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illustration: Juliana Barbosa

Narratives anticolonialistes des Afriques

Interview avec Vensam Iala, du collectif Visto África

| Brésil | Guinée-Bissau |

août 2020

traduit par Déborah Spatz

Cleber Ribeiro : Qu’est-ce que Visto África ? Comment est-ce apparut et quel en est l’objectif ? 

Vensam Iala : Visto África est un projet qui a commencé en 2012, à cause de ma venue au Brésil. Je suis arrivé au Brésil en 2010 et je suis directement allé à l’Université Unesp, à Assis, dans laquelle j’ai obtenu mon diplôme de Lettres. Durant mes études, j’ai remarqué l’absence très significative des Afriques. Et les abordages qu’il y avait à propos de l’Afrique forçaient un stéréotype qui n’était pas celui de l’Afrique dans laquelle je vis, j’ai vécu, par exemple et que je connais. Il s’agit de plusieurs Afriques stéréotypées en une seule, n’est-ce pas ? Cette image qui voit une Afrique singulière. L’Afrique comme un pays. Ça a commencé à beaucoup me déranger. 

Le programme ne contenait pas non plus d’éléments qui permettent de connaître les littératures ou les philosophies des Afriques. Il devient évident que, au sein de l’université, un imaginaire d’une Afrique singulière, totalement stéréotypée, s’est construit. Nous parlons ici de la nécessité des personnes d’avoir accès aux informations. Les personnes sont là pour construire un savoir et ce savoir n’est pas permis à travers de ce qui vient des Afriques. Ça m’a énormément dérangé. 

J’ai donc commencé à amener une narrative dans laquelle apparaissait le protagoniste africain, dans laquelle on peut raconter notre histoire à travers notre vécus. J’ai lancé la campagne du Visto África. Une campagne civique, de prise de conscience  publique qui a pour objectif de montrer le côté des Afriques pour déconstruire ces représentations que non seulement la société reproduit, mais également l’académie.

Et Visto África vise à combattre ces visions réductionnistes du continent et du peuples des Afriques. Et du peuple noir d’une manière générale. Visto África est donc apparu comme ça et avec l’objectif de déconstruire des narratives occidentales à propos du continent Africain. Non seulement de les déconstruire mais aussi d’apporter une autre narrative, pas une narrative nouvelle, mais la narrative qui a été négligée. Montrer l’autre côté de ces Afriques, de façon à sensibiliser et à éduquer les personnes. 

« J’ai lancé la campagne du Visto África. Une campagne civique, de prise de conscience  publique qui a pour objectif de montrer le côté des Afriques pour déconstruire ces représentations que non seulement la société reproduit, mais également l’académie. Et Visto África vise à combattre ces visions réductionnistes du continent et du peuples des Afriques. Et du peuple noir d’une manière générale  »

Daniel Martins : Pourrais-tu parler un peu plus de la composition de Visto África ? Qui sont les personnes qui le forme et de quels pays viennent-elles ? 

Vensam Iala : L’idée m’est venu en 2012, mais je ne parvenais pas à avoir des éléments suffisants pour la développer. Après avoir déménagé à São Paulo, il y a deux ans, j’ai commencé à y travailler. Comme je suis le président de l’Association de la Communauté de Guinée-Bissau, ici à São Paulo, j’ai beaucoup de contact avec les gens de ma communauté. Le projet est donc constitué majoritairement de personnes de ma communauté, qui sont de Guinée-Bissau. Il y en a deux qui viennent du Bénin, qui sont mes amis, qui aident à apporter du contenu. Comme c’est un espace qui est en construction et qui cherche différents peuples des Afriques, il y a des mozambicains sur le projet, il y a une fille de Côte d’Ivoire. Joignez-vous à l’engagement, construisons ensemble. L’idée est qu’il y ait plusieurs Afriques dans le même projet. Nous développons plusieurs projets de formation. De conversation, de motivation pour les enfants. Parce que nous avons des enfants, des enfants d’immigrés africains qui rêvent. Des Brésiliens, en réalité. Il ont la nationalité brésilienne mais leurs parents viennent de certains pays africains. Dans le cas concret de la Guinée-Bissau, nous développons des projets de motivation, principalement dans les domaines artistiques. Beaucoup veulent devenir des artistes, des mannequins, des acteurs. 

Et lorsqu’on parle de cette question d’éducation que l’on a, en particulier, ce côté pédagogique que l’on apporte également, c’est parce que nous croyons qu’un abordage qui amène réellement des résultats positifs doit être éducationnel, principalement, tourné vers les enfants. Nous avons beaucoup d’abordages, des manières, également, de convaincre notre public. Nous avons un tableau avec les narratives ludiques de l’immigrants africains au Brésil, une forme qui intéresse les enfants. Parce que nous comprenons qu’en construisant l’imaginaire de ces enfants, en créant de l’empathie, en montrant aux enfants qu’il y a une diversité, que nous sommes pluriels, divers et différents, mais que nos différences doivent nous compléter et non pas nous séparer, ainsi nous parviendrons à un résultat beaucoup plus effectif sur le long terme que si on ne se concentrait que sur les adultes. « L’idée est qu’il y ait plusieurs Afriques dans le même projet. Nous développons plusieurs projets de formation. De conversation, de motivation pour les enfants. Parce que nous avons des enfants, des enfants d’immigrés africains qui rêvent. Des Brésiliens, en réalité »

Cleber Ribeiro : Quelles sont les attentions importantes pour comprendre l’Afrique comme un continent ? 

Vensam Iala : Il est important de comprendre l’Afrique comme un contient à partir des histoires des diverses Afriques. Raconter l’Afrique non pas comme elle est racontée ici au Brésil, par exemple, on dirait que l’histoire africaine commence à partir du navire négrier. Il fait arrêter avec cette histoire. Il faut réellement raconter l’histoire de l’Afrique des grands royaumes, des empires qui, avant l’invasion européenne, avait déjà une société structurée. Nous voulons qu’on raconte cette histoire parce qu’il est important du point de vue historique et du point de vue de la construction de l’imaginaire ontologique de tous les sujets noirs. Parce qu’à partir du moment où une personne connaît son histoire, elle connaît ses racines et comme se positionner dans le monde d’aujourd’hui. Elle sait comment avancer vers demain. Et au Brésil, on nie aux noirs d’ici, ce recentrement de ce qu’est le continent africain depuis le début, depuis l’arrivée des européens. Parler de cette Afrique pré-coloniale puisque l’histoire qu’on raconte est seulement coloniale, qui va renforcer le stéréotype réductionniste du contient africain, comme si ce n’était qu’une chose. Comme si on créait ces images de misère, de pauvreté, de faim, enfin. Toutes les images qui tentent vraiment de faire honte, non seulement aux peuples des Afriques, mais à tous les noirs qui ont cette descendance au point de nier ce lieu. Il est important de montrer l’histoire réelle de notre peuple parce que c’est une histoire de fierté. Nous croyons donc que de faire ce sauvetage, raconter cette histoire de ces Afriques pré-coloniale va reconfigurer la narrative du continent. 

Cela est fondamental pour nous, peuple des Afriques. Quand je parle de peuple des Afriques, je ne parle pas seulement des africains nés sur le continent, mais les africains, les noirs nés dans les diasporas. Au Brésil, aux États-Unis, en Jamaïque, etc. 

« Toutes les images qui tentent vraiment de faire honte, non seulement aux peuples des Afriques, mais à tous les noirs qui ont cette descendance au point de nier ce lieu. Il est important de montrer l’histoire réelle de notre peuple parce que c’est une histoire de fierté »

Cleber Ribeiro : Je pense que ce que tu viens de dire crée un ancrage pour t’interroger sur les principaux défis auxquels font face les immigrés des pays du continent africain, des Afriques, au Brésil.  

Vensam Iala : Il y en a beaucoup, n’est-ce pas ?

Je voudrais parler un peu du statut de l’étranger. Le statut de l’étranger ici, au Brésil, voit l’immigrant comme une personne dangereuse. Mais de quel immigrant s’agit-il ? Nous savons également, c’est un fait au Brésil, historiquement, il y a eu une politique d’hygiénisation au Brésil qui a permis l’entrée des européens ici, pour blanchir la société brésilienne. On a empêcher la venue des peuples venus des Afriques. On a ainsi tenté de blanchir cette société. Que va dire ce statut ? Que les immigrants sont dangereux, mais pas tous. Il s’agirait des immigrants africains qui viennent de ces pays. Les immigrants noirs, qui payent le prix fort pour cela.

Donc, tu arrives ici, en tant qu’immigré d’un pays africain, tu commences à avoir de nombreuses difficultés par rapport à tes documents.

Je crois que c’était l’année dernière, en 2019, le statut de la nouvelle loi de l’immigration, Loi n°13.445/2017. Cette nouvelle loi sur l’immigration a tenté d’être un peu plus malléable, mais même comme ça, elle n’a pas sorti les immigré de ce lieu de difficultés. Et, ce lieu apparaît toujours pour les immigrés africain, parce qu’on associe cela à la question de l’esclavage dans laquelle les noirs eux-mêmes qui sont nés ici n’ont pas eu ce lieu de respect, de considération et sont vus également comme des personnes dangereuses dans cette société.« Que va dire ce statut ? Que les immigrants sont dangereux, mais pas tous. Il s’agirait des immigrants africains qui viennent de ces pays. Les immigrants noirs, qui payent le prix fort pour cela »Imagine le noir qui ne porte pas seulement le poids d’être noir africain, il porte aussi le poids d’être l’autre, l’étranger, celui qui vient d’ailleurs, tu comprends ? C’est comme ça, en tant qu’immigré africains, nous partageons les causes des luttes de nos frères noirs nés ici et nous avons une autre lutte en plus, qui est le fait que nous ne sommes pas de cette terre. 

On nous montre tout le temps du doigts comme étant l’autre, que nous devenons retourner chez nous, que nous ne sommes pas d’ici. On le voit dans les regards, dans les discussions et dans les plus diverses formes de la société. C’est donc un énorme défi pour nous, d’occuper cette espace, mais nous voulons être dans cet espace de dignité humaine dans lequel les noirs qui sont nés ici eux-mêmes ne se trouvent pas. On doit donc travailler doublement. Je pense que pour nous, en tant que peuples africains, les noirs nés dans la diasporas, comme ceux nés sur le contient, notre défi est d’unir les causes pour lesquelles nous luttons. 

Nous savons que selon les données de l’IBGE [Institut Brésilien de Géographie et de Statistique], dans 70% des communes brésiliennes, les immigrés sont présents de manière significative. Mais seulement 5% de ces communes ont une politique d’accueil, de réception des immigrés. Mais il existe des organisations, des initiatives apparaissent sans cesse grâce aux propres immigrés pour essayer de remédier à cette situation. Il y a des immigrés qui créent des entreprises, donnant du travail non seulement aux immigrés mais également aux brésiliens, ils font donc bouger l’économie du pays. 

Je pense que pour nous, en tant que peuples africains, les noirs nés dans la diasporas, comme ceux nés sur le contient, notre défi est d’unir les causes pour lesquelles nous luttons. 

Nous savons que selon les données de l’IBGE [Institut Brésilien de Géographie et de Statistique], dans 70% des communes brésiliennes, les immigrés sont présents de manière significative. Mais seulement 5% de ces communes ont une politique d’accueil, de réception des immigrés. Mais il existe des organisations, des initiatives apparaissent sans cesse grâce aux propres immigrés pour essayer de remédier à cette situation. Il y a des immigrés qui créent des entreprises, donnant du travail non seulement aux immigrés mais également aux brésiliens, ils font donc bouger l’économie du pays. « Nous savons que selon les données de l’IBGE [Institut Brésilien de Géographie et de Statistique], dans 70% des communes brésiliennes, les immigrés sont présents de manière significative. Mais seulement 5% de ces communes ont une politique d’accueil, de réception des immigrés. Mais il existe des organisations, des initiatives apparaissent sans cesse grâce aux propres immigrés pour essayer de remédier à cette situation. Il y a des immigrés qui créent des entreprises, donnant du travail non seulement aux immigrés mais également aux brésiliens, ils font donc bouger l’économie du pays »

Cleber Ribeiro : Comment est-ce, pour toi, de devenir noir au Brésil ? Comment vois-tu ce processus ?

Vensam Iala : J’aime beaucoup le terme que tu as employé, devenir noir. C’est très important de dire cela alors que je suis un sujet guinéen, en tant que sujet Balanta, ma lignée, en tant que sujet du clan Kuntoé / Nhakra qui sont les qualités qui me représentent en tant que sujet. D’ailleurs, cela est très important à dire, pourquoi je ne me présente pas en tant que Vensam de Guinée Bissau, je me présente par mon nom de famille, qui est celui de ma lignée, cela en dit déjà beaucoup sur celui que je suis. Quand je suis arrivé, je suis formé par ce cercle social, par cette forme de relation interpersonnelle avec les gens. Quand j’arrive au Brésil, je dois arriver d’une autre façon. 

J’ai eu une petite crise identitaire parce que je me suis reconnu comme noir ici au Brésil et, comme si cela ne suffisait pas, j’ai compris que cela était un problème. Parce que dans mon pays, on ne pense jamais à cela. Il y a le fait que le pays soit constitué par des personnes noires, très fortement noires, depuis l’indépendance du pays, de toutes les institutions sont occupées par des personnes noires. Ainsi, les décisions du pouvoir du pays sur les personnes noires sont également prises par des personnes noires. Mes références sont des personnes noires, différemment du processus qui a lieu ici au Brésil. J’arrive dans un pays qui commence à me reconnaître parce que les regards des personnes me disent la place que j’occupe peut ne pas être la mienne. 

Je viens d’un endroit où mon estime de moi-même, je dis ça d’une manière générale, est très haute et très en avant. Je suis une personne qui regarde en avant et qui y va, j'ai été élevé dans cette logique de chercher ce que je veux. Mais ce n’est pas ce que permet la société brésilienne, d’après mon expérience, à mes pairs : le droit d’être seulement une personne ou un jeune homme, parce que tout le temps on ajoute que tu es une personne et une jeune homme, mais que tu es noir. Cela, évidemment, nous mène vers d’autres lieux. 

« Je viens d’un endroit où mon estime de moi-même, je dis ça d’une manière générale, est très haute et très en avant. Je suis une personne qui regarde en avant et qui y va, j'ai été élevé dans cette logique de chercher ce que je veux. Mais ce n’est pas ce que permet la société brésilienne, d’après mon expérience, à mes pairs : le droit d’être seulement une personne ou un jeune homme, parce que tout le temps on ajoute que tu es une personne et une jeune homme, mais que tu es noir. Cela, évidemment, nous mène vers d’autres lieux »

 

Cleber Ribeiro : Quelle est la centralité du droit au logement pour les immigrés des pays africains ? 

Vensam Iala : Cette question du logement est très importante parce que c’est l’un des points centraux contre lequel les immigrés doivent se battre ici, avec celle des documents et du travail. La majorité des immigrés semble vivre en marge de la société. En marge de la société parce que si tu n’as pas de travail, tu n’as pas de documents et très rarement, tu vas travailler. Il n’est même pas nécessaire de dire que si tu n’as pas de travail, tu finis par vivre en situation de grande vulnérabilité. 

D’ailleurs, notre communauté vit, celle de Guinée-Bissau, dans sa majorité dans des zones périphéries, très loin du centre. Parce que c’est la condition dans laquelle nous nous trouvons. J’ai déjà vécu des situations dans lesquelles j’ai téléphoné aux propriétaires pour louer une maison, dans le centre, dans un lieu très central, et j’ai entendu un « non », parce qu’il ne voulait pas avoir un immigré africain. Un imaginaire qui a crée cet immigré, africain, à cette place de la peur, du danger s’est construit. Les personnes ont doublement peur parce qu’il est noir et que c’est un africain. 

Il y a beaucoup de manifestations de politiques de mouvement des communautés des immigrés, qui tentent d’obtenir les documents pour les immigrés qui sont en situations dites illégales. Pour qu’ils puissent, non seulement obtenir un travail, mais pour qu’ils puissent obtenir des logements. Beaucoup d’immigrés africain et boliviens, les boliviens sont d’ailleurs la plus grande communauté d’immigrés du Brésil, je crois, vivent dans des occupations. On dirait que ce sont ces lieux qui restent. 

Il y a le mouvement de groupes d’immigré de certains étudiants de l’Université de São Paulo, qui s’appelle Fronteiras Cruzadas. Il y a le ProMigra, le Projet de Promotion de Droit des Migrants, Extension de la Faculté de Droit de l’USP, qui est un projet d’extension de la formation en Droit de l’USP. 

« Il y a beaucoup de manifestations de politiques de mouvement des communautés des immigrés, qui tentent d’obtenir les documents pour les immigrés qui sont en situations dites illégales. Pour qu’ils puissent, non seulement obtenir un travail, mais pour qu’ils puissent obtenir des logements »

Il y a deux semaines [le 15 juillet 2020] nous étions dans une occupation de la COHAB de Carapicuíba pour apporter des kits d’alimentation, provenant d’un camp du Mouvement des Sans Terre. Dans cette communauté, il y avait des boliviens, des guinéens, des angolais et des haïtiens. Il y a un réseau en mouvement, mais ces mouvements doivent être renforcés. Et, soyons d’accord, ce gouvernement n’est pas un gouvernement avec lequel on peut espérer que cela arrive. 

Il y a également Cáritas, ici à São Paulo qui développe un travail très important d’accueil des immigrants. La ville de São Paulo regroupe à elle seule 50% de la population immigrante du Brésil.

Cleber Ribeiro : Comment vois-tu le droit à la santé du migrant des Afrique dans le contexte de la Pandémie ?

Vensam Iala : Je crois que tout devient plus grave dans un contexte de pandémie. Il y a un cas très, très symbolique d’une immigrée de Haïti, une immigrée enceinte qui s’est rendue à l’hôpital et elle n’a pas été soignée. Elle ne l’a simplement pas été, malgré le fait qu’elle ait les papiers et tout. Son mari a même enregistré un message pour dénoncer ce cas, mais la personne, l’infirmière n’a simplement pas voulu la soignée parce qu’il y avait des brésiliens qui devaient être soignés. Le SUS [Sytème Unique de Santé] est le système que, pratiquement, tous les immigrés utilisent ici. C’est le système de santé qui doit être renforcé par une politique publique, parce que le SUS sauve la vie de nombreuses personnes. 

Si je n’ai déjà pas le droit de venir ici, d’avoir des documents ici, je n’ai pas le droit de vivre ici, je n’ai pas le droit de travailler ici, imagine ce qu’il en est du droit à la santé. La santé, l’habitat et l’accès au travail sont des droits de bases. Et c’est ce que le système nous nie. Parce que les personnes blanches occupent notre espace, et là, elles n’acceptent pas de donner l’accès à des personnes noires, des personnes immigrées venant des Afriques. Dans cette pandémie, il y a eu beaucoup de négligences médicales. 

Nous avons vu le cas d’une femme qui a été victime de négligence obstétrique, et là, nous pouvons faire une autre division en amenant le fait que cela se passe déjà historiquement, au Brésil. La négligence obstétrique envers les femmes noires du pays. C’est arrivé à une immigrée qui était en train d’accoucher et à qui on n’a pas donné d’anesthésie, ce qui a fini par avoir des complications et jusqu’aujourd’hui elle n’arrive toujours pas à marcher. Et, c’est un cas très, très compliqué et il n’existe pas de document parce qu’on aurait dû faire appelle à la justice, mais pour cela, il faut des documents pour pouvoir faire un Dépôt de Plainte.   

Je trouve que c’est important de dire, dans ce contexte de pandémie, que « l’Afrique n’est pas un laboratoire de test ». Historiquement, le contient africain, les peuples des Afriques ont été utilisés pour des tests, nous avons des rapports d’histoires de beaucoup de virus qui ont été créés dans les laboratoires européens, et qui ont été emmenés vers le contient africain. Ainsi, ce n’est pas par hasard si un médecin français a suggéré un test sur les africain, pour la découverte du vaccin contre le covid-19. Cela a toujours eu lieu historiquement, depuis le début du XXe siècle. Cela doit être dit, parce que le problème de la pandémie a lieu maintenant, en ce moment, ils utilisent les peuples des Afriques pour tester leurs vaccins. Cela se passe même en Guinée-Bissau. Miguel de Barros a récemment eu un accrochage avec un politicien guinéen qui a permis la recherche à propos d’un vaccin contre la poliomyélite. C’est important qu’on parle vraiment de ça, parce que l’occident voit le contient africain, il voit les noirs comme des sujets animaux. Des animaux qui ne servent que pour leurs recherches. Maintenant, il est important que nous, en tant qu’africains, nous commencions à penser à notre programme. Comment luttons-nous contre cela ?

Nous devons commencer à valoriser ce que nous produisons. Penser à notre santé à travers les façons millénaires que nous avons oubliées. Ils les abominaient, ils disaient que nos façons millénaires de nous guérir étaient déphasées. Je crois très sincèrement que toutes les maladies se traient avec des médicaments naturels. C’était la manière de vivre des peuples des Afriques. 

Daniel Martins: Zukiswa Wanner, fondatrice du festival Afrolit Sans Frontières parle beaucoup de la manière dont l’Afrique est lue dans le monde entier et que celle-ci écrit. Il existe une universalité dans l’écrit des Afriques qui est énorme. Ben Okri dit « l’Afrique écrit et l’Afrique prospère ». Donc, quel est le message que tu transmets, tant dans la communauté des immigrés des Afriques que pour la société brésilienne pour qu’elle revoient le regard sur ce qu’elles ne connaissent pas ou ignorent ?  

Vensam Iala : Je voudrais rappeler certains penseurs qui avant moi ont fait tout un cheminement pour que je puisse être là aujourd’hui. Je voudrais rappeler le penseur Nag Dove, également Amilcar Cabral, Agostinho Neto, Julius Kambarage Nyerere, de Tanzanie, Samora Moisés Machel, du Mozambique et Abdias do Nascimento, Dandara et tant d’autres encore. Beaucoup d’autres qui nous ont permis d’être là aujourd’hui et de participer à ce dialogue. Je voudrais dire que ces personnes ne sont pas présentes de manière physique avec nous, mais spirituellement, elles le sont, leurs idées sont avec nous. Ce que nous faisons n’est rien de nouveau, nous ne faisons que renforcer, résister avec ces idées qu’ils ont implantées, amenées de leurs ancêtres, leurs passés que nous continuons de poursuivre aujourd’hui. Pour dire que ces Afriques existent en nous, en nous tous. « Je voudrais rappeler le penseur Nag Dove, également Amilcar Cabral, Agostinho Neto, Julius Kambarage Nyerere, de Tanzanie, Samora Moisés Machel, du Mozambique et Abdias do Nascimento, Dandara et tant d’autres encore »

Et que cette Afrique n’est pas morte, cette Afrique vit et produit. Comme tu l’as dit, et très bien d’ailleurs, nous devons montrer, exposer, permettre que ces Afriques fleurissent. Ainsi, un message du Prêtre Antonio Vieira dans le contexte du Brésil, lorsqu’il dit que « le Brésil a son âme en Afrique et son corps dans les Amériques, tant qu’il ne permettra pas que son âme fleurisse vivante, il ne va pas être le Brésil qu’il veut être ». Je pense que cela est très important, donc, dans le contexte du Brésil, il faut réellement penser à ce concept d’universalité que nous avons. Ce concept universel que l’Afrique à sa place. 

Dans ce contexte de pandémie, tout le monde doit être à la maison, tout le monde doit faire attention. Il faut penser à l’autre, au prochain. Et cela ne représente rien de neuf pour nous, c’est la manière de vivre africaine. C’est la manière de vivre dans les Afriques, c’est Ubuntu. Et l’Ubuntu, ce n’est pas seulement  « je suis parce que nous sommes », cette philosophie finit par être réduit à cette phrase. Ubuntu est une des philosophies africaines que l’ont connaît le plus au Brésil et à travers le monde, mais qui doit être de fait explorer, au-delà du concept, de manière pratique. 

Le soin que je me porte à moi-même, la manière dont je me vois, je ne vais me voir de cette façon qu’à partir du moment où j’arrive à voir, à aller plus loin et à voir l’autre, c’est ça, mis en pratique. Un bien-être, un soin à soi-même qui prône le bien-être collectif. Donc, je n’en fais pas plus pour moi, je le fais parce qu’au-delà de moi, il y en a beaucoup d’autres. Je ne vais faire ma part, ma part ne va être effective qu’à partir du moment où je pense aux autres, au contraire, non. Et c’est ce que la pandémie nous enseigne. Regarder l’autre.


 

Transcription
Cynthia Rachel Pereira Lima

Vensam Iala | Guinée-Bissau |

Activiste, acteur, modèle et est diplômé en Lettres à l’Unesp. Il est l’idéalisateur et le fondateur du collectif Visto África.

@vistoafrica @vistoafrica

Cleber Ribeiro | Brésil |

Coordinateur exécutif de IPAD,  l’Institut de Pensées et d’Action pour la Défende de la Démocratie.

Daniel Martins de Araújo | Brésil |

Éditeur exécutif et traducteur de la Revue Périphéries.

daniel@imja.org.br

@danmstefani

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