui attire l’attention, c’est que 70 % des personnes néo-pentecôtistes sont noires, mais à la télévision, ce n’est pas ce qu’on voit. 

"La base des confessions néo-pentecôtistes est noire. Environ 70 %. D’un autre côté, 70 % de la macumba est blanche"

Le jour où tous les pratiquants de la macumba du pays tout entier, face à la personne responsable du recensement, déclareront leur vraie appartenance raciale, la macumba sera alors la deuxième ou la troisième religion du pays. Juste pour citer l’état de Rio Grande do Sul, il y a 60 mille temples, sachant que c’est l’état le plus blanc du pays. Si on comptabilise chaque temple, il y environ cinquante adeptes, on parle de l’état de Rio Grande Sul, dans lequel vivent trois millions de pratiquants de la macumba. Si on englobe l’Umbanda dans les États de São Paulo, Rio de Janeiro, Paraná, Minas Gerais...

 

Silva Souza : Il y a trois millions de personnes qui ne sont pas recensées, qui ne s’auto-déclarent pas…

Hédio Silva Jr : Nous avons besoin de visibilité et nous avons besoin d’organisation, parce que je vais le dire : il y a plus de pyrotechnique que de numéro. Et ces élections l’ont bien démontré. Le dernier maire de la ville de Rio de Janeiro est sorti par la porte de derrière, avec un bracelet électronique à la cheville et bientôt, il sera en prison. Le jour où nous serons organisés et nombreux, je ne doute pas une seule seconde que nous constituons des groupes à la chambre des conseillers municipaux, à l’assemblée. 

Silvia Souza : Le groupe de la macumba. 

Hédio Silva Jr : Au congrès ! Et nous allons élire un pratiquant ou une pratiquante de la macumba pour la présidence de la République. Parce que nous avons cette caractéristique, nos espaces sont ceux de l’inclusion. Nous n’utilisons jamais cet espace pour porter préjudice, pour diminuer ou pour calomnier aucune autre religion. Nous sommes une religion qui inclut et non pas une religion hégémonique, d’exclusion, d’attaque à n’importe quelle autre religion. 

Le néo-pentecôtisme gagne moins de trois salaires minimums et à un niveau de scolarité très bas. Et le noir de la macumba possède une éducation supérieure, dans sa majorité et gagne plus de dix salaires minimums"

 

Silvia Souza : Parlons du judiciaire brésilien, puisque c’est le thème de cette édition race, racisme, territoire et institutions. Le dernier recensement du judiciaire a montré que ce pouvoir est 80,34 % blanc, 78,9 % chrétien et 62 % masculin.

Principalement masculin, en d’autre terme, le pouvoir judiciaire est blanc, chrétien et hétéro-normatif. D’un autre côté, la population carcérale est principalement noire. Selon les données du DEPEN7Département pénitencier 63 % de la population carcérale est noire ou métisse. Le racisme dans le système de justice est indiscutable. Pensez-vous au système de justice brésilien pour affronter le racisme ?

J’ai fait une recherche pour le PNUD8Programme des Nations Unies pour le Développement à propos des bonnes pratiques d’affrontement du racisme dans le système de Justice. J’ai regardé la Justice Criminelle des tribunaux de la région sud-est. L’objectif de la recherche était de trouver des bonnes pratiques pour orienter les futures politiques du CNJ. Dans la recherche, j’ai cherché des jurisprudences et des thèses. J’ai analysé 1336 accords et j’ai trouvé entre 12 et 15 décisions, considérées comme étant positives dans les critères établis. Cela a généré un catalogue de jurisprudences et de thèses. Le problème central est que la majorité des juges n’analyse même pas les thèses dans leurs décisions. Ils ne se penchent même pas sur elles.

Et ils répètent que ces décisions qui ne reconnaissent pas l’existence du racisme dans le système de justice criminelle, le punitivisme, la désincarcération, des politiques anti-punitives, d’ailleurs lorsqu’on parle de désincarcération, on ne parle pas nécessairement de non punition, mais d’âtres formes de resocialisation . Monsieur, croyez-vous encore au système de justice brésilien ? 

Hédio Silva Jr : Je crois en le judiciaire parce que, en tant qu’avocat, je n’ai jamais fait de concours pour la fonction publique, je n’ai jamais voulu faire autre chose et je suis passionné par le fait d’être un avocat privé. Donc, si je n’y crois pas, si je ne croyais pas en le judiciaire, j’abandonnerais ma profession et je ferais autre chose. Est-il le reflet des problèmes de la société ? Oui, il l’est. Elle est contradictoire ? Oui, il l’est. Il a, certainement, parmi ses trois pouvoirs, une tendance plus conservatrice ? Oui. Mais il a également des décisions nuancées. 

"On parle d’empouvoirement. C’est l’éducation, c’est l’information parce plus il a de pouvoir, plus il se sent libre pour professer la religion de son peuple"

Dans le domaine pénal, il n’y a aucun souci. Je lisais ces jours-ci une décision pionnière à propos du fait que le judiciaire utilise comme preuve d’identification, des photos des réseaux sociaux. Cela signifie: qui décide et qui remet cela en question ? 

L’avocat a un rôle de très haute importance en prenant le soin de faire que des thèses qui dénoncent le racisme dans la justice criminelle soient appréciées dans les décisions des juges. Ce sont nous, les avocats, qui allons voir le judiciaire pour que l’accusé ne soit pas condamné sur des bases avec une preuve unique. J’ai eu un professeur brillant durant ma licence qui disait « Comporte toi dans chaque affaire comme si c’était la dernière ». Ainsi, qui a cette obligation, ce soin, ce zèle, d’autant plus parce qu’il y a un contrôle fait par la société, par le Ministère Public, par le judiciaire, par les notaires, par le juge d’application des peines, par le client ? L’avocat. C’est moins le défenseur public et plus l’avocat.

"Le jour où tous les pratiquants de la macumba du pays tout entier, face à la personne responsable du recensement, déclareront leur vraie appartenance raciale, la macumba sera alors la deuxième ou la troisième religion du pays" 

Si ce n’est pas l’avocat qui prend la parole et qui dit qu’il n’est pas possible que quelqu’un soit condamné sur la base d’une unique preuve fragile, comme la reconnaissance via une photographie retirée de Facebook, et cela remonte à la question l’importance de l’amélioration de la litigeance, cela se naturalise, le tribunal le signe, le STJ le signe et peut-être qu’au Suprême, cela dépendra de la manière dont cela arrivera au Suprême, peut-être que le Suprême aura déjà annulé cela depuis longtemps, vous comprenez ? 

Malgré tout cela, dans le domaine criminel, nous n’avons pas eu, à l'époque des quotas, avant la manifestation du Suprême, aucune décision qui ait été capable de paralyser l’implantation du système d’action affirmatives. C’est donc pour cela que je n’aime pas les généralisation. 

Je comprends que le judiciaire soit une institution à tendance conservatrice et blanche. D’un autre côté, aujourd’hui nous avons les quotas pour les noirs dans la magistrature, des quotas pour les noirs au Ministère Public, des quotas pour les noirs dans la Défense Public.

"Nous allons unir la jeunesse noire et la préparer à la magistrature, pour le Ministère Public, pour les polices, pour la police fédérale"

En décembre, j’ai, d’ailleurs, eu l’honneur de faire une présentation orale lorsque le Conseil Fédéral de l’Ordre des Avocat du Brésil (OAB) a approuvé les quotas pour les noirs dans les fonctions électives de l’Ordre. Nous allons unir la jeunesse noire et la préparer à la magistrature, pour le Ministère Public, pour les polices, pour la police fédérale.

Nous devons avoir des personnes noires là-bas faisant pression. Il y a une femme promoteur de justice dans l'État de Bahia que vous devez connaître, le docteur Lívia Santana. Elle est chargée des crimes de racisme et des délits d’intolérance, elle est très à cheval sur la légalité. Elle n’est pas là-bas pour être liée à la macumba, au fait d’être noir, elle est liée à la légalité.

Ce qui est exigé d’un opérateur du Droit, et c’est ce que la société peut exiger, c’est lui qui décide en accord avec la loi. Les convictions, les pensées, les préférences, les croyances ou les non-croyances, c’est à la personne de décider chez elle"

Puisque l’un des principes qui régissent l’administration publique est celui de l’impartialité. Là, les personnes doivent juger en accord avec la loi et non pas en accord avec ce qu’ils pensent.

 

Silvia Souza : À propos de l’imprescriptibilité de l’injure raciale et l’action du TSF dans ce cas, que dites vous à propos de l’action qui débat l’imprescriptibilité de l’injure raciale ? 

Hédio Silva Jr : Je n’ai aucun doute à ce sujet. D’ailleurs, j’ai écrit sur le mérite en 2001. L’incise 42 de l’article 5 dit : la pratique du racisme est un crime imprescriptible et sans possibilité de caution, la pratique du racisme s'inclut à n’importe quelle conduite, et d’ailleurs, à l’offense.

J’ai écrit cela en 2001, mais en tant qu’avocat, noire et tout. Maintenant, un juge du Tribunal de Justice, une figure respectée, avec une vie libre, etc, a écrit que la pratique du racisme est une espèce de crime imprescriptible, sans possibilité de caution, etc. 

C’est ce qui est exigé d’un opérateur du Droit, et c’est ce que la société peut exiger, c’est lui qui décide en accord avec la loi. Les convictions, les pensées, les préférences, les croyances ou les non-croyances, c’est à la personne de décider chez elle

Je travaille sur une affaire avec mon cher Paulo Jolli. Nous sommes autorisés, nous avons déjà fait la défense orale, avec le vote du groupe dont le résultat a été de cinq à zéro, il suffit d’une seule voie pour que l’on puisse ratifier enfin qu’il n’y a pas de différence ontologique entre l’injure raciale et le crime de racisme.

 

Silvia Souza : Vous avez parlé du projet pour donner plus de pouvoir aux avocats noirs et noires. Quels sont vos projets en tant qu’avocat, mais également en tant que sujet noir qui vit au sein de la société brésilienne ? 

Hédio Silva Jr : Bon, je suis actuellement très actif dans les tribunaux supérieurs, dans la seconde instance et dans les tribunaux supérieurs, et je veux continuer dans la litigeance parce que les défis me motivent. Je suis passionné par la litigeance. Mais à partir de maintenant, je vais consacrer plus de temps à la formation, à la préparation. Le projet est déjà bien avancé, il va tenter de faire une série de ponts. On doit le lancer en mars. 

Silvia Souza : Professeur Hédio, avez-vous déjà pensé à occuper un siège en tant que ministre du TSF, si vous étiez invité, peut-être dans quelques années. Vous imaginez-vous à ce poste ?

Hédio Silva Jr : Vous savez à quel point le président Lula a pensé au nom de l’illustre Joaquim Barbosa, le deuxième de la liste était le mien, mais la distance de mon CV par rapport à celui de Joaquim était gigantesque. Joaquim est titulaire d’un doctorat en France, d’un master en Allemagne, il est Procureur de la République. Mais le deuxième était le mien. Et n’importe quel brésilien, n’importe quelle avocate ou avocat noir se sent honnête lorsque son nom est mentionné pour quelque poste que ce soit au Suprême, mais je ne me vois plus à cette place. Maintenant, je veux me dédier à la préparation des jeunes. Je veux me dédier à la production de contenu, d’articles, de livres, de répertoire de jurisprudence parce que le nombre d’actions judiciaires découlant du racisme grandit de façon effrayante et malheureusement dans la majorité des cas, c’est sans succès pour nous.


 

Silvia Souza | Brésil |

Silvia Souza, avocate, spécialiste en Droits Humains, diversités et violences par l’Université Fédéral de l’ABC, spécialiste en défense et recherche en criminologie et racisme. Elle a réalisé la défense oral du TSF en 2019 à propos de la prison en seconde instance, elle est connue comme étant la première femme à réaliser une défense orale dans ce tribunal. 

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