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periferias 6 | race, racisme, territoire et institutions

L’existence du peuple par la résistance : les Kurdes

Zozan Sima | Académie Jineolojî

| Rojava | Kurdistan |

traduit par Déborah Spatz

Organisé comme une nation apatride basée sur les principes de la démocratie, de l’école et de la libération des femmes, le peuple Kurde a prouvé, encore et toujours, qu’une société peut exister sans prendre le pouvoir, sans être hostile aux autres peuples et sans tracer de frontières. 

Notre démocratie participative et directe est le fruit d’un réseau organisationnel étendu qui permet des spécificités régionales et la diversité des langues et des cultures, ainsi que des structures autonomes de femmes et de jeunes. 

Ces structures sont parvenues à prospérer malgré les attaques racistes contre le peuple Kurde, que nous subissons depuis des millénaires. En effet, à cause de nos origines en Mésopotamie - lieu historique des premières civilisations du monde - notre identité est forgée par la nécessité de nous défendre contre les attaques d’États qui refuseraient de reconnaître notre identité culturelle. De nos jours, des centaines d’années plus tard, le peuple du Kurdistan continue de lutter pour son existence et sa liberté, guidée par le leadership des femmes et l’esprit de révolution féminin. 

Malgré notre longue histoire d’existence, la violence la plus dévastatrice qui s’est mise en place contre les Kurdes n’aurait lieu qu’avec le développement de la modernité capitaliste des deux derniers siècles. Bien que les responsable de ces politiques dans la région aient été les États de Turquie, d’Irak, d’Iran et de Syrie, ce sont avant tout les puissances impérialistes mondiales, principalement la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui ont préparé le terrain pour ces états, en leur offrant un soutien et des conseils pour commettre des massacres. Cette violence est, au fond, une violence de racisme culturel.

 

Lutte pour l’existence au Kurdistan de Bakour contre le racisme islamique turco-sunnite

La République de Turquie, dans son processus de construction basé sur l’identité turco-sunnite, s’est tournée vers les Kurdes après le génocide arménien de 1915. Cependant, à cause de la forte population kurde et du niveau d’organisation sociale (basée sur des tribus capables d’autodéfense et d’auto-gouvernance), l’État turc ne pouvait pas se permettre de commettre un génocide total. Mais, il a développé un processus d’élimination sur le long terme. Cette lente destruction a été mise en place petit à petit, suite à des recherches approfondies menées sur les spécificités de chaque région. En parallèle à ce massacre physique, une forme continue de génocide s’est installée, un génocide qu’ Abdullah Öcalan définit comme un « génocide culturel ». 

L’état a commencé ce processus en collectant les armes du peuple. Désarmer les tribus signifiait briser le pouvoir de la société kurde et sa capacité d’auto-défense. Ensuite, le service militer de longue durée dans l’armée nationaliste turque est devenu obligatoire. Les organisations politiques et sociales kurdes et même la langue kurde étaient interdites. Ceux qui avaient le courage de protester étaient éliminés, soit par arrestation, exil ou massacre. 

À Bakour, au nord du Kustistan, des pratiques à multiples facettes ont eu lieu et ont été maintenus en vigueur, notamment le meurtre de centaines de personnes, la destruction systématiques, l’incendie de village et les déplacements forcés. Les enfants ont été enlevés à leurs familles et emmenés dans des internats publics. En plus des massacres massifs au Kurdistan, à Koçgiri, après la rébellion de 1921, à Bingöl et à Amed, après la rébellion de Şex Said, en 1925, dans la vallée du Zilan, après le soulèvement d’ Agirî, en 1930 et pendant le génocide de Dersim, en 1938, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, harcelés, violées et arrêtées. Des attaques similaires ont eu lieu dans les années 1990 contre ceux qui soutenaient la lutte du PKK, qui est le 29e soulèvement pour la liberté du Kurdistan. 

Les kurdes qui collaborent avec l’État sont utilisés pour dissimuler des politiques meurtrières. Avec des personnes qui se rendent à l’État ou qui sont obligées de le faire, les Kurdes sont mis les uns contre les autres. Le système de gardes de villages mis en place au Kurdistan, développé par l’État turc, au sein des structures tribales elles-mêmes, est une organisation paramilitaire créée pour neutraliser et même assassiner les Kurdes révolutionnaire, démocratique et patriotique qui luttent pour la liberté. Ces gardes de villages, qui ont commis des crimes allant du trafic de drogue au harcèlement de femmes, en passant par le viol, le vol et la corruption, sont protégés par l’État. Des milliers de personnes ont été assassinées par ces gangs, puis jetées dans des puits d’acide. Le sort de milliers de personnes reste toujours inconnu. Depuis le 27 mai 1995, les mères des ‘disparus’ manifestent tous les samedis en public pour demander des éclaircissements sur leurs proches disparus. Elles sont devenues les « Mères du samedi ». 

Les femmes ont été plus profondément touchées par ces politiques et ces massacres. Le massacre perpétré à Dersim, en 1938, a essentiellement été un massacre de femmes. Tout comme les attaques de l’État islamique à Shengal en 2014, des milliers de femmes ont été enlevées à Dersim — selon certaines sources, 4000 ou plus. Des centaines de jeunes femmes ont été enlevées dans la région de Dersim, qui est une zone kurde alévie, elles ont été emmenées et données à des agents de l’État turc en tant qu’enfants adoptées ou épouses. Il n’y a toujours pas d’informations à propos d’elles.

Des documentaires tels que « Les filles perdues de Dersim » révèlent les politiques racistes envers les femmes. Même Sidika Avar, une enseignante du régime kémaliste qui travaillait dans la région, a écrit un livre à propos de ses souvenirs appelé « Mes montagnes de fleurs ». Ce livre est une confession des assimilations politiques infligées aux jeunes femmes, à propos des enfants qui ont été pris de force à leurs familles ou ceux dont la famille a été tuée dans les massacres et qui ont été élevés en tant musulmans turcs et sunnites dans des internats publics. Même si certains d’entre eux ont retrouvé leur famille par la suite, la plupart étaient profondément assimilés et avaient oublié leur propre langage et leur identité. 

Ces politiques ont eu un effet décisif sur le fait que le dialecte Dımilki de la langue kurde, qui est largement utilisé par les Kurdes de Dersim, est aujourd’hui une langue en danger. Les pratiques les plus sévères du gouvernement Turc sont apparues avec l'interdiction de la langue kurde, et ces pratiques concernaient principalement les femmes. Au départ, à cause des traditions féodales, les femmes n’avaient pas la possibilité d’aller à l’école, avec la pauvreté et l’éloignement avec les écoles, les hommes kurdes étaient obligés d’apprendre le turc à l’école et pendant le service militaire auquel ils étaient menés de force. 

L’enseignement forcé du turc a causé un traumatisme durable sur les enfants kurdes. Chaque enfant kurde qui commençait l’école sans parler le turc était battu et insulté parce qu’il parlait kurde, et pendant des années, il devait lire des serments racistes tous les matins, à l’école, qui disant « je suis fier d’être turc… je veux sacrifier mon existence pour l’existence turque. » Les enseignants avaient la permission et étaient même encouragés à punir violemment les élèves parlant kurdes, d’avertir leurs familles et même de les expulser de l’école. Les politiques de l’État turc ont produit des films, des photographies et des livres dans lesquels ils se moquaient de la langue et de la culture kurdes. Ce sont des tentatives pour transformer l’identité kurde en un symbole d’ignorance, d’illettrisme et d’arriération. Cette situation a endommagé la relation des enfants avec leurs mères qui représentait l’existence kurde avec leurs vêtements, leur langue et leur manière de vivre. Les enfants étaient embarrassés et même honteux. L’interdiction de la langue maternelle a conduit à l’humiliation constante des femmes dans les lieux officiels et les hôpitaux. 

Malgré une telle pression, les Kurdes ont bâti de nombreuses organisations et institutions pour protéger la langue et la culture kurdes. Pour atteindre la liberté, la résistance du peuple s’est poursuivie sans interruption. La résistance armée développée par le PKK sous la direction d’Abdullah Öcalan a été efficace pour repousser les politiques racistes. La résistance a commencé à Bakour, au Kurdistan et s’est étendue progressivement aux quatre coins du Kurdistan. En plus de la lutte pour la libération nationale depuis les années 1990, la perspective selon laquelle « la révolution du Kurdistan est une révolution de femmes » s’est développée. 

Les femmes qui participent à la lutte pour la libération du Kurdistan mènent une lutte efficace en formant des organisations d’auto-défense et politico-sociales contre les politiques racistes. Une nouvelle conscience a été créée pour combattre les politiques d’assimilations, en valorisant l’utilisation de la langue maternelle, des vêtements traditionnels et des symboles de la culture kurde. Les femmes ont transformé des évènements publics tels que les manifestations du 8 Mars, les festivals Newroz, les conférences et les manifestations en évènements de résistance culturelle, en participant avec leurs vêtements traditionnels et leurs couleurs. Les femmes kurdes se sont organisées dans tous les domaines de la vie, des universités, aux usines, dans les villages, les quartiers et les parlements municipaux.

Les mères des guérilleros martyrisés se sont organisées autour de l’Initiative des Mères de la Paix et travaillent pour une solution pacifique de la cause turque depuis 21 ans. Les familles des combattants de la liberté et des prisonniers politiques ont également lutté et se sont organisées pour soutenir la lutte de leurs enfants. En plus de cela, les femmes kurdes ont créé des plates-formes pour lutter avec les féministes, les socialistes, les démocrates, les anarchistes et les écologistes turcs. Ils se sont réunis pour une solution pacifique de la question kurde et contre les politiques racistes et sexistes. 

Contre cette résistance et cette organisation, les attaques de l’État turc contre les femmes sont devenues de plus en plus intenses. Les attaques les plus violentes contre les femmes et le mouvement de femmes se sont développées sous le règne d’Erdogan. Des femmes parlementaires et co-maires ont été arrêtées, des institutions de femmes ont été interdites. Des milliers d’activistes du mouvement de libération des femmes sont maintenant emprisonnées.

 

Du fait d’être ignorés à la Révolution; Kurdistan du Rojava

Le Kurdistan du Rojava a été mené sous le régime de Ba’ath qui représentait le nationalisme arabo-alaouite pendant des années. Dans leur politique à l’égard des Kurdes, la « République arabe-syrienne » affirmait que les Kurdes étaient des migrants qui étaient arrivés sur ces terres beaucoup plus tard. Pour changer la démographie de la région kurde, avec leur projet appelé la Ceinture Arabe, dans les années 1970, des familles arabes ont été installées dans des villages dans les zones kurdes.

Une grande partie de la population kurde a vu son statut de citoyenne révoqué et a été appelé ecnebi (étranger) ou mektum (fugitif). Étant sans papier, sans même avoir une carte d’identité, les Kurdes ne pouvaient avoir aucun droit de citoyenneté, ils ne pouvaient pas bénéficier des services publics. Ils étaient dépossédés de la possibilité de fréquenter l’école, de trouver un travail ou d’avoir une propriété. Mais les Kurdes étaient toujours forcés de faire les sept années du service militaire de l’État. Pendant différentes périodes, certains Kurdes révolutionnaires et intellectuels, comme Nuri Dersimi, Celadet Bedirxan et Abdullah Öcalan, sont venus à Rojava pour éviter les persécutions de l’État turc et continuer leur lutte pour la libération et l’unité du Kurdistan et du peuple kurde. Dans chaque période, le peuple de Rojava a soutenu et a participé aux luttes dans les autres parties du Kurdistan. 

Anticipant le coup d’État militaire fascite de 1980 en Turquie, Abdullah Ocalan est arrivé en Syrie avec des membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Durant des années, Rojava était un terrain pour les travaux éducatifs et organisationnels du Mouvement pour la liberté du Kurdistan. La société, la milice, les sympathisants et les comités populaires du Rojava ont 40 ans d’histoire de lutte. Depuis le début, la participation des femmes est très forte. Les femmes ont tenté de résoudre les problèmes sociaux en rejoignant les rangs de la guérilla ou en créant des comités.

Clandestinement, les femmes ont organisé des travaux culturels, une éducation politique et des cours de langues kurdes chez elles. En travaillant de façon communautaire avec les hommes, les femmes ont joué un rôle actif dans la croissance de la sensibilisation, l’organisation des ressources matérielles dans le soutien de la lutte et la création de la solidarité sociale. Les familles ont même encouragé leurs enfants à rejoindre les forces de guérilla. À partir des années 1980, de nombreuses femmes du Kurdistan du Rojava ont rejoint la guérilla et sont devenues des martyrs de la lutte. En 2005, la première organisation de femmes autonomes a été établie sous le nom de Yekitiya-Star. Avec la révolution du Rojava, elle a commencé à s’organiser à plus grande échelle et a changé son nom pour devenir Kongra Star.

Avec les soulèvements populaires et les rébellions au Moyen-Orient, à partir de 2011, la révolution du Rojava a réussi à établir des structures d’auto-administrations du peuple basée sur la démocratie radicale, l’écologie et la liberté de femme. Le rôle des femmes a été décisif dans la réalisation de la démocratie automatique du Rojava. La résistance armée développée sous la direction des Unités de défense des femmes (YPJ) contre l’État Islamique à Rojava et à Shengal en 2014 a eu un impact mondial. Grâce à leur volonté organisée, les femmes sont parvenues à une représentation égale et à la mise en place d’un système de coprésidence dans la sphère politique et dans toutes les institutions. 

Les femmes kurdes ont créé des organisations autonomes dans tous les domaines de la vie : des unités de défenses aux organisations, en passant par les conseils de la culture et des arts, les institutions d’économie communale et même le conseil de la justice des femmes. De nombreuses décisions importantes concernant les femmes ne peuvent être prises que par les femmes elles-mêmes. Les crimes contre les femmes sont traités conformément aux lois des femmes qui ont été initiées par le mouvement des femmes et ont été approuvées par l’assemblée constitutionnelle de l’autonomie démocratique. En plus de ceux-ci, des conseils communs ont été créés avec des personnes arabes, syriaques, arméniennes, circassiennes, tchétchènes et turkmènes, ainsi qu’avec les personnes de croyances Ezidi, Chrétienne et Musulmanes. Les femmes ainsi que les personnes de tous les groupes nationaux, religieux et sociaux ont la garantie de participer à ce système grâce à leur propre organisation.

 

La guerre pour l’existence de Başur au Kurdistan, entre le nationalisme sunnite-arabe et le nationalisme micro-kurde

L’État irakien, qui a été construit sur la base du nationalisme sunnite-arabe, a toujours commis des massacres de peuple kurde dans la géographie du Kurdistan. On estime que plus de 200 000 personnes ont été assassinées, des centaines de villages ont été incendiés et plus d’un million de kurdes ont été déplacés sous le régime de Saddam Hussein. Des centaines de femmes kurdes ont fait l’objet de harcèlement, de viol ou ont été vendues dans des pays arabes. Le plus horrible des massacres a eu lieu à Halabja, Başure, au Kurdistan du 16 mars 1988 à 1989. L’attaque chimique a impliqué l’usage de gaz moutarde et sarin et a tué plus de 5000 personnes, des femmes et des enfants pour la majorité. Plus de 10 000 personnes ont été blessées. L’impact des armes chimiques a fait en sorte que de nombreuses maladies se propagent de générations en générations futures. Même si Saddam et ses associés ont été menés en justice et exécutés, les puissances internationales complices du massacre par la vente de ces armes chimiques à l’Irak n’ont jamais été poursuivies ni jugées. 

Başur au Kurdistan a une longue histoire de luttes et de résistance. Les femmes peshmergas ont également joué un rôle important dans cette résistance, malgré leur nombre limité et leurs positions moins actives. Leyla Qasım est devenu un symbole grâce à sa résistance en tant que femme Kurde, et a été exécutée par Saddam. Le mettre de Margaret Shello, une autre femme peshmerga d’origine assyrienne, n’a toujours pas été élucidé. 

Après une longue lutte, les Kurdes ont gagné leur autonomie avec la défaite du régime fascite de Ba’ath. Cependant, avec la politique impérialiste des États-Unis, la région du Kurdistan a été occupée de différente manière. À cause des politiques qui favorisent la diffusion du style de vie et de la culture capitaliste dans la région, il y a une immigration constante vers l’Europe. Avec l’admiration des cultures européennes et nord-américaine, les personnes perçoivent leur propre langue et leur culture comme étant arriérées. Sans protéger et développer une politique pour le profit de son peuple et du Kurdistan, le gouvernement régional de Basure, Kurdistan (dans lequel le PDK et le PUK sont des forces décisives) a fait des concessions à l’Iran et à la Turquie. Au lieu des besoins de la société, ce sont les gains personnels et familiaux qui déterminent leurs politiques. Ces politiques, que l'on peut appeler le micro-nationalisme d’une nation opprimée, créent un cercle vicieux négociant entre les puissances internationales qui contrôlent les Kurdes, leur permettant d’être massacrés. 

En plus de cela, l’attitude actuelle de l’administration face aux femmes reproduit le sexisme et renforce le système patriarcal. Le nombre de femmes qui ont été massacré sous le nom de « suicide » ou de crime d’honneur est très important. Même s’il existe de nombreuses organisations de femmes de type ONG, comme dans d’autres parties du monde, elles visent à amortir les réactions et à lutter contre le système patriarcal dans une perspective eurocentrique de solutions libérales. Le mouvement de libération des femmes du Kurdistan à Başur doit lutter contre les approches impérialistes et euro-centriques, contre la domination des États colonialistes sur le Kurdistan et contre l’administration kurde qui domine la région. Les femmes jouent un rôle important dans les travaux pour « l’unité nationale » en connectant les éléments politiques, sociaux, culturels, économiques et d’autodéfense et organisant les quatre parties du Kurdistan. 

Şengal, l’ancien sanctuaire des Yézidis, a une signification particulière dans le cadre du Kurdistan de Başur ainsi que dans l’implantation de politiques racistes spécifiques contre les Kurdes Yézidis par le régime Irakien. Le peuple Ezidi, qui a été soumis au 74e génocide de l’État Islamique, a constamment été exposé à des attitudes racismes pour être à la fois kurdes et raidi. Semblable à la chasse aux sorcières de l’Europe médiévale, les Yézidis ont été les cibles des groupes islamiques fondamentalistes dirigés par les gouvernements d’États.

Les Yézidis était constamment visés par la propagande les accusant de « vénérer le diable », en déformant la croyance Yézidi qui dit que Dieu et les angles ne peuvent pas être mauvais et que le mal est lié aux humains. Leur système de croyance est basé sur l’adoration de la nature. En ce sens, nous pouvons considérer cela comme une continuation de la culture de la déesse néolithique. Cependant, à cause des nombreux massacres dont ils ont été témoins, ils sont devenus toujours plus introvertis, créant même des systèmes de castes basés sur l’auto protection. Sous le règne de Saddam, beaucoup de Yézidis ont été expulsés de leurs villages et réinstallés de manière forcée dans les villes. Ainsi, ils ont été détachés de leurs Montagnes Sacrées et se sont installés dans les plaines. Après 2003, la région de Chenal a été mise sous la protection des forces peshmerga de l’administration régionale du Kurdistan. 

Lorsque les attaques génocidaires de l’État Islamique ont commencé à Şengal, le 2 août 2014, les forces peshmergas du PDK chargés de protéger la région se sont échappées et ont laissé la population vulnérable au massacre. Par conséquent, près de 7 000 femmes et enfants ont été enlevés, des milliers ont été tués et des milliers d’autres ont été déplacés ou ont migré. Seule l’intervention des forces de guérilla HPG et YJA-Star des montagnes du Kurdistan avec les Forces de Défense YPG et YPJ de Rojava ont été capables d’empêcher de nouveaux massacres. Plus de 150 guérillas qui luttaient pour sauver les réfugiés Yezidi dans les montagnes du Şengal sont tombées en martyrs dans cette bataille contre Daech.

Après la défaite contre l’État Islamique, le peuple du Shengal a commencé à organiser les bases de l’autonomie démocratique. Pour la première fois, les femmes Yézidis ont construit leurs propres forces de défense, des conseils de femmes et de nombreuses autres institutions féminines. L’histoire d’une femme que Daech a enlevé et venue comme esclave sur les marchés de Raqqa a été marquante. Cette jeune femme est parvenue à échapper à l’esclavage et a rejoint les YJŞ (Unité de femmes du Şengal) et a participé à la bataille pour la libération de Raqqa, la prétendue capitale de l’État Islamique. Elle est revenue placer un drapeau sur le marché où elle avait été vendue, en tant que prisonnière. Mais, au moment où nous écrivons cet article, la Turquie et l’Irak, avec le PDK et les États-Unis négocient une réponse et un plan visant à négocier l’autonomie de Şengal. Néanmoins, avec la résistance menée par les femmes, le peuple du Şengal va continuer la lutte pour l’autonomie.

 

Kurdistan de Rojhilatê : un lieu de résistance contre les ténèbres du régime des mollahs

Dans la République islamique d’Iran, fondée sur le nationalisme chiites-persan et sur les gouvernements iraniens antérieurs, les Kurdes n’étaient pas reconnu comme leur propre peuple, mais plutôt comme une « branche du peuple persan ». Le région iranien n’a donc pas reconnu la langue, la culture ou les droits politiques des Kurdes. Cependant, il y a dans cette région les éléments les plus riches de la culture kurde, y compris l’art et la littérature, dans lesquels les femmes jouent un rôle très important. La plupart des riches exemples de la musique kurde proviennent des régions de Rojhilat. L’authenticité en termes de croyantes et de diversité linguistique a été préservée et les motivations de la foi zoroastrienne sont bien vivantes. 

L’organisation et la résistance des Kurdes dans cette région, elle aussi, a une longue histoire. Cependant, l’État iranien, avec ses complots, ses infiltrations et ses assassinats, a rendu la résistance de ces organisations inefficaces. Après l’expérience de la République kurde Muhabad, avec une courte histoire, et avec l’exécution de son dirigeant Qazi Muhammed, un mouvement de résistance efficace n’a pas pu être développé. Des organisations de résistance armées telles que le Komala marxiste ont été créées et les femmes ont pris une part active dans ces organisations. Mais la plupart de ces organisations sont devenues inefficaces à cause de la politique de l’État iranien ou ont été éliminées par diverses méthodes.  

Principalement après le complot international contre Abdullah Öcalan, en 1999, un nombre important de Kurdes de cette région ont rejoint la lutte pour la liberté du Kurdistan. Plus d’un millier de jeunes hommes et de jeunes femmes ont rejoint l’armée de la guérilla et des mesures importantes ont été prises. Les femmes kurdes de Rojhilat ont aussi créé leurs organisations autonomes, à partir de 2004, à la fois dans les forces armées d'autodéfense et dans la sphère sociale. Les tactiques d’arrestation et d’exécution de l’État Iranien ne sont pas parvenues à briser la volonté de cette organisation. Şirin Elemhuli, qui était à la tête de cette résistance, a été exécuté le 9 mai 2010, avec quatre de ses camarades.

Il y a encore de nombreuses personnes menacées d’exécution dans les prisons iraniennes. L’une d’entre elles est Zeynep Celaliyan. Plusieurs campagnes internationales ont été menées pour la libération de Zeynep Celaliyan, qui a constamment été torturée parce qu’elle ne s’était pas rendue. Son exécution n’a été retardée que par des actions politiques. Les femmes kurdes à Rojhilat continuent leur lutte d’une manière multiforme. Les réseaux sociaux créent effectivement une reconnaissance à travers les médias et poursuivent leur travail malgré la menace d’exécution dans les conditions les plus difficiles.


 

Zozan Sima | Rojava |

Membre de l’Académie Jineolojî

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